ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

JOJO RABBIT - Taika Waititi

A PROPOS

On se souvient de la comédie grinçante et quelque peu dérangeante de Roberto Benigni, qui mettait en scène l’horreur des camps de la mort à travers le regard d’un petit garçon et d’un clown déjanté. Taika Waititi ose à son tour un projet aussi difficile, mais en transportant son récit en Allemagne, en pleine guerre mondiale, dans les yeux d’un petit garçon, un nazi aussi convaincu qu’il est manipulé par les autorités et les militaires, comme nombre d’enfants à cette époque. D’ailleurs, le générique d’entrée s’ouvre sur des photographies d’époque, où l’on comprend immédiatement la puissance du gouvernement allemand pour rallier à sa cause autant de tout jeunes gens. Le point de vue du cinéaste est clair : raconter l’horreur, en privilégiant une tonalité burlesque et décalée.
Cette appétence à l’ironie et à l’humour noir est confortée par le fait que le cinéaste lui-même joue le personnage d’Hitler. Il s’agit en réalité d’une sorte d’ombre fantomatique qui apparaît aux yeux du petit Jojo, tous les jours, et qui lui bourre le crâne d’une idéologie macabre et de la nécessité de rejoindre l’armée pour servir le régime. Dieu merci, le petit bonhomme est loin d’être taillé pour la lutte ; il manque de s’exploser sous une grenade et se retrouve ainsi contraint à rester chez lui et à subir des séances de rééducation. Le joli blondinet attachant devient déjà un blessé de guerre, balafré et vulnérable.
Le propos vise le rire et le divertissement à première vue. On se surprend même à s’amuser des situations cocasses que vit le jeune garçon, et qui sont pourtant l’expression des pages les plus noires de l’histoire du monde. Le plus terrible demeure cette manière dont le petit héros caricature le peuple juif, démontrant par là-même la facilité avec laquelle les nations populistes s’arrangent avec la réalité et diabolisent leurs minorités. On pressent bien que le commandant K qui règne sur la ville n’a pas que des relations professionnelles avec le jeune assistant qui l’accompagne, mais il ne semble y avoir rien de pire que ces juifs que la pensée populiste réduit à quelques monstruosités. Jojo incarne bien un apprenti nazillon et le spectateur ne peut rester indifférent au processus de manipulation à l’œuvre, lorsqu’il s’agit de convertir tout un peuple aux pires idéologies. La banalisation de la barbarie compose, et on l’oublie souvent, avec une résistance secrète, comme la maman de Jojo qui, malgré ses airs dominateurs, cache dans sa demeure une jeune fille juive et diffuse des tracts contre le régime.
La poésie et la délicatesse côtoient le rire et la cruauté. Le film ne cède jamais à la pleurnicherie, au misérabilisme ou à la vulgarité. Parfois, le spectateur est traversé par l’agacement, tant les scènes lui semblent sinon excessives, en tout cas à la limite du grotesque. En réalité, au fur et à mesure que le récit se déroule, au rire succèdent la douceur et la nuance. La cocasserie du début finit par prendre une autre signification à l’approche du générique de fin. Le cinéaste affiche un rythme très rock’n’roll, qui tranche avec l’idée que l’on se fait des films qui décrivent cette période trouble de l’histoire européenne. Grâce au rire, le long-métrage se dote d’une véritable puissance évocatrice qui, sans aucun doute, aura beaucoup plus de force pour nos jeunes scolaires que tout récit historique.
Laurent Cambon (avoiralire.com)
 
Donc des dizaines de kilos en plus, une calvitie, des lunettes, et voici Christian Bale non pas en sosie de Dick Cheney, mais, encore plus fort, en incontestable projection sur grand écran de ce républicain du Wyoming qui fit ses classes auprès de Donald Rumsfeld et devint « sans que personne ne bronche » l’homme le plus influent des États-Unis sous la présidence de George W. Bush.
 
En préambule, l’auteur réalisateur, Adam McKay, prévient que Dick Cheney est sans doute la personnalité politique la plus énigmatique, la plus difficile à approcher et à comprendre, et de conclure : « Mais putain, on a bossé ! ». Ceci étant posé, à grand renfort de voix off et de mauvais esprit façon Michael Moore, le film avance comme un biopic, mais sans l’hagiographie inhérente au genre. Vice est le portrait sans concession d’un homme intelligent et extrêmement ambitieux, soutenu par une épouse pourvue des mêmes qualités, Lynne, ici incarnée sans limites par Amy Adams. La clé de l’énigme est sans doute à chercher du côté de la patience inébranlable d’un homme par ailleurs pêcheur à la mouche !
 
En tout cas, Adam McKay, celui-là même à qui l’on doit quelques comédies navrantes, dont Frangins malgré eux et autres Very Bad Cops avec Will Ferrell, après un film glaçant et hilarant sur des traders fous ayant spéculé sur la crise des subprimes (The Big Short : le casse du siècle, 2015) réalise un autre tour de force : nous instruire avec intelligence et humour sur la success story la plus dramatique que l’Amérique ait connue ces dernières années.
 
