EFFACER L'HISTORIQUE - Benoit Delepine & Gustave Kervern

A PROPOS

Le délectable Effacer l'historique de Benoît Delépine et Gustave Kervern, projeté en compétition au 70e Festival de Berlin, promet une chose dès la toute première scène, où une femme se frotte consciencieusement contre un arbre : ce qu’on va y voir n’est pas toujours joli, mais tout un chacun sera plaisamment titillé. Quitte à choper une écharde de temps à temps, s'entend.

Le film, qui se passe dans un morne quartier de lotissements provincial (qui correspond sans doute à ce que Malvina Reynolds avait en tête quand elle chantait “little boxes on the hillside”), suit l’histoire de trois amis fauchés qui perdent la boule dès qu’ils doivent cocher une case "j’accepte", qu’apparaît un titre annonçant que "Kim Kardashian est morte" ou qu'on leur propose d'accéder à un compte premium, tandis que leurs bidouillages sur le web sont sur le point de se retourner contre eux, et pas peu. Il y a d'abord la sex tape bizarroïde dont Marie (Blanche Gardin) voudrait vraiment éviter que son enfant ne la voie, et puis les évaluations une étoile qui conduisent Christine (Corinne Masiero) à littéralement déployer le tapis rouge pour ses clients bougons, même s'ils n'en ont rien à faire, et encore une sale affaire de harcèlement sur Internet dont est victime la fille adolescente de Bertrand (Denis Podalydès), qui traîne sa déprime à la maison tandis que son papa attend patiemment que survienne un nouveau flirt par chat avec un employé de call centre à la détermination presque surhumaine travaillant depuis l'île Maurice.

Quand nos trois héros décident enfin de se rebiffer, en se souvenant de leur passé glorieux comme "gilets jaunes", les choses tournent mal. À notre plus grand amusement – du reste ce long-métrage pourrait bien être le seul film drôle existant qui aborde ce problème très contemporain qu'est la nécessité de gérer le changement constant des critères de sécurité des mots de passe, ou de se rappeler où on a laissé le beurre cette fois-là... Et au moment où on se dit que les choses ne risquent pas de s'améliorer, voilà que survient Michel Houellebecq avec une forte envie de se foutre en l'air.

Delépine et Kervern se jettent vraiment à corps perdu à la fois dans l'absurde et les problèmes d'échelle plus vaste – une des boutades du film semble venir tout droit de Mary à tout prix des Farrelly brothers, on adore ! Mais bien qu’ils ne craignent pas un certain fluide corporel qui intervient plusieurs fois dans le film, il y a quelque chose de douloureusement reconnaissable dans tous ces problèmes où notre trio est empêtré qui croule sous des piles monstrueuses de chargeurs dont ils ne se sont jamais servis et d’addictions handicapantes à des programmes comme Six Feet Under, et qui ont dit adieu depuis bien longtemps à la protection de leur vie privée, grâce à “Mark Superberg”. Ou presque, car il faut dire qu'un paquet de jambon en tranches, qu'on l'ait attendu impatiemment ou pas, conduit rarement à une nuit de sexe alcoolisée avec thématique régionale, et c'est regrettable.

À les voir se débattre, aussi délectable que cela puisse être, on se met à trouver très très tentant de balancer illico cet irritant smartphone et de tronçonner son ordinateur avant qu'il ne soit trop tard. Ou du moins dès qu’on aura fini cette phrase.

Marta Balaga (cineuropa.org)

Avant-première
dimanche 16 août 2020 à 17h30


EFFACER L'HISTORIQUE

de Benoit Delepine & Gustave Kervern

avec Blanche Gardin, Corinne Masiero, Denis Podalydès
FRANCE - 2020 - 1h46 - Berlin 2020

Dans un lotissement en province, trois voisins sont en prise avec les nouvelles technologies et les réseaux sociaux.Il y a Marie, victime de chantage avec une sextape, Bertrand, dont la fille est harcelée au lycée, et Christine, chauffeur VTC dépitée de voir que les notes de ses clients refusent de décoller. Ensemble, ils décident de partir en guerre contre les géants d'internet.Une bataille foutue d'avance, quoi que…
https://www.advitamdistribution.com/films/effacer-lhistorique/

A PROPOS

Le délectable Effacer l'historique de Benoît Delépine et Gustave Kervern, projeté en compétition au 70e Festival de Berlin, promet une chose dès la toute première scène, où une femme se frotte consciencieusement contre un arbre : ce qu’on va y voir n’est pas toujours joli, mais tout un chacun sera plaisamment titillé. Quitte à choper une écharde de temps à temps, s'entend.

Le film, qui se passe dans un morne quartier de lotissements provincial (qui correspond sans doute à ce que Malvina Reynolds avait en tête quand elle chantait “little boxes on the hillside”), suit l’histoire de trois amis fauchés qui perdent la boule dès qu’ils doivent cocher une case "j’accepte", qu’apparaît un titre annonçant que "Kim Kardashian est morte" ou qu'on leur propose d'accéder à un compte premium, tandis que leurs bidouillages sur le web sont sur le point de se retourner contre eux, et pas peu. Il y a d'abord la sex tape bizarroïde dont Marie (Blanche Gardin) voudrait vraiment éviter que son enfant ne la voie, et puis les évaluations une étoile qui conduisent Christine (Corinne Masiero) à littéralement déployer le tapis rouge pour ses clients bougons, même s'ils n'en ont rien à faire, et encore une sale affaire de harcèlement sur Internet dont est victime la fille adolescente de Bertrand (Denis Podalydès), qui traîne sa déprime à la maison tandis que son papa attend patiemment que survienne un nouveau flirt par chat avec un employé de call centre à la détermination presque surhumaine travaillant depuis l'île Maurice.

Quand nos trois héros décident enfin de se rebiffer, en se souvenant de leur passé glorieux comme "gilets jaunes", les choses tournent mal. À notre plus grand amusement – du reste ce long-métrage pourrait bien être le seul film drôle existant qui aborde ce problème très contemporain qu'est la nécessité de gérer le changement constant des critères de sécurité des mots de passe, ou de se rappeler où on a laissé le beurre cette fois-là... Et au moment où on se dit que les choses ne risquent pas de s'améliorer, voilà que survient Michel Houellebecq avec une forte envie de se foutre en l'air.

Delépine et Kervern se jettent vraiment à corps perdu à la fois dans l'absurde et les problèmes d'échelle plus vaste – une des boutades du film semble venir tout droit de Mary à tout prix des Farrelly brothers, on adore ! Mais bien qu’ils ne craignent pas un certain fluide corporel qui intervient plusieurs fois dans le film, il y a quelque chose de douloureusement reconnaissable dans tous ces problèmes où notre trio est empêtré qui croule sous des piles monstrueuses de chargeurs dont ils ne se sont jamais servis et d’addictions handicapantes à des programmes comme Six Feet Under, et qui ont dit adieu depuis bien longtemps à la protection de leur vie privée, grâce à “Mark Superberg”. Ou presque, car il faut dire qu'un paquet de jambon en tranches, qu'on l'ait attendu impatiemment ou pas, conduit rarement à une nuit de sexe alcoolisée avec thématique régionale, et c'est regrettable.

À les voir se débattre, aussi délectable que cela puisse être, on se met à trouver très très tentant de balancer illico cet irritant smartphone et de tronçonner son ordinateur avant qu'il ne soit trop tard. Ou du moins dès qu’on aura fini cette phrase.

Marta Balaga (cineuropa.org)