ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

A PROPOS
Après À trois on y va et Chère Léa, Jérôme Bonnell signe avec La condition une transposition cinématographique du huis clos littéraire de Léonor de Récondo, Amours. À l’aube du XX? siècle, dans une bourgeoisie provinciale, le récit délie la parole sur la violence sexuelle, le désir féminin et l’amour interdit, offrant un regard féministe inattendu, mais bienvenu.
Le film s’installe dans la maison des Boisvaillant, où Victoire, épouse d’un notaire, et Céleste, la jeune bonne, voient leurs destins bouleversés. Lorsque Céleste tombe enceinte suite aux assauts d’André — figure patriarcale à la fois dominateur et pathétique — la « solution » sociale consiste à présenter l’enfant comme l’héritier attendu, sans congédier l’employée. De cet arrangement naît une intimité inavouable entre maîtresse et servante, une alliance secrète qui interroge les frontières du désir, du pouvoir et de la maternité au sein d’un microcosme bourgeois.
Galatéa Bellugi (Céleste) et Louise Chevillotte (Victoire) forment le cœur du film. Leurs personnages sont écrits avec une grande délicatesse et incarnés avec une vérité saisissante. Bellugi prête à Céleste une fragilité qui n’exclut jamais la force, tandis que Chevillotte incarne une Victoire traversée par le désir et la honte, puis par une volonté de protection maternelle qui la transforme. Leurs scènes communes, d’abord prudentes, puis d’une complicité de plus en plus assumée, deviennent le lieu d’un cinéma de l’implicite qui dit plus que les mots, racontant comment le besoin de respectabilité sociale et la quête d’émancipation s’entrelacent.
Swann Arlaud, dans le rôle d’André, complète ce triangle avec une interprétation subtilement problématique : loin d’être un simple bourreau caricatural, son personnage apparaît comme l’enfant du patriarcat, écrasé par une mère castratrice, rongé par la peur de la stérilité et son incapacité à gérer la frustration. Bonnell choisit de filmer cette virilité blessée à travers ses accès de colère — révélateurs autant de fragilité masculine que de violence — plutôt que de la réduire à une pure monstruosité. Ce parti pris ouvre une lecture sociologique : l’homme violent comme produit d’un système patriarcal qui le déforme.
Sur le plan formel, La Condition séduit par sa facture soignée. La photographie capte la lumière crue et la texture des intérieurs bourgeois, alternant la froideur des salons avec la chaleur éphémère des couloirs et de la chambre où se noue la tendresse. La mise en scène privilégie une proximité minimale : plans serrés, compositions laissant affleurer gêne et attirance, montage préservant le mystère. Ces choix accompagnent la délicatesse du rapprochement entre Victoire et Céleste, suggéré plutôt que proclamé, jusqu’à un épilogue d’une discrète perfection où l’émotion surgit hors champ, dans la pudeur d’un geste, de quelques mots ou d’un ultime regard sublime.
Entremêlant contexte social et critique du patriarcat, sans jubilations morales, mais avec une colère sourde et contenue, La Condition revendique la légitimité des amours interdites et révèle la capacité de résistance des femmes contraintes par les convenances. Une fresque intime, subversive et d’une modernité évidente, portée par des interprètes remarquables et une réalisation qui sait faire entendre, en creux, injustice et tendresse.
Sam Nollithorpe (Le bleu du miroir)
Avant première / Rencontre
lundi 24 novembre
à 20h00
Suivi d'une rencontre avec Jérôme Bonnell, réalisateur
Sortie du film le 10 décembre
Séance organisée en collaboration avec Cinéma Parlant
LA CONDITION
de Jérôme Bonnell
avec Swann Arlaud, Galatea Bellugi, Louise Chevillotte
France - 2025 - 1h43
C’est l’histoire de Céleste, jeune bonne employée chez Victoire et André, en 1908.
C’est l’histoire de Victoire, de l’épouse modèle qu’elle ne sait pas être.
Deux femmes que tout sépare mais qui vivent sous le même toit, défiant les conventions et les non-dits.
https://diaphana.fr/film/la-condition/
A PROPOS
Après À trois on y va et Chère Léa, Jérôme Bonnell signe avec La condition une transposition cinématographique du huis clos littéraire de Léonor de Récondo, Amours. À l’aube du XX? siècle, dans une bourgeoisie provinciale, le récit délie la parole sur la violence sexuelle, le désir féminin et l’amour interdit, offrant un regard féministe inattendu, mais bienvenu.
Le film s’installe dans la maison des Boisvaillant, où Victoire, épouse d’un notaire, et Céleste, la jeune bonne, voient leurs destins bouleversés. Lorsque Céleste tombe enceinte suite aux assauts d’André — figure patriarcale à la fois dominateur et pathétique — la « solution » sociale consiste à présenter l’enfant comme l’héritier attendu, sans congédier l’employée. De cet arrangement naît une intimité inavouable entre maîtresse et servante, une alliance secrète qui interroge les frontières du désir, du pouvoir et de la maternité au sein d’un microcosme bourgeois.
Galatéa Bellugi (Céleste) et Louise Chevillotte (Victoire) forment le cœur du film. Leurs personnages sont écrits avec une grande délicatesse et incarnés avec une vérité saisissante. Bellugi prête à Céleste une fragilité qui n’exclut jamais la force, tandis que Chevillotte incarne une Victoire traversée par le désir et la honte, puis par une volonté de protection maternelle qui la transforme. Leurs scènes communes, d’abord prudentes, puis d’une complicité de plus en plus assumée, deviennent le lieu d’un cinéma de l’implicite qui dit plus que les mots, racontant comment le besoin de respectabilité sociale et la quête d’émancipation s’entrelacent.
Swann Arlaud, dans le rôle d’André, complète ce triangle avec une interprétation subtilement problématique : loin d’être un simple bourreau caricatural, son personnage apparaît comme l’enfant du patriarcat, écrasé par une mère castratrice, rongé par la peur de la stérilité et son incapacité à gérer la frustration. Bonnell choisit de filmer cette virilité blessée à travers ses accès de colère — révélateurs autant de fragilité masculine que de violence — plutôt que de la réduire à une pure monstruosité. Ce parti pris ouvre une lecture sociologique : l’homme violent comme produit d’un système patriarcal qui le déforme.
Sur le plan formel, La Condition séduit par sa facture soignée. La photographie capte la lumière crue et la texture des intérieurs bourgeois, alternant la froideur des salons avec la chaleur éphémère des couloirs et de la chambre où se noue la tendresse. La mise en scène privilégie une proximité minimale : plans serrés, compositions laissant affleurer gêne et attirance, montage préservant le mystère. Ces choix accompagnent la délicatesse du rapprochement entre Victoire et Céleste, suggéré plutôt que proclamé, jusqu’à un épilogue d’une discrète perfection où l’émotion surgit hors champ, dans la pudeur d’un geste, de quelques mots ou d’un ultime regard sublime.
Entremêlant contexte social et critique du patriarcat, sans jubilations morales, mais avec une colère sourde et contenue, La Condition revendique la légitimité des amours interdites et révèle la capacité de résistance des femmes contraintes par les convenances. Une fresque intime, subversive et d’une modernité évidente, portée par des interprètes remarquables et une réalisation qui sait faire entendre, en creux, injustice et tendresse.
Sam Nollithorpe (Le bleu du miroir)