ADN - Maïwenn

A PROPOS

Maïwenn est une réalisatrice clivante. Son nouveau long-métrage ADN mettra dos à dos deux opinions tranchées, radicales, quasi irréconciliables. D’un côté, on verra dans ce film flamboyant une démonstration narcissique et excessive de ses émois personnels ; de l’autre, on verra une artiste décomplexée, qui assume son histoire et fait de sa personne un sujet de roman et de délectation. Ici, la réalisatrice s’attaque au sujet des racines culturelles et sociales d’une famille, partagée entre des origines algériennes, asiatiques, et des accidents de parcours qui ont rajouté à la complexité de la composition familiale. Au milieu de cela, il y a cet homme, usé par Alzheimer, qui termine sa vie autour d’un ouvrage de photos, élaboré pour lui seul, où son passé se raconte au rythme de la guerre d’Algérie, de son parcours migratoire, d’un militantisme acharné en faveur des voyageurs du monde et la construction d’une famille, aussi fascinante qu’elle est extravagante, excessive.

Maïwenn incarne une mère de famille qui a vieilli. Elle a un grand ado et deux plus jeunes fils. La femme a pris de l’âge, prenant le soin de travestir sa peau et ses yeux de couleurs qui ne sont pas véritablement les siennes. Elle s’est abîmée dans des soubresauts de sanglots et de rires qui la contraignent à une forme d’anorexie. Le décès du grand-père résonne comme une tempête dans cet univers familial totalement déjanté, où chacun des membres se confond dans la colère, la rage, l’espièglerie et les larmes. Tout le monde en fait trop, et c’est justement le spectacle de ces excès qui rend le film absolument savoureux et attachant. La réalisatrice renverse le récit de Mon Roi, où elle-même se dépeint comme nuisible pour ses proches, aux côtés d’une mère algérienne, interprétée par une Fanny Ardant jubilatoire, tout aussi furieusement nocive.

Il y a dans ce récit l’ardeur de Polisse et de Mon Roi avec, en plus, un détachement de la réalisatrice sur elle-même tout à fait intéressant. La comédienne et cinéaste fait un pas de côté, en empruntant l’humour et le drame pour finalement raconter la difficulté d’un grand nombre d’entre nous à se trouver une identité dans la pluralité de nos racines. Maïwenn parle de l’Algérie, aussi. Le témoignage qu’elle donne de ce pays trahit avec force la blessure encore béante d’une guerre qui continue de hanter son peuple. Elle décrit les enjeux de l’identification à la religion musulmane comme un paravent à l’impossibilité d’être soi quand on est français, et en même temps issu d’un pays aussi pluriel et accidenté que l’Algérie. Maïwenn met en scène ses contradictions culturelles, se moquant de la bourgeoise parisienne qu’elle est, tout en nous rappelant que nous ne nous définissons pas seulement par notre appartenance sociale, mais surtout par nos héritages culturels pluriels.

ADN est un film très personnel et donc totalement clivant. Là où certains ne verront que les effets de style alambiqués, le risque d’une mise en scène racoleuse, la plupart percevront l’authenticité d’une grande réalisatrice qui se bat avec ses démons et qui fait de l’art cinématographique un appel à la tolérance et au multiculturalisme. On pense à Chéreau dans sa variation sur le deuil dans Ceux qui m’aiment ne prendront pas le train ou à Pialat, dans sa vision si froide et cruelle de la famille. Maïwenn confirme encore qu’elle est une grande réalisatrice française.

Laurent Cambon (Avoiràlire.com)

Avant première / Rencontre
lundi 5 octobre 2020 à 20h00

SÉANCE COMPLÈTE

En présence de Marine Vacth, actrice et Maïwenn, actrice et réalisatrice

Soirée organisée en collaboration avec l'association Cinéma Parlant


ADN

de Maïwenn

avec Maïwenn, Louis Garrel, Fanny Ardant
FRANCE - ALGÉRIE - 2020 - 1h30 - Sélection Officielle Cannes 2020

Neige, divorcée et mère de trois enfants, rend régulièrement visite à Émir, son grand-père algérien qui vit désormais en maison de retraite. Elle adore et admire ce pilier de la famille, qui l’a élevée et surtout protégée de la toxicité de ses parents. Les rapports entre les nombreux membres de la famille sont compliqués et les rancœurs nombreuses... Heureusement Neige peut compter sur le soutien et l’humour de François, son ex. La mort du grand-père va déclencher une tempête familiale et une profonde crise identitaire chez Neige. Dès lors elle va vouloir comprendre et connaître son ADN.

