ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

A PROPOS
Il arrive que le cinéma cesse d’être seulement du cinéma. Qu’il devienne un acte de résistance, de témoignage du présent autant qu’une œuvre de mémoire. Un geste politique, d’une nécessité vitale, qui dépasse l’art et sa simple appréciation critique. The Voice of Hind Rajab, présenté en première mondiale à la Mostra de Venise, appartient à cette catégorie. Kaouther Ben Hania, déjà remarquée pour La belle et la meute, L’Homme qui a vendu sa peau et plus récemment Les Filles d’Olfa, signe ici une œuvre d’une puissance inouïe, qui nous bouleverse bien au-delà de la salle obscure.
« J’ai entendu un enregistrement audio d’Hind Rajab implorant de l’aide. À ce moment-là, sa voix avait déjà fait le tour d’Internet. J’ai immédiatement ressenti un mélange d’impuissance et d’une immense tristesse. Une réaction physique, comme si le sol se dérobait sous mes pieds. Je ne pouvais pas continuer comme prévu. »
Alors qu’elle se préparait à concrétiser un projet de dix ans, la réalisatrice tunisienne a été ébranlée par l’histoire de Hind Rajab, fillette palestinienne de six ans, tuée dans le nord de Gaza après avoir passé de longues heures au téléphone avec les secours, entourée des corps de ses proches dans un véhicule mitraillé de 355 balles. Rédiger ces mots est déjà sidérant. Alors comment trouver la distance idoine pour s’en emparer avec justesse et la raconter à l’écran ? Optant pour un dispositif singulier qui combine enregistrements sonores, images d’archives, témoignages et séquences mises en scène, ce mélange troublant, d’une cohérence rare, nous confronte à l’irreprésentable tout en évitant la sidération.
Ben Hania ne filme pas l’horreur de manière frontale. En adoptant le point de vue des membres de l’organisation humanitaire Red Crescent qui ont communiqué avec la petite fille, la cinéaste prend soin de protéger son sujet, de ne pas céder à la reconstitution voyeuriste. Elle donne à voir leur détermination, leur empathie et leur désespoir. Elle construit ainsi un espace de dignité, où la voix de Hind résonne, fragile et terriblement lucide, au-delà de l’écran, au-delà du temps. Face à une telle histoire, tragique à vous en déchirer le cœur, la salle retient son souffle, contenant tant bien que mal la colère et les sanglots.
Le film que Ben Hania a réalisé nous apparait comme une stèle, celle d’une enfant, mais aussi une réflexion percutante sur notre impuissance collective. Ce qui bouleverse, ce n’est pas seulement ce qu’on y apprend ou ce qu’on y voit, mais la conscience que ce drame est loin d’être un crime isolé. Car Hind Rajab est loin d’être la seule victime de cette barbarie génocidaire. Chaque jour, des dizaines voire des centaines de vies innocentes sont fauchées par l’armée de Netanyahu, qui élimine autant les enfants que les secouristes, les humanitaires et les journalistes qui tentent de rendre compte de ce qui vivent les Gazaoui(e)s. Le film fait revivre cette voix d’enfant pour rappeler une urgence, un appel meurtri, celui d’un peuple victime d’une violence systématique et inhumaine.
Au-delà de la démarche artistique, The Voice of Hind Rajab impose une évidence : ce film devrait remporter le Lion d’or. Non par opportunisme ou par geste symbolique pour se réconforter de façon passagère, mais parce qu’il redonne au cinéma sa fonction première : témoigner, réveiller les consciences, se dresser face à l’injustice. Mais il faudra veiller à ce que cette consécration éventuelle ne se réduise pas à une forme d’hommage ponctuel. Le film exige plus : que les regards ne se détournent plus, que la parole de Hind continue de résonner, que l’indignation ne se dilue pas dans le confort des chagrins passagers et des applaudissements festivaliers.
Même si on ne peut qu’admirer le talent avec lequel sa réalisatrice est parvenue à refaire jaillir le réel dans son long-métrage, The Voice of Hind Rajab est de ces œuvres qui dépassent l’exercice critique, de celles qui arrachent le cinéma à ses débats théoriques et esthétiques pour le ramener à l’essentiel. C’est un cri. Et ce cri ne doit pas rester sans écho.
Sam Nøllithørpe (Le bleu du miroir)
Soirée Rencontre
jeudi 27 novembre
à 20h00
suivi d'une rencontre avec l'association France Palestine Solidarité.
