ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

SUR LES CHEMINS NOIRS - Denis Imbert

A PROPOS

En 2014, Sylvain Tesson tombait d’un toit. « Si je m’en sors, je traverse la France à pied » se promet-il alors sur son lit d’hôpital. Moins d’une année après cette promesse, il arpente les sentiers de la diagonale du vide, du Mercantour à la Manche. Dans cette formidable adaptation (coécrite par Denis Imbert et Diastème), un soir d’ivresse, Pierre (Jean Dujardin), écrivain explorateur, fait une chute de plusieurs étages. Cet accident le plonge dans un coma profond. Sur son lit d’hôpital, revenu à la vie, il se fait la promesse de traverser la France à pied du Mercantour au Cotentin. Un voyage unique et hors du temps à la rencontre de l'hyper-ruralité, de la beauté de la France et de la renaissance de soi.
« J’étais tombé du rebord de la nuit, m’étais écrasé sur la terre » écrit-il ainsi. La voix off, poésie prosaïque, judicieux oxymore, accompagne le voyage de Pierre et berce ce voyage d’une douce mélopée malgré ses âpres étapes. Si vous n’avez pas eu encore le désir de larguer les amarres, loin de l’agitation, du tintamarre et des obligations de nos vies ultra connectées et souvent déconnectées de l’essentiel, pour laisser du temps au temps, pour se retrouver face à vous-même, il se pourrait que ce film suscite chez vous des envies d’ailleurs, d’échappée douloureuse mais belle, malgré tout, grâce à cela.
Jean Dujardin excelle dans ce rôle, trouvant toujours la juste mesure. Que ce soit dans The Artist de Michel Hazanavicius (avec le rôle de George Valentin qui lui valut un prix d’interprétation cannois amplement mérité pour ce personnage volubile, excessif, démontrant ainsi le pathétique et non moins émouvant enthousiasme d’un monde qui se meurt, mais dans lequel il est aussi flamboyant puis sombre et poignant, parfois les trois en même temps, faisant passer dans son regard, une foule d’émotions, de la fierté aux regrets,  de l’orgueil à la tendresse, de la gaieté à la cruelle amertume de la déchéance) ou dans Un balcon sur la mer de Nicole Garcia, bouleversant dans le rôle de cet homme qui retrouve son passé, son enfance et ainsi un ancrage dans le présent -là aussi-, ou encore dans les OSS 117, dans lesquels il est hilarant, n’économisant ni ses rictus, ciselés, ni ses soulèvements de sourcils, ni ses silences, ni ses incoercibles rires gras… Jean Dujardin a déjà maintes fois prouvé la large palette de son jeu et de son talent. Il faudrait encore citer les remarquables Möbius, Un + une…parmi tant d’autres grands rôles. Ici, il a l’intelligence de ne pas forcer le trait, de faire corps avec le paysage (la balafre comme un sillon sur son visage, un autre chemin noir : comme ces paysages hors des sentiers battus, portant l'empreinte du passé) et Denis Imbert a celle de recourir à une réalisation sobre, qui s'efface devant son sujet mais n'en est que plus puissante.
L’autre grande intelligence, de ce film cette fois, est de ne pas chercher l’efficacité à tout prix, à l’image de ce dans quoi se perd ce monde que Pierre fuit, à l’image de sa quête. Tout n’est pas forcément explicité. Et cette confiance (dans le mystère, l’indicible et le spectateur) fait un bien fou. Le spectateur fait aussi son propre voyage. Pierre n’est pas sympathique d’emblée et subsisteront des zones d’ombres et c’est tant mieux. Ce qui compte, ce sont ces chemins noirs, ce voyage jalonné d’épreuves, de rencontres. Son passé s’esquisse en flashbacks, les scènes avec son ancienne compagne (lumineuse Joséphine Japy), de la rencontre à la rupture, brutale, dans une chambre d’hôpital, sans qu’il cherche à la retenir mais aussi par ses retrouvailles avec ceux qui viennent faire un bout de chemin avec lui, sa sœur (Izïa Higelin), sa tante (Anny Duperey) ou un ami (Jonathan Zaccaï) ou un jeune inconnu en mal de (re)père (Dylan Robert). Se dessine aussi le portrait d’un écrivain follement vivant, qui ne fait pas de concessions à la médiocrité, à a demi-mesure, à sa rage d’être (lui-même).
Servis par la photographie de Magali Silvestre de Sacy et la musique originale de Wouter Dewit, ces chemins noirs le mènent et nous mènent vers la lumière, nous donnent envie d’embrasser la vie et l’ailleurs et la singularité en nous. Comme ce loup solitaire après son périple intense, on en ressort épuisés mais apaisés, face à la Manche. Cette fin consolante m’a fait penser à ces vers de Baudelaire : « la mer est ton miroir ; tu contemples ton âme dans le déroulement infini de sa lame ». Vous l’aurez compris : ce voyage par ces chemins noirs vaut vraiment le détour. Je vous recommande plus que vivement de les emprunter.
Sandra Mézière (inthemoodforcinema.com)

Soirée rencontre
mardi 28 mars 2023 à 20h00

En présence de Denis Imbert, réalisateur

Soirée organisée en collaboration avec l'association Cinéma Parlant


SUR LES CHEMINS NOIRS

de Denis Imbert

avec Jean Dujardin, Izïa Higelin, Anny Duperey
FRANCE - 2023 - 1h35

Librement inspiré de Sur les chemins noirs de Sylvain Tesson (2016).