A PROPOS

Maïwenn est une réalisatrice clivante. Son nouveau long-métrage ADN mettra dos à dos deux opinions tranchées, radicales, quasi irréconciliables. D’un côté, on verra dans ce film flamboyant une démonstration narcissique et excessive de ses émois personnels ; de l’autre, on verra une artiste décomplexée, qui assume son histoire et fait de sa personne un sujet de roman et de délectation. Ici, la réalisatrice s’attaque au sujet des racines culturelles et sociales d’une famille, partagée entre des origines algériennes, asiatiques, et des accidents de parcours qui ont rajouté à la complexité de la composition familiale. Au milieu de cela, il y a cet homme, usé par Alzheimer, qui termine sa vie autour d’un ouvrage de photos, élaboré pour lui seul, où son passé se raconte au rythme de la guerre d’Algérie, de son parcours migratoire, d’un militantisme acharné en faveur des voyageurs du monde et la construction d’une famille, aussi fascinante qu’elle est extravagante, excessive.

Maïwenn incarne une mère de famille qui a vieilli. Elle a un grand ado et deux plus jeunes fils. La femme a pris de l’âge, prenant le soin de travestir sa peau et ses yeux de couleurs qui ne sont pas véritablement les siennes. Elle s’est abîmée dans des soubresauts de sanglots et de rires qui la contraignent à une forme d’anorexie. Le décès du grand-père résonne comme une tempête dans cet univers familial totalement déjanté, où chacun des membres se confond dans la colère, la rage, l’espièglerie et les larmes. Tout le monde en fait trop, et c’est justement le spectacle de ces excès qui rend le film absolument savoureux et attachant. La réalisatrice renverse le récit de Mon Roi, où elle-même se dépeint comme nuisible pour ses proches, aux côtés d’une mère algérienne, interprétée par une Fanny Ardant jubilatoire, tout aussi furieusement nocive.

Il y a dans ce récit l’ardeur de Polisse et de Mon Roi avec, en plus, un détachement de la réalisatrice sur elle-même tout à fait intéressant. La comédienne et cinéaste fait un pas de côté, en empruntant l’humour et le drame pour finalement raconter la difficulté d’un grand nombre d’entre nous à se trouver une identité dans la pluralité de nos racines. Maïwenn parle de l’Algérie, aussi. Le témoignage qu’elle donne de ce pays trahit avec force la blessure encore béante d’une guerre qui continue de hanter son peuple. Elle décrit les enjeux de l’identification à la religion musulmane comme un paravent à l’impossibilité d’être soi quand on est français, et en même temps issu d’un pays aussi pluriel et accidenté que l’Algérie. Maïwenn met en scène ses contradictions culturelles, se moquant de la bourgeoise parisienne qu’elle est, tout en nous rappelant que nous ne nous définissons pas seulement par notre appartenance sociale, mais surtout par nos héritages culturels pluriels.

ADN est un film très personnel et donc totalement clivant. Là où certains ne verront que les effets de style alambiqués, le risque d’une mise en scène racoleuse, la plupart percevront l’authenticité d’une grande réalisatrice qui se bat avec ses démons et qui fait de l’art cinématographique un appel à la tolérance et au multiculturalisme. On pense à Chéreau dans sa variation sur le deuil dans Ceux qui m’aiment ne prendront pas le train ou à Pialat, dans sa vision si froide et cruelle de la famille. Maïwenn confirme encore qu’elle est une grande réalisatrice française.

Laurent Cambon (Avoiràlire.com)