Soirée organisée en collaboration avec l'association France Palestine Solidarité
LA VOIX DE HIND RAJAB
de Kaouther Ben Hania
Avec Amer Hlehel, Clara Khoury, Motaz Malhees
Tunisie - France - 2025 - 1h29 - VOST - Lion d'Argent Venise 2025
29 janvier 2024. Les bénévoles du Croissant-Rouge reçoivent un appel d'urgence. Une fillette de six ans est piégée dans une voiture sous les tirs à Gaza et implore qu'on vienne la secourir. Tout en essayant de la garder en ligne, ils font tout leur possible pour lui envoyer une ambulance. Elle s'appelait Hind Rajab.
https://jour2fete.com/film/la-voix-de-hind-rajab/
A PROPOS
Il arrive que le cinéma cesse d’être seulement du cinéma. Qu’il devienne un acte de résistance, de témoignage du présent autant qu’une œuvre de mémoire. Un geste politique, d’une nécessité vitale, qui dépasse l’art et sa simple appréciation critique. The Voice of Hind Rajab, présenté en première mondiale à la Mostra de Venise, appartient à cette catégorie. Kaouther Ben Hania, déjà remarquée pour La belle et la meute, L’Homme qui a vendu sa peau et plus récemment Les Filles d’Olfa, signe ici une œuvre d’une puissance inouïe, qui nous bouleverse bien au-delà de la salle obscure.
« J’ai entendu un enregistrement audio d’Hind Rajab implorant de l’aide. À ce moment-là, sa voix avait déjà fait le tour d’Internet. J’ai immédiatement ressenti un mélange d’impuissance et d’une immense tristesse. Une réaction physique, comme si le sol se dérobait sous mes pieds. Je ne pouvais pas continuer comme prévu. »
Alors qu’elle se préparait à concrétiser un projet de dix ans, la réalisatrice tunisienne a été ébranlée par l’histoire de Hind Rajab, fillette palestinienne de six ans, tuée dans le nord de Gaza après avoir passé de longues heures au téléphone avec les secours, entourée des corps de ses proches dans un véhicule mitraillé de 355 balles. Rédiger ces mots est déjà sidérant. Alors comment trouver la distance idoine pour s’en emparer avec justesse et la raconter à l’écran ? Optant pour un dispositif singulier qui combine enregistrements sonores, images d’archives, témoignages et séquences mises en scène, ce mélange troublant, d’une cohérence rare, nous confronte à l’irreprésentable tout en évitant la sidération.
Ben Hania ne filme pas l’horreur de manière frontale. En adoptant le point de vue des membres de l’organisation humanitaire Red Crescent qui ont communiqué avec la petite fille, la cinéaste prend soin de protéger son sujet, de ne pas céder à la reconstitution voyeuriste. Elle donne à voir leur détermination, leur empathie et leur désespoir. Elle construit ainsi un espace de dignité, où la voix de Hind résonne, fragile et terriblement lucide, au-delà de l’écran, au-delà du temps. Face à une telle histoire, tragique à vous en déchirer le cœur, la salle retient son souffle, contenant tant bien que mal la colère et les sanglots.
Le film que Ben Hania a réalisé nous apparait comme une stèle, celle d’une enfant, mais aussi une réflexion percutante sur notre impuissance collective. Ce qui bouleverse, ce n’est pas seulement ce qu’on y apprend ou ce qu’on y voit, mais la conscience que ce drame est loin d’être un crime isolé. Car Hind Rajab est loin d’être la seule victime de cette barbarie génocidaire. Chaque jour, des dizaines voire des centaines de vies innocentes sont fauchées par l’armée de Netanyahu, qui élimine autant les enfants que les secouristes, les humanitaires et les journalistes qui tentent de rendre compte de ce qui vivent les Gazaoui(e)s. Le film fait revivre cette voix d’enfant pour rappeler une urgence, un appel meurtri, celui d’un peuple victime d’une violence systématique et inhumaine.
Au-delà de la démarche artistique, The Voice of Hind Rajab impose une évidence : ce film devrait remporter le Lion d’or. Non par opportunisme ou par geste symbolique pour se réconforter de façon passagère, mais parce qu’il redonne au cinéma sa fonction première : témoigner, réveiller les consciences, se dresser face à l’injustice. Mais il faudra veiller à ce que cette consécration éventuelle ne se réduise pas à une forme d’hommage ponctuel. Le film exige plus : que les regards ne se détournent plus, que la parole de Hind continue de résonner, que l’indignation ne se dilue pas dans le confort des chagrins passagers et des applaudissements festivaliers.
Même si on ne peut qu’admirer le talent avec lequel sa réalisatrice est parvenue à refaire jaillir le réel dans son long-métrage, The Voice of Hind Rajab est de ces œuvres qui dépassent l’exercice critique, de celles qui arrachent le cinéma à ses débats théoriques et esthétiques pour le ramener à l’essentiel. C’est un cri. Et ce cri ne doit pas rester sans écho.
Sam Nøllithørpe (Le bleu du miroir)