Isabelle Danel (Bande à part)

Semaine de cinéma de langue anglaise
mercredi 1 décembre 2021 à 17h45

Présentation de la semaine par Claire Lambry, chargée de projets, Cinéma Parlant

Soirée organisée en collaboration avec Cinéma Parlant dans le cadre de la semaine de cinéma de langue anglaise


JOJO RABBIT

de Taika Waititi

avec Roman Griffin Davis, Taika Waititi, Scarlett Johansson
USA - 2019 - 1h48 - VOST

Jojo est un petit allemand solitaire. Sa vision du monde est mise à l'épreuve quand il découvre que sa mère cache une jeune fille juive dans leur grenier. Avec la seule aide de son ami aussi grotesque qu'imaginaire, Adolf Hitler, Jojo va devoir faire face à son nationalisme aveugle
http://www.foxsearchlight.com/jojorabbit/

A PROPOS

On se souvient de la comédie grinçante et quelque peu dérangeante de Roberto Benigni, qui mettait en scène l’horreur des camps de la mort à travers le regard d’un petit garçon et d’un clown déjanté. Taika Waititi ose à son tour un projet aussi difficile, mais en transportant son récit en Allemagne, en pleine guerre mondiale, dans les yeux d’un petit garçon, un nazi aussi convaincu qu’il est manipulé par les autorités et les militaires, comme nombre d’enfants à cette époque. D’ailleurs, le générique d’entrée s’ouvre sur des photographies d’époque, où l’on comprend immédiatement la puissance du gouvernement allemand pour rallier à sa cause autant de tout jeunes gens. Le point de vue du cinéaste est clair : raconter l’horreur, en privilégiant une tonalité burlesque et décalée.
Cette appétence à l’ironie et à l’humour noir est confortée par le fait que le cinéaste lui-même joue le personnage d’Hitler. Il s’agit en réalité d’une sorte d’ombre fantomatique qui apparaît aux yeux du petit Jojo, tous les jours, et qui lui bourre le crâne d’une idéologie macabre et de la nécessité de rejoindre l’armée pour servir le régime. Dieu merci, le petit bonhomme est loin d’être taillé pour la lutte ; il manque de s’exploser sous une grenade et se retrouve ainsi contraint à rester chez lui et à subir des séances de rééducation. Le joli blondinet attachant devient déjà un blessé de guerre, balafré et vulnérable.
Le propos vise le rire et le divertissement à première vue. On se surprend même à s’amuser des situations cocasses que vit le jeune garçon, et qui sont pourtant l’expression des pages les plus noires de l’histoire du monde. Le plus terrible demeure cette manière dont le petit héros caricature le peuple juif, démontrant par là-même la facilité avec laquelle les nations populistes s’arrangent avec la réalité et diabolisent leurs minorités. On pressent bien que le commandant K qui règne sur la ville n’a pas que des relations professionnelles avec le jeune assistant qui l’accompagne, mais il ne semble y avoir rien de pire que ces juifs que la pensée populiste réduit à quelques monstruosités. Jojo incarne bien un apprenti nazillon et le spectateur ne peut rester indifférent au processus de manipulation à l’œuvre, lorsqu’il s’agit de convertir tout un peuple aux pires idéologies. La banalisation de la barbarie compose, et on l’oublie souvent, avec une résistance secrète, comme la maman de Jojo qui, malgré ses airs dominateurs, cache dans sa demeure une jeune fille juive et diffuse des tracts contre le régime.
La poésie et la délicatesse côtoient le rire et la cruauté. Le film ne cède jamais à la pleurnicherie, au misérabilisme ou à la vulgarité. Parfois, le spectateur est traversé par l’agacement, tant les scènes lui semblent sinon excessives, en tout cas à la limite du grotesque. En réalité, au fur et à mesure que le récit se déroule, au rire succèdent la douceur et la nuance. La cocasserie du début finit par prendre une autre signification à l’approche du générique de fin. Le cinéaste affiche un rythme très rock’n’roll, qui tranche avec l’idée que l’on se fait des films qui décrivent cette période trouble de l’histoire européenne. Grâce au rire, le long-métrage se dote d’une véritable puissance évocatrice qui, sans aucun doute, aura beaucoup plus de force pour nos jeunes scolaires que tout récit historique.
Laurent Cambon (avoiralire.com)
 
Donc des dizaines de kilos en plus, une calvitie, des lunettes, et voici Christian Bale non pas en sosie de Dick Cheney, mais, encore plus fort, en incontestable projection sur grand écran de ce républicain du Wyoming qui fit ses classes auprès de Donald Rumsfeld et devint « sans que personne ne bronche » l’homme le plus influent des États-Unis sous la présidence de George W. Bush.
 
En préambule, l’auteur réalisateur, Adam McKay, prévient que Dick Cheney est sans doute la personnalité politique la plus énigmatique, la plus difficile à approcher et à comprendre, et de conclure : « Mais putain, on a bossé ! ». Ceci étant posé, à grand renfort de voix off et de mauvais esprit façon Michael Moore, le film avance comme un biopic, mais sans l’hagiographie inhérente au genre. Vice est le portrait sans concession d’un homme intelligent et extrêmement ambitieux, soutenu par une épouse pourvue des mêmes qualités, Lynne, ici incarnée sans limites par Amy Adams. La clé de l’énigme est sans doute à chercher du côté de la patience inébranlable d’un homme par ailleurs pêcheur à la mouche !
 
En tout cas, Adam McKay, celui-là même à qui l’on doit quelques comédies navrantes, dont Frangins malgré eux et autres Very Bad Cops avec Will Ferrell, après un film glaçant et hilarant sur des traders fous ayant spéculé sur la crise des subprimes (The Big Short : le casse du siècle, 2015) réalise un autre tour de force : nous instruire avec intelligence et humour sur la success story la plus dramatique que l’Amérique ait connue ces dernières années.
 
Isabelle Danel (Bande à part)