FANNY ET ALEXANDRE PARTIE 1 - Ingmar Bergman

A PROPOS

Suède, début du XXe siècle. La nombreuse, truculente et bourgeoise famille Ekdahl, qui possède le théâtre de la ville, fête la nuit de Noël. Le directeur de la troupe tombe bientôt sur scène, frappé d’apoplexie. Sa jeune et jolie veuve, doutant soudain de la légitimité d’une vie tendue vers la douceur, les arts et le plaisir, se remarie avec le pasteur Vergerus, un redoutable puritain entouré d’un monstrueux gynécée, qui la prend en otage ainsi que ses deux enfants, Fanny et Alexandre. Entre l’esprit féerique de Noël et l’inflexible férule luthérienne se glissera à point nommé l’entremise chaplino-shylokienne d’un usurier juif miraculeux.
 
Réalisé en 1982, ce chef-d’œuvre nourri de Strindberg et de Shakespeare est connu comme le dernier film de cinéma d’Ingmar Bergman, mettant fin à une carrière ouverte en 1946 qui aura amené le cinéma jusqu’à des gouffres introspectifs insoupçonnés. Le génie suédois continua toutefois à réaliser de très beaux films pour la télévision, qui n’en furent pas moins distribués en salle – En présence d’un clown (1998), Sarabande (2003).
 
On sait moins que la version cinématographique de Fanny et Alexandre, d’une durée de trois heures et huit minutes, voisine avec une version télévisuelle de plus de cinq heures diffusée à l’époque en Suède. De fait, un commerce très particulier s’était noué depuis longtemps, chez Bergman, entre cinéma et télévision, médium pour lequel il tournera une vingtaine de films. Epuisé par un combat cinématographique qu’il aura mené sabre au clair sa vie durant, c’est dans le refuge du dispositif télévisuel que Bergman se ressource durant les dernières décennies de sa création, y prodiguant, sous l’angle de l’expérimentation en même temps que de la révision de son propre univers cinématographique, ses ultimes chefs-d’œuvre. C’est le cas de Scènes de la vie conjugale (1973). C’est aussi celui de Fanny et Alexandre, encore que de manière plus complexe. Le film est en effet une coproduction cinématographique internationale dont le coût élevé (six millions de dollars) fait envisager d’emblée les deux versions, longue pour la télévision, courte pour le cinéma.
Impureté délibérée
 
Bergman n’aura guère de tendresse pour la seconde, qui lui valut pourtant une fervente admiration dans le monde entier. La version longue, que les Français découvriront aujourd’hui en salle, ne lui est pas pour autant supérieure. Elle est différente, plus fouillée, plus distraite, accordant à certaines visions oniriques, à certains extraits théâtraux, à certaines confrontations pittoresques, à certaines natures mortes, une place que lui fera perdre la nécessité de réduire sa durée. Le film, ici, prend son temps, feuilletonne, accuse l’impureté délibérée – entre théâtre, télévision et cinéma – dont il procède.
 
Enfin, une enfance de Bergman plus nuancée que celle qu’il décrit dans ses Mémoires ou qu’il laisse voir dans le reste de son œuvre y apparaît à travers le personnage d’Alexandre, si intensément interprété par le jeune Bertil Guve. Le maître des empoisonnements moraux et de la fatalité névrotique l’avait d’ailleurs avoué lui-même en évoquant son film : « Je veux enfin donner forme à la joie que je porte malgré tout en moi et à laquelle je donne si rarement et si faiblement vie dans mon travail. Pouvoir décrire la force d’agir, la vitalité, la gentillesse. Pour une fois, ce ne serait pas si mal. »
 
Jacques Mandelbaum (Le Monde)

Ciné classique
dimanche 15 septembre 2019 à 16h00

présenté par Jean Pierre Bleys, spécialiste en histoire du cinéma

Partie 2 : dimanche 22 septembre 16h00


FANNY ET ALEXANDRE PARTIE 1

de Ingmar Bergman

avec Pernilla Allwin, Bertil Guve, Kristina Adolphson
SUEDE - 1982 - 2h51 - VOST - Version longue restaurée inédite

