ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

A PROPOS
Le 2 janvier 2023, l’incrédulité, l’amertume et la colère s’abattent sur les Guadeloupéens et les Martiniquais. Le tribunal judiciaire de Paris vient de prononcer un non-lieu à l’issue du procès pour l’affaire du chlordécone. La mise en danger d’autrui tombe sous le coup de la prescription.
Et pourtant, depuis plusieurs décennies, les Antillais connaissent et subissent à grande échelle les conséquences vertigineuses de l’utilisation de ce pesticide ultra-toxique : troubles neurologiques, hausse des cancers de la prostate, prématurité des bébés… Sur les deux îles, la pollution des sols et des cours d’eau est quasi totale, et cela pour des siècles.
La dangerosité du chlordécone était cependant bien connue depuis le milieu des années 1970. Comment a-t-on pu autoriser son utilisation sur ces territoires ultramarins jusqu’à la fin des années 1990, au mépris de la santé de centaines de milliers d’habitants ?
Pour comprendre comment on en est arrivé là, il faut remonter à l’après-guerre. Les Blancs créoles et grands propriétaires – qui possèdent 90 % des terres agricoles de Guadeloupe et de Martinique – sont soumis à la concurrence en métropole de la betterave sucrière. Ils décident de convertir leurs plantations de canne à sucre en immenses bananeraies, promesse de plus grands rendements. « Le socle de cette économie de plantation, explique Maël Lavenaire, historien spécialiste des inégalités raciales, c’est qu’elle est destinée à enrichir sur le plan économique la métropole. » Face à la concurrence africaine, le général de Gaulle au pouvoir favorise « le pétrole des Antilles » et l’emploi qu’il génère.
Problème : le charançon noir est un parasite redoutable pour la survie des bananiers, dont la production intensive ne peut être entravée. Qu’à cela ne tienne : le Kepone, un puissant pesticide peut en venir à bout. Aux États-Unis, la toxicité de sa molécule – le chlordécone – le réserve à des cultures non alimentaires.
Reconnu comme un « polluant organique persistant », son homologation par le ministère de l’Agriculture français est rejetée à deux reprises. Et pourtant… en 1972, le ministre de l’Agriculture, Jacques Chirac, délivre une autorisation de mise sur le marché (AMM) provisoire. Les riches créoles ont toujours su entretenir les relations politiques qui pouvaient leur servir en métropole…
En 1975, un scandale sanitaire secoue l’industriel qui fabrique le Kepone aux États-Unis : l’usine est fermée et le pesticide totalement interdit.
Mais les planteurs antillais s’accrochent aux derniers stocks. À la fin des années 1970, les bananeraies détruites par deux cyclones subissent le retour du charançon. Le brevet du chlordécone est alors racheté par une entreprise martiniquaise, dirigée par le président du syndicat des planteurs, qui le fait fabriquer au Brésil. En 1981, contre toute attente, le nouveau pesticide Curlone obtient l’autorisation française d’être commercialisé. Il ne sera interdit qu’en 1990 mais encore utilisé jusqu’à l’aube des années 2000…
francetelevisions.fr
Ciné Doc
lundi 3 novembre
à 20h00
suivi d'une rencontre
LES ANTILLES EMPOISONNEES LA BANANE ET LE CHLORDECONE
de Nicolas Glimois
Documentaire
FRANCE - 2024 - 0h52
« On savait… et pourtant on a laissé faire », voilà comment résumer trivialement la tragédie du chlordécone aux Antilles, ce pesticide utilisé dans les bananeraies pendant plus de vingt ans. Une pollution quasi totale des territoires insulaires : les sols, les rivières… et les corps de 800 000 Antillais et Antillaises. Avec des conséquences vertigineuses : troubles neurologiques, hausse des cancers de la prostate, prématurité des bébés. C’est sans doute le plus grand scandale sanitaire et écologique en France, fondé sur la loi d’airain du primat de l’économique et des profits. C’est le récit exemplaire d’une surdité collective en dépit des alertes successives. C’est aussi l’histoire d’une prédation sociale et environnementale qui s’inscrit dans l’histoire coloniale française.
https://www.13prods.fr/les-antilles-empoisonnees-la-banane-et-le-chlordecone/
A PROPOS
Le 2 janvier 2023, l’incrédulité, l’amertume et la colère s’abattent sur les Guadeloupéens et les Martiniquais. Le tribunal judiciaire de Paris vient de prononcer un non-lieu à l’issue du procès pour l’affaire du chlordécone. La mise en danger d’autrui tombe sous le coup de la prescription.
Et pourtant, depuis plusieurs décennies, les Antillais connaissent et subissent à grande échelle les conséquences vertigineuses de l’utilisation de ce pesticide ultra-toxique : troubles neurologiques, hausse des cancers de la prostate, prématurité des bébés… Sur les deux îles, la pollution des sols et des cours d’eau est quasi totale, et cela pour des siècles.
La dangerosité du chlordécone était cependant bien connue depuis le milieu des années 1970. Comment a-t-on pu autoriser son utilisation sur ces territoires ultramarins jusqu’à la fin des années 1990, au mépris de la santé de centaines de milliers d’habitants ?
Pour comprendre comment on en est arrivé là, il faut remonter à l’après-guerre. Les Blancs créoles et grands propriétaires – qui possèdent 90 % des terres agricoles de Guadeloupe et de Martinique – sont soumis à la concurrence en métropole de la betterave sucrière. Ils décident de convertir leurs plantations de canne à sucre en immenses bananeraies, promesse de plus grands rendements. « Le socle de cette économie de plantation, explique Maël Lavenaire, historien spécialiste des inégalités raciales, c’est qu’elle est destinée à enrichir sur le plan économique la métropole. » Face à la concurrence africaine, le général de Gaulle au pouvoir favorise « le pétrole des Antilles » et l’emploi qu’il génère.
Problème : le charançon noir est un parasite redoutable pour la survie des bananiers, dont la production intensive ne peut être entravée. Qu’à cela ne tienne : le Kepone, un puissant pesticide peut en venir à bout. Aux États-Unis, la toxicité de sa molécule – le chlordécone – le réserve à des cultures non alimentaires.
Reconnu comme un « polluant organique persistant », son homologation par le ministère de l’Agriculture français est rejetée à deux reprises. Et pourtant… en 1972, le ministre de l’Agriculture, Jacques Chirac, délivre une autorisation de mise sur le marché (AMM) provisoire. Les riches créoles ont toujours su entretenir les relations politiques qui pouvaient leur servir en métropole…
En 1975, un scandale sanitaire secoue l’industriel qui fabrique le Kepone aux États-Unis : l’usine est fermée et le pesticide totalement interdit.
Mais les planteurs antillais s’accrochent aux derniers stocks. À la fin des années 1970, les bananeraies détruites par deux cyclones subissent le retour du charançon. Le brevet du chlordécone est alors racheté par une entreprise martiniquaise, dirigée par le président du syndicat des planteurs, qui le fait fabriquer au Brésil. En 1981, contre toute attente, le nouveau pesticide Curlone obtient l’autorisation française d’être commercialisé. Il ne sera interdit qu’en 1990 mais encore utilisé jusqu’à l’aube des années 2000…
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