ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

JOJO RABBIT - Taika Waititi

A PROPOS

On dit toujours qu'il faut savoir rire de tout même si, aussi contradictoire que cela puisse paraître, tous les sujets ne prêtent pas forcément à rire et surtout, tout le monde ne rit pas forcément des mêmes choses.
C'est avec ce souci d'avoir un popotin salement écarté mais équilibré entre une pluie de chaises, que le génial Taika Waititi se lance dans un challenge sur le papier, aussi osé qu'à la limite de l'insurmontable : croquer une comédie sur l'holocauste, les jeunesses hitlériennes et le nazisme, en tentant de réitérer les exploits des légendes Charlie Chaplin (The Great Dictator) et Mel Brooks (The Producers).
Basé sur le roman Caging Skies de Christine Leunens, Waititi pense son film autant comme un récit initiatique lunaire et touchant que comme un fou et un audacieux fantasme du Troisième Reich sur un môme dont le meilleur ami imaginaire est Hitler - Waititi lui-même.
Et si un tel délire n'est jamais censé fonctionner, magie du cinéma oblige même avec un sujet aussi critique, le film nous emporte pourtant sans trop d'effort, dans un torrent d'émotion et de rires proprement majestueux, et incarne un petit miracle certes imparfait sur de nombreux points, mais d'une douceur face a l'horreur absolument admirable.

On y suit les aléas de Jojo, petit bout d'homme de 10 ans, (le désarmant et touchant Roman Griffin Davi), qui souhaite ardemment devenir le meilleur petit fasciste qui existe, un exterminateur dévoué et fidèle défenseur de la patrie.
Mais dans un camp de jeunes mi-scouts/mi-jeunesse Hitlérienne mené par un officier fanfaron et borgne nommé capitaine Klenzendorf (génial Sam Rockwell) et ses sous-fifres psychotiques encore moins doués (Rebel Wilson et Allen Alfie), il se retrouve rapidement dans le wagon des derniers de la classe, pas même capable de liquider un poulet.
Pourtant, il a un ami imaginaire on ne peut plus adéquat pour en faire un mini soldat parfait : Hitler himself !
Mais quand une malheureuse explosion l’emmène à l’hôpital, sa mère, Rosie (Scarlett Johannson, douce et un tantinet extravagante), insiste sur le fait qu’il renonce à ses devoirs homicides et reste plus à la maison au chaud et tranquille.
Et c'est au cours de l’une de ces discussions rassurantes avec son bon ami Adolph, qu’il découvre le terrible secret que sa mère a gardé dans le grenier : une jeune passagère clandestine juive, Elsa (la déjà grande Thomasin McKenzie).
S'il pense un moment la dénoncer voire même tout simplement à la chasser de chez lui (il se ravisera, car il détruirait de facto le peu qu'il lui reste de famille), il finit pourtant par s'habituer à sa présence - qui déjoue toute la caricature de ce qu'il se faisait de " l'ennemi " - et commencer à se poser des questions sur la doctrine que lui flanque son pays à chaque coin de rien...

Comédie dramatique loufoque et gentiment égarée à la Wes Anderson (à la lisière de la bande dessinée sur pellicule) sur un sujet houleux qui n'a pourtant aucun délai de prescription pour la satire, le film se pare tout du long d'un humour si étrange et si doux - n'ayant même pas peur de génialement se répéter - qu'il lui permet de trouver un équilibre certes précaire mais enchanteur sur un tout petit peu moins de deux heures, même lors de ses inévitables changement de ton et de dramaturgie (on peut passer de séquences cocasses à des moments brutaux en quelques instants).
Face à l'horreur de l'homme, le cinéaste, qui prend la défroque du mal à l'état pur pour mieux la tourner en ridicule (il campe un Hitler coloré et volontairement casse-pied), retrouve ici le point d'ancrage fort de son merveilleux Hunt for the Wilderpeople : les yeux de l'enfance sur le monde qui l'entoure, et sa nécessité à se construire par lui-même dans un chaos entre haine, violence et mensonge.
Car dans sa folie meurtrière, Hitler a réellement endoctriné et initié par centaines de milliers les enfants allemands pour en faire des machines à tuer, les dépouillant et les délestant de l'innocence de leur propre enfance/jeunesse, charnière dans la construction des adultes qui seront dans le futur.