L'histoire se déroule dans la Suède du début du XXème siècle. Le film dépeint la vie d'une jeune fille, Fanny, et de son frère Alexandre au sein d'une famille aisée, les Ekdahl. Les parents de Fanny et Alexandre travaillent dans le théâtre et sont très heureux ensemble jusqu'à la mort subite du père. Peu après ce drame, la mère trouve un prétendant, un évêque, et accepte sa proposition de mariage. Elle déménage chez lui avec les enfants.
http://www.bodegafilms.com/film/fanny-alexandre/

A PROPOS

Suède, début du XXe siècle. La nombreuse, truculente et bourgeoise famille Ekdahl, qui possède le théâtre de la ville, fête la nuit de Noël. Le directeur de la troupe tombe bientôt sur scène, frappé d’apoplexie. Sa jeune et jolie veuve, doutant soudain de la légitimité d’une vie tendue vers la douceur, les arts et le plaisir, se remarie avec le pasteur Vergerus, un redoutable puritain entouré d’un monstrueux gynécée, qui la prend en otage ainsi que ses deux enfants, Fanny et Alexandre. Entre l’esprit féerique de Noël et l’inflexible férule luthérienne se glissera à point nommé l’entremise chaplino-shylokienne d’un usurier juif miraculeux.
 
Réalisé en 1982, ce chef-d’œuvre nourri de Strindberg et de Shakespeare est connu comme le dernier film de cinéma d’Ingmar Bergman, mettant fin à une carrière ouverte en 1946 qui aura amené le cinéma jusqu’à des gouffres introspectifs insoupçonnés. Le génie suédois continua toutefois à réaliser de très beaux films pour la télévision, qui n’en furent pas moins distribués en salle – En présence d’un clown (1998), Sarabande (2003).
 
On sait moins que la version cinématographique de Fanny et Alexandre, d’une durée de trois heures et huit minutes, voisine avec une version télévisuelle de plus de cinq heures diffusée à l’époque en Suède. De fait, un commerce très particulier s’était noué depuis longtemps, chez Bergman, entre cinéma et télévision, médium pour lequel il tournera une vingtaine de films. Epuisé par un combat cinématographique qu’il aura mené sabre au clair sa vie durant, c’est dans le refuge du dispositif télévisuel que Bergman se ressource durant les dernières décennies de sa création, y prodiguant, sous l’angle de l’expérimentation en même temps que de la révision de son propre univers cinématographique, ses ultimes chefs-d’œuvre. C’est le cas de Scènes de la vie conjugale (1973). C’est aussi celui de Fanny et Alexandre, encore que de manière plus complexe. Le film est en effet une coproduction cinématographique internationale dont le coût élevé (six millions de dollars) fait envisager d’emblée les deux versions, longue pour la télévision, courte pour le cinéma.
Impureté délibérée
 
Bergman n’aura guère de tendresse pour la seconde, qui lui valut pourtant une fervente admiration dans le monde entier. La version longue, que les Français découvriront aujourd’hui en salle, ne lui est pas pour autant supérieure. Elle est différente, plus fouillée, plus distraite, accordant à certaines visions oniriques, à certains extraits théâtraux, à certaines confrontations pittoresques, à certaines natures mortes, une place que lui fera perdre la nécessité de réduire sa durée. Le film, ici, prend son temps, feuilletonne, accuse l’impureté délibérée – entre théâtre, télévision et cinéma – dont il procède.
 
Enfin, une enfance de Bergman plus nuancée que celle qu’il décrit dans ses Mémoires ou qu’il laisse voir dans le reste de son œuvre y apparaît à travers le personnage d’Alexandre, si intensément interprété par le jeune Bertil Guve. Le maître des empoisonnements moraux et de la fatalité névrotique l’avait d’ailleurs avoué lui-même en évoquant son film : « Je veux enfin donner forme à la joie que je porte malgré tout en moi et à laquelle je donne si rarement et si faiblement vie dans mon travail. Pouvoir décrire la force d’agir, la vitalité, la gentillesse. Pour une fois, ce ne serait pas si mal. »
 
Jacques Mandelbaum (Le Monde)