ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES
A PROPOS
“Est-ce que l’émotion c’est de l’info ?” interroge (s’insurge ?) un des élèves du CFJ Paris après l’expérience que sa promotion a vécu devant le Bataclan, peu après le drame. Certain(e)s apparaissant ébranlé(e)s par la détresse rencontrée sur place, d’autres justifiant de ne pas se questionner au nom de l’information. L’essence de ce documentaire en immersion, exceptionnel et fascinant par ce qu’il nous permet de décrypter du “formatage” du discours des media (radio et télé) tient dans cette phrase terrible prononcée lors de l’ultime séquence valant, à elle seule, pour moment holistique. En 1928, le neveu de Freud avait commis un opuscule titré “Propaganda” dans lequel il analysait cyniquement “Comment manipuler l’opinion en démocratie”. On dit que Gœbbels sut en tirer de profitables leçons. Ce n’est pas, évidemment, le but de ces étudiants des promotions 68, 69 & 70 ! Et pourtant, en nous dévoilant ce qui concourt à l’édification des journaux télé et radiodiffusés, ce film hautement salutaire nous renvoie aussi à nous-mêmes, pu-blic. En effet, lors des premières images nous regardons avec un intérêt teinté de curiosité ces futur(e)s journalistes s’essayant à présentation des flashes.
Alerte, le tempo est assuré par les gros plans sur leurs visages alternant avec ceux, plus larges, sur les studios et leurs classes, nous permettant de tout contextualiser. De même, le rythme et l’espace se tissent entre ceux qui travaillent seuls, avec un enseignant ou en groupe. Et puis, les “conseils” fusent. En les entendant, notre curiosité fait place à une forme de réserve : “Ce que je veux, c’est que vous me racontiez une histoire”, insiste un enseignant. “Faut pas réfléchir dans ce métier. Je veux pas dire qu’il faut être con. Mais tu dois te fondre dans ce que tu dis”, dit un autre. “C’est quoi ton angle ?” questionne un troisième. “C’est une bonne question”, lâche, coincé son étudiant. “Eh oui, c’est un métier”. Un métier où il faut hiérarchiser, sélectionner, trancher... mais dans un but : remuer les émotions. Raison d’être des cours de diction, d’élocution, de mise en place des mots comme des idées auxquels nous assistons en spectateurs privilégiés. On y apprend que parler du métro et de la météo pour telle
radio “périphérique” prime sur l’agenda diplomatique de Hollande ou la situation en Tunisie, du moins pour ouvrir le journal. Apparaît pour le spectateur un “jeu” étrange où l’info emprunte à l’art théâtral autant qu’aux neurosciences. La lecture d’un flash façon “réplique” est du reste un des temps forts de ce film. Comme cette séquence de débriefing collectif citée supra, après qu’ils se sont rendus au Bataclan puis dans les hôpitaux, où se dessinent les psychologies et leur rapport à l’éthique, tant professionnelle qu’individuelle.
On en ressort entre joie d’avoir appris et inquiétude d’avoir découvert. Et par là-même édifiés et prévenus. Ce qui n’est pas le moindre des mérites de cette lumineuse et superbe entreprise de décodage in situ de l’info et de ceux qui nous la transmettent.
Formation, information, conformation ?
Ciné doc
jeudi 13 janvier
2022 à 20h00
En présence de Julien Meunier et Sébastien Magnier, réalisateurs, du Club de la presse d’Angers et de Gwenn Froger, journaliste culturel / responsable d'ateliers sur la critique de films
EN FORMATION
de Julien Meunier & Sébastien Magnier
Documentaire
FRANCE - 2021 - 1h14
Une année aux côtés des apprentis reporters du CFJ - Centre de Formation des Journalistes, à Paris. Avec zèle et conviction, ils s’entraînent aux règles et usages du métier. Les attentats du Bataclan vont bouleverser leur année, leurs émotions et leurs pratiques journalistiques. Jusqu'où doivent-ils aller pour traiter l'information ? Se forme-t-on au journalisme ou s'y conforme-t-on ?
https://justedoc.com/En-Formation/
A PROPOS
“Est-ce que l’émotion c’est de l’info ?” interroge (s’insurge ?) un des élèves du CFJ Paris après l’expérience que sa promotion a vécu devant le Bataclan, peu après le drame. Certain(e)s apparaissant ébranlé(e)s par la détresse rencontrée sur place, d’autres justifiant de ne pas se questionner au nom de l’information. L’essence de ce documentaire en immersion, exceptionnel et fascinant par ce qu’il nous permet de décrypter du “formatage” du discours des media (radio et télé) tient dans cette phrase terrible prononcée lors de l’ultime séquence valant, à elle seule, pour moment holistique. En 1928, le neveu de Freud avait commis un opuscule titré “Propaganda” dans lequel il analysait cyniquement “Comment manipuler l’opinion en démocratie”. On dit que Gœbbels sut en tirer de profitables leçons. Ce n’est pas, évidemment, le but de ces étudiants des promotions 68, 69 & 70 ! Et pourtant, en nous dévoilant ce qui concourt à l’édification des journaux télé et radiodiffusés, ce film hautement salutaire nous renvoie aussi à nous-mêmes, pu-blic. En effet, lors des premières images nous regardons avec un intérêt teinté de curiosité ces futur(e)s journalistes s’essayant à présentation des flashes.
Alerte, le tempo est assuré par les gros plans sur leurs visages alternant avec ceux, plus larges, sur les studios et leurs classes, nous permettant de tout contextualiser. De même, le rythme et l’espace se tissent entre ceux qui travaillent seuls, avec un enseignant ou en groupe. Et puis, les “conseils” fusent. En les entendant, notre curiosité fait place à une forme de réserve : “Ce que je veux, c’est que vous me racontiez une histoire”, insiste un enseignant. “Faut pas réfléchir dans ce métier. Je veux pas dire qu’il faut être con. Mais tu dois te fondre dans ce que tu dis”, dit un autre. “C’est quoi ton angle ?” questionne un troisième. “C’est une bonne question”, lâche, coincé son étudiant. “Eh oui, c’est un métier”. Un métier où il faut hiérarchiser, sélectionner, trancher... mais dans un but : remuer les émotions. Raison d’être des cours de diction, d’élocution, de mise en place des mots comme des idées auxquels nous assistons en spectateurs privilégiés. On y apprend que parler du métro et de la météo pour telle
radio “périphérique” prime sur l’agenda diplomatique de Hollande ou la situation en Tunisie, du moins pour ouvrir le journal. Apparaît pour le spectateur un “jeu” étrange où l’info emprunte à l’art théâtral autant qu’aux neurosciences. La lecture d’un flash façon “réplique” est du reste un des temps forts de ce film. Comme cette séquence de débriefing collectif citée supra, après qu’ils se sont rendus au Bataclan puis dans les hôpitaux, où se dessinent les psychologies et leur rapport à l’éthique, tant professionnelle qu’individuelle.
On en ressort entre joie d’avoir appris et inquiétude d’avoir découvert. Et par là-même édifiés et prévenus. Ce qui n’est pas le moindre des mérites de cette lumineuse et superbe entreprise de décodage in situ de l’info et de ceux qui nous la transmettent.
Formation, information, conformation ?