Pertinent sans jamais chercher à jouer la carte de la subversion à tout prix, abordant des thèmes puissants et réalistes, aussi bien historiques (la normalisation des exécutions arbitraires, des visites impromptues de la Gestapo,...), qu'universels (la nécessité des petits garçons se se construire sur une figure tutélaire masculine forte, où d'appartenir à une troupe pour ne pas être frappé par le rejet et la solitude), avec une justesse rare, Jojo Rabbit (les métaphores au terrier du lapin sont légion) est un vrai bout de cinéma créatif (sa mise en scène éclatée part dans tous les sens), innovateur et joliment sensible.
Vraie fable satirique captivante autant que très beau récit initiatique sur le (très) dur passage à la vie d'adulte (et encore plus dans un monde qui a été défini par d'autres que soit), la péloche dénonce les actes abjects du nazisme à sa façon (un peu comme Benigni avec son grandiose La Vie est Belle, en maintenant pendant longtemps une légèreté ), certes pas toujours avec perfection, notamment dans son envie de surligner ce qui n'a pas toujours besoin de l'être ou de trop alourdir son intrigue (le dernier tiers tirant en longueur jusqu'au long final, même s'il est vraiment beau dans son message qui mise avec juste ce qu'il faut de naïveté et de beauté, sur la nécessité de ne jamais perdre espoir), mais ce sont des menus défauts qui sont constamment contrebalancé par une malice et une sincérité qui font mouche.

Un beau feel good movie vif et incisif qui ne plie jamais devant la laideur de la vraie histoire - encore bien prégnante dans le mémoire collective -, et qui mérite amplement son riche pesant de popcorn, et son statut de grand film du riche début d'année ciné 2020


Jonathan Chevrier (http://fuckingcinephiles.blogspot.com)

Ciné Cosy
jeudi 6 février 2020 à 13h15

Séance adaptée aux parents avec leur bébé, avec son adouci, mise à disposition d'une table à langer, d'un chauffe biberon...


JOJO RABBIT

de Taika Waititi

avec Roman Griffin Davis, Taika Waititi, Scarlett Johansson...
USA - 2019 - 1h48 - VOST

Jojo est un petit allemand solitaire. Sa vision du monde est mise à l'épreuve quand il découvre que sa mère cache une jeune fille juive dans leur grenier. Avec la seule aide de son ami aussi grotesque qu'imaginaire, Adolf Hitler, Jojo va devoir faire face à son nationalisme aveugle

A PROPOS

On dit toujours qu'il faut savoir rire de tout même si, aussi contradictoire que cela puisse paraître, tous les sujets ne prêtent pas forcément à rire et surtout, tout le monde ne rit pas forcément des mêmes choses.
C'est avec ce souci d'avoir un popotin salement écarté mais équilibré entre une pluie de chaises, que le génial Taika Waititi se lance dans un challenge sur le papier, aussi osé qu'à la limite de l'insurmontable : croquer une comédie sur l'holocauste, les jeunesses hitlériennes et le nazisme, en tentant de réitérer les exploits des légendes Charlie Chaplin (The Great Dictator) et Mel Brooks (The Producers).
Basé sur le roman Caging Skies de Christine Leunens, Waititi pense son film autant comme un récit initiatique lunaire et touchant que comme un fou et un audacieux fantasme du Troisième Reich sur un môme dont le meilleur ami imaginaire est Hitler - Waititi lui-même.
Et si un tel délire n'est jamais censé fonctionner, magie du cinéma oblige même avec un sujet aussi critique, le film nous emporte pourtant sans trop d'effort, dans un torrent d'émotion et de rires proprement majestueux, et incarne un petit miracle certes imparfait sur de nombreux points, mais d'une douceur face a l'horreur absolument admirable.

