ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

A PROPOS
Après dix films co-réalisés avec son complice Gustave Kervern – de Aaltra (2004) à En même temps (2022), en passant par Le Grand Soir (2012) ou Saint Amour (2016) – Benoît Delépine signe son premier long métrage en solo. Animal Totem s’inscrit dans la continuité de son univers insolite et satirique, tout en affirmant un geste plus personnel.
Le film suit Darius, incarné par Samir Guesmi. On le découvre à sa sortie de l’aéroport de Beauvais, privé de papiers mais déterminé à rejoindre à pied le quartier de La Défense. Une valise à roulettes, menottée à son poignet, l’accompagne et entretient le mystère de son contenu. Tout au long de sa marche, il croise une galerie de personnages hauts en couleur : une anarchiste qui détrousse les vieux riches pour financer son revenu universel, un chasseur avide, un agent de la voie publique persuadé d’être un cowboy, un fan de MMA trop sûr de lui, ou encore un poète incarné par Patrick Bouchitey – dont le bref retour à l’écran est une réjouissance. S’ajoute l’histoire loufoque de Totor, pigeon voyageur de l’armée française durant la Première Guerre mondiale. Chaque rencontre forme un sketch autonome, mais contribue peu à peu à dresser un tableau grinçant de la société française contemporaine.
La tonalité du film reste fidèle à l’ADN du réalisateur franco-grolandais : goût du non-sens, humour absurde et critique sociale. Comme toujours chez Delépine, Animal Totem dépasse la simple farce pour se poser en fable écologique et anti-capitaliste. Il y ajoute une fibre antispéciste en rappelant sans cesse que l’humain n’est pas seul sur Terre. Plusieurs parenthèses filmées adoptent ainsi le regard d’animaux. Ce procédé, inattendu, invite le spectateur à percevoir l’environnement et les gestes humains depuis une conscience non-humaine, et à reconsidérer sa place dans l’écosystème.
Cette démarche est soutenue par un travail visuel singulier. Pour mettre en images son film, Benoît Delépine a choisi un format atypique, très panoramique, tourné avec la nouvelle caméra Sony Burano. L’image, soignée, recourt à des effets anamorphiques pour traduire la vision animale. L’ensemble confère au film une étrangeté poétique, renforcée par la musique de Sébastien Tellier qui accompagne cette errance avec élégance.
Si le récit connaît un léger ralentissement en son milieu, du fait de la succession de rencontres et de l’objectif de Darius qui demeure volontairement obscur, cette retenue prépare un dernier acte jubilatoire : la confrontation avec le patron de Totem Énergie (toute ressemblance avec un groupe pétrolier français n’est pas fortuite). Olivier Rabourdin y campe un dirigeant cynique et passionné par la chasse aux espèces menacées. La séquence, hilarante, oppose frontalement deux visions du monde : la prédation capitaliste et la conscience écologique.
Au-delà de ses qualités comiques, Animal Totem frappe par sa capacité à faire coexister satire et poésie. Le film ne se contente pas d’épingler les travers sociaux : il élargit la perspective pour rappeler la fragilité du vivant et la nécessité de le protéger. Ce regard animal, fil conducteur discret mais constant, transforme la pérégrination de Darius en une prise de conscience partagée avec le spectateur. Drôle, corrosif et porté par une vraie conviction, le film réussit à transformer une succession de sketches en une rêverie engagée et sincère : l’utopie comme remède au réel.
Grégory Perez (Le bleu du miroir)
Avant première / Rencontre
lundi 10 novembre
à 20h00
suivi d'une rencontre avec Benoît Delépine, réalisateur
Sortie du film le 10 décembre
Séance organisée en collaboration avec Cinéma Parlant
ANIMAL TOTEM
de Benoît Delépine
avec Samir Guesmi, Olivier Rabourdin, Solène Rigot
France - 2025 - 1h29
De l’aéroport de Beauvais à La Défense, accompagné de sa valise à roulettes, Darius traverse à pied campagnes et banlieues pour mener à bien, et sans empreinte carbone, une mystérieuse mission.
https://www.advitamdistribution.com/films/animal-totem/
A PROPOS
Après dix films co-réalisés avec son complice Gustave Kervern – de Aaltra (2004) à En même temps (2022), en passant par Le Grand Soir (2012) ou Saint Amour (2016) – Benoît Delépine signe son premier long métrage en solo. Animal Totem s’inscrit dans la continuité de son univers insolite et satirique, tout en affirmant un geste plus personnel.
Le film suit Darius, incarné par Samir Guesmi. On le découvre à sa sortie de l’aéroport de Beauvais, privé de papiers mais déterminé à rejoindre à pied le quartier de La Défense. Une valise à roulettes, menottée à son poignet, l’accompagne et entretient le mystère de son contenu. Tout au long de sa marche, il croise une galerie de personnages hauts en couleur : une anarchiste qui détrousse les vieux riches pour financer son revenu universel, un chasseur avide, un agent de la voie publique persuadé d’être un cowboy, un fan de MMA trop sûr de lui, ou encore un poète incarné par Patrick Bouchitey – dont le bref retour à l’écran est une réjouissance. S’ajoute l’histoire loufoque de Totor, pigeon voyageur de l’armée française durant la Première Guerre mondiale. Chaque rencontre forme un sketch autonome, mais contribue peu à peu à dresser un tableau grinçant de la société française contemporaine.
La tonalité du film reste fidèle à l’ADN du réalisateur franco-grolandais : goût du non-sens, humour absurde et critique sociale. Comme toujours chez Delépine, Animal Totem dépasse la simple farce pour se poser en fable écologique et anti-capitaliste. Il y ajoute une fibre antispéciste en rappelant sans cesse que l’humain n’est pas seul sur Terre. Plusieurs parenthèses filmées adoptent ainsi le regard d’animaux. Ce procédé, inattendu, invite le spectateur à percevoir l’environnement et les gestes humains depuis une conscience non-humaine, et à reconsidérer sa place dans l’écosystème.
Cette démarche est soutenue par un travail visuel singulier. Pour mettre en images son film, Benoît Delépine a choisi un format atypique, très panoramique, tourné avec la nouvelle caméra Sony Burano. L’image, soignée, recourt à des effets anamorphiques pour traduire la vision animale. L’ensemble confère au film une étrangeté poétique, renforcée par la musique de Sébastien Tellier qui accompagne cette errance avec élégance.
Si le récit connaît un léger ralentissement en son milieu, du fait de la succession de rencontres et de l’objectif de Darius qui demeure volontairement obscur, cette retenue prépare un dernier acte jubilatoire : la confrontation avec le patron de Totem Énergie (toute ressemblance avec un groupe pétrolier français n’est pas fortuite). Olivier Rabourdin y campe un dirigeant cynique et passionné par la chasse aux espèces menacées. La séquence, hilarante, oppose frontalement deux visions du monde : la prédation capitaliste et la conscience écologique.
Au-delà de ses qualités comiques, Animal Totem frappe par sa capacité à faire coexister satire et poésie. Le film ne se contente pas d’épingler les travers sociaux : il élargit la perspective pour rappeler la fragilité du vivant et la nécessité de le protéger. Ce regard animal, fil conducteur discret mais constant, transforme la pérégrination de Darius en une prise de conscience partagée avec le spectateur. Drôle, corrosif et porté par une vraie conviction, le film réussit à transformer une succession de sketches en une rêverie engagée et sincère : l’utopie comme remède au réel.
Grégory Perez (Le bleu du miroir)