Un soir d'ivresse, Pierre, écrivain explorateur, fait une chute de plusieurs étages. Cet accident le plonge dans un coma profond. Sur son lit d'hôpital, revenu à la vie, il se fait la promesse de traverser la France à pied du Mercantour au Cotentin. Un voyage unique et hors du temps à la rencontre de l'hyper-ruralité, de la beauté de la France et de la renaissance de soi.

A PROPOS

En 2014, Sylvain Tesson tombait d’un toit. « Si je m’en sors, je traverse la France à pied » se promet-il alors sur son lit d’hôpital. Moins d’une année après cette promesse, il arpente les sentiers de la diagonale du vide, du Mercantour à la Manche. Dans cette formidable adaptation (coécrite par Denis Imbert et Diastème), un soir d’ivresse, Pierre (Jean Dujardin), écrivain explorateur, fait une chute de plusieurs étages. Cet accident le plonge dans un coma profond. Sur son lit d’hôpital, revenu à la vie, il se fait la promesse de traverser la France à pied du Mercantour au Cotentin. Un voyage unique et hors du temps à la rencontre de l'hyper-ruralité, de la beauté de la France et de la renaissance de soi.
« J’étais tombé du rebord de la nuit, m’étais écrasé sur la terre » écrit-il ainsi. La voix off, poésie prosaïque, judicieux oxymore, accompagne le voyage de Pierre et berce ce voyage d’une douce mélopée malgré ses âpres étapes. Si vous n’avez pas eu encore le désir de larguer les amarres, loin de l’agitation, du tintamarre et des obligations de nos vies ultra connectées et souvent déconnectées de l’essentiel, pour laisser du temps au temps, pour se retrouver face à vous-même, il se pourrait que ce film suscite chez vous des envies d’ailleurs, d’échappée douloureuse mais belle, malgré tout, grâce à cela.
Jean Dujardin excelle dans ce rôle, trouvant toujours la juste mesure. Que ce soit dans The Artist de Michel Hazanavicius (avec le rôle de George Valentin qui lui valut un prix d’interprétation cannois amplement mérité pour ce personnage volubile, excessif, démontrant ainsi le pathétique et non moins émouvant enthousiasme d’un monde qui se meurt, mais dans lequel il est aussi flamboyant puis sombre et poignant, parfois les trois en même temps, faisant passer dans son regard, une foule d’émotions, de la fierté aux regrets,  de l’orgueil à la tendresse, de la gaieté à la cruelle amertume de la déchéance) ou dans Un balcon sur la mer de Nicole Garcia, bouleversant dans le rôle de cet homme qui retrouve son passé, son enfance et ainsi un ancrage dans le présent -là aussi-, ou encore dans les OSS 117, dans lesquels il est hilarant, n’économisant ni ses rictus, ciselés, ni ses soulèvements de sourcils, ni ses silences, ni ses incoercibles rires gras… Jean Dujardin a déjà maintes fois prouvé la large palette de son jeu et de son talent. Il faudrait encore citer les remarquables Möbius, Un + une…parmi tant d’autres grands rôles. Ici, il a l’intelligence de ne pas forcer le trait, de faire corps avec le paysage (la balafre comme un sillon sur son visage, un autre chemin noir : comme ces paysages hors des sentiers battus, portant l'empreinte du passé) et Denis Imbert a celle de recourir à une réalisation sobre, qui s'efface devant son sujet mais n'en est que plus puissante.
L’autre grande intelligence, de ce film cette fois, est de ne pas chercher l’efficacité à tout prix, à l’image de ce dans quoi se perd ce monde que Pierre fuit, à l’image de sa quête. Tout n’est pas forcément explicité. Et cette confiance (dans le mystère, l’indicible et le spectateur) fait un bien fou. Le spectateur fait aussi son propre voyage. Pierre n’est pas sympathique d’emblée et subsisteront des zones d’ombres et c’est tant mieux. Ce qui compte, ce sont ces chemins noirs, ce voyage jalonné d’épreuves, de rencontres. Son passé s’esquisse en flashbacks, les scènes avec son ancienne compagne (lumineuse Joséphine Japy), de la rencontre à la rupture, brutale, dans une chambre d’hôpital, sans qu’il cherche à la retenir mais aussi par ses retrouvailles avec ceux qui viennent faire un bout de chemin avec lui, sa sœur (Izïa Higelin), sa tante (Anny Duperey) ou un ami (Jonathan Zaccaï) ou un jeune inconnu en mal de (re)père (Dylan Robert). Se dessine aussi le portrait d’un écrivain follement vivant, qui ne fait pas de concessions à la médiocrité, à a demi-mesure, à sa rage d’être (lui-même).
Servis par la photographie de Magali Silvestre de Sacy et la musique originale de Wouter Dewit, ces chemins noirs le mènent et nous mènent vers la lumière, nous donnent envie d’embrasser la vie et l’ailleurs et la singularité en nous. Comme ce loup solitaire après son périple intense, on en ressort épuisés mais apaisés, face à la Manche. Cette fin consolante m’a fait penser à ces vers de Baudelaire : « la mer est ton miroir ; tu contemples ton âme dans le déroulement infini de sa lame ». Vous l’aurez compris : ce voyage par ces chemins noirs vaut vraiment le détour. Je vous recommande plus que vivement de les emprunter.
Sandra Mézière (inthemoodforcinema.com)