On y suit les aléas de Jojo, petit bout d'homme de 10 ans, (le désarmant et touchant Roman Griffin Davi), qui souhaite ardemment devenir le meilleur petit fasciste qui existe, un exterminateur dévoué et fidèle défenseur de la patrie.
Mais dans un camp de jeunes mi-scouts/mi-jeunesse Hitlérienne mené par un officier fanfaron et borgne nommé capitaine Klenzendorf (génial Sam Rockwell) et ses sous-fifres psychotiques encore moins doués (Rebel Wilson et Allen Alfie), il se retrouve rapidement dans le wagon des derniers de la classe, pas même capable de liquider un poulet.
Pourtant, il a un ami imaginaire on ne peut plus adéquat pour en faire un mini soldat parfait : Hitler himself !
Mais quand une malheureuse explosion l’emmène à l’hôpital, sa mère, Rosie (Scarlett Johannson, douce et un tantinet extravagante), insiste sur le fait qu’il renonce à ses devoirs homicides et reste plus à la maison au chaud et tranquille.
Et c'est au cours de l’une de ces discussions rassurantes avec son bon ami Adolph, qu’il découvre le terrible secret que sa mère a gardé dans le grenier : une jeune passagère clandestine juive, Elsa (la déjà grande Thomasin McKenzie).
S'il pense un moment la dénoncer voire même tout simplement à la chasser de chez lui (il se ravisera, car il détruirait de facto le peu qu'il lui reste de famille), il finit pourtant par s'habituer à sa présence - qui déjoue toute la caricature de ce qu'il se faisait de " l'ennemi " - et commencer à se poser des questions sur la doctrine que lui flanque son pays à chaque coin de rien...

Comédie dramatique loufoque et gentiment égarée à la Wes Anderson (à la lisière de la bande dessinée sur pellicule) sur un sujet houleux qui n'a pourtant aucun délai de prescription pour la satire, le film se pare tout du long d'un humour si étrange et si doux - n'ayant même pas peur de génialement se répéter - qu'il lui permet de trouver un équilibre certes précaire mais enchanteur sur un tout petit peu moins de deux heures, même lors de ses inévitables changement de ton et de dramaturgie (on peut passer de séquences cocasses à des moments brutaux en quelques instants).
Face à l'horreur de l'homme, le cinéaste, qui prend la défroque du mal à l'état pur pour mieux la tourner en ridicule (il campe un Hitler coloré et volontairement casse-pied), retrouve ici le point d'ancrage fort de son merveilleux Hunt for the Wilderpeople : les yeux de l'enfance sur le monde qui l'entoure, et sa nécessité à se construire par lui-même dans un chaos entre haine, violence et mensonge.
Car dans sa folie meurtrière, Hitler a réellement endoctriné et initié par centaines de milliers les enfants allemands pour en faire des machines à tuer, les dépouillant et les délestant de l'innocence de leur propre enfance/jeunesse, charnière dans la construction des adultes qui seront dans le futur.

Pertinent sans jamais chercher à jouer la carte de la subversion à tout prix, abordant des thèmes puissants et réalistes, aussi bien historiques (la normalisation des exécutions arbitraires, des visites impromptues de la Gestapo,...), qu'universels (la nécessité des petits garçons se se construire sur une figure tutélaire masculine forte, où d'appartenir à une troupe pour ne pas être frappé par le rejet et la solitude), avec une justesse rare, Jojo Rabbit (les métaphores au terrier du lapin sont légion) est un vrai bout de cinéma créatif (sa mise en scène éclatée part dans tous les sens), innovateur et joliment sensible.
Vraie fable satirique captivante autant que très beau récit initiatique sur le (très) dur passage à la vie d'adulte (et encore plus dans un monde qui a été défini par d'autres que soit), la péloche dénonce les actes abjects du nazisme à sa façon (un peu comme Benigni avec son grandiose La Vie est Belle, en maintenant pendant longtemps une légèreté ), certes pas toujours avec perfection, notamment dans son envie de surligner ce qui n'a pas toujours besoin de l'être ou de trop alourdir son intrigue (le dernier tiers tirant en longueur jusqu'au long final, même s'il est vraiment beau dans son message qui mise avec juste ce qu'il faut de naïveté et de beauté, sur la nécessité de ne jamais perdre espoir), mais ce sont des menus défauts qui sont constamment contrebalancé par une malice et une sincérité qui font mouche.

Un beau feel good movie vif et incisif qui ne plie jamais devant la laideur de la vraie histoire - encore bien prégnante dans le mémoire collective -, et qui mérite amplement son riche pesant de popcorn, et son statut de grand film du riche début d'année ciné 2020


Jonathan Chevrier (http://fuckingcinephiles.blogspot.com)