ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

LE PHARAON, LE SAUVAGE ET LA PRINCESSE - Michel Ocelot

A PROPOS

Si l’œuvre de Michel Ocelot est traversée par un amour immodéré pour le conte, elle est aussi marquée par une affection particulière pour le court-métrage, au point de tenir les plus grands succès de l’auteur (Kirikou, Azur et Asmar) pour des exceptions dans sa filmographie. Privilégiant d’ordinaire un format plus ramassé pour raconter ses histoires empreintes de mythes, il compose ici un recueil formés de trois récits distincts, introduits par une conteuse. La structure de Le pharaon, le sauvage et la princesse reprend ainsi celle du délicieux Princes et Princesses, et entame son voyage avec la promesse sereine que chaque spectateur trouvera dans cet ensemble quelque chose pour lui.
La mise en abime qui introduit le film sert, à ce titre, de véritable profession de foi : la conteuse, face à un public dont on ne perçoit que les silhouettes, accepte les nombreuses requêtes de ses auditeurs, parfois précises (« Une histoire qui se passe en Auvergne »), parfois opposées (« Une histoire avec/sans princesse »), parfois farfelues (« Une histoire avec un bourreau »). Outre l’envie de faire plaisir à chacun, auditeurs comme spectateurs du film, cette séquence exprime également une haute idée de ce qu’est la fiction, par sa capacité à être remodelée au gré des envies et de l’imagination, et d’être transmise à travers les époques et les différentes cultures.
Presque par jeu, le film situe ses trois histoires dans des cadres très différents – l’Égypte antique, la France du Moyen-Âge et la Turquie du XVIIIe siècle – comme autant de variations possibles à partir des personnages et péripéties typiques du conte. Chaque segment s’aventure ainsi librement vers un ton et une ambiance qui lui est propre, le second s’attardant par exemple avec un peu de cruauté sur une situation qui se répète jusqu’à ce qu’elle finisse fatalement par dévier, tandis que le dernier s’autorise des pas de danse et quelques pauses méditatives accompagnées de musique traditionnelle… Toutes ces petites singularités viennent provoquer chez le spectateur un constat évident : « Et après tout, pourquoi la scène ne devrait-elle pas se dérouler comme cela ? ».
Le glissement progressif vers la profusion de différences et de particularités se retrouve également dans la large collection de voix entendues au cours du film. On entrevoit à nouveau la logique du recueil à travers cet inventaire de toutes tessitures existantes, de la plus fluette à la plus tonitruante, de la plus éclairée à la plus ridicule. Rares sont les œuvres de cinéma qui laissent l’impression qu’on les entend autant qu’on les voit : la sophistication et l’esprit qui caractérisent les dialogues de Michel Ocelot s’imposent autant que les vues d’architecture orientale, la raideur noble qui anime les personnages ou les contrastes entre ombre et lumière. En cela, le réalisateur rééquilibre le rapport de force latent entre image et parole, dans une approche qui n’appartient définitivement qu’à lui : on regrette de ne jamais retrouver ailleurs ce plaisir d’entendre toutes les syllabes de chaque mot, d’écouter la chaleur des accents des interprètes, de redécouvrir un vocabulaire riche et savant.
On devine ainsi, derrière la confiance que place le cinéaste dans la fiction, une confiance dans le spectateur qui la reçoit. Que celui-ci ressorte grandi à l’issue du visionnage n’a pourtant rien à voir avec une forme de morale ou une quelconque valeur de démonstration : tout part de la rencontre d’un esprit et d’un autre, et du long dialogue qui en découle. Le grand tour de passe-passe de Michel Ocelot est bien de ménager au sein de son art visuel un espace où un discours – non pas celui tenu par le film, mais celui qui se noue entre l’œuvre et le spectateur – peut prendre place, sans que cela vienne empiéter sur le pur plaisir du récit : la magie des personnages qui entrouvrent leur bouche, froncent les sourcils ou écarquillent les yeux, elle, est toujours intacte comme au premier jour.
Emilien Peillon (Le bleu du miroir)

Séance rencontre
mardi 25 octobre 2022 à 13h30

SÉANCE COMPLÈTE

En présence de Michel Ocelot, réalisateur
à partir de 6 ans


LE PHARAON, LE SAUVAGE ET LA PRINCESSE

de Michel Ocelot

Film d'animation
FRANCE - 2022 - 1h23

3 contes, 3 époques, 3 univers : une épopée de l'Egypte antique, une légende médiévale de l'Auvergne, une fantaisie du XVIIIe siècle dans des costumes ottomans et des palais turcs, pour être emporté par des rêves contrastés, peuplés de dieux splendides, de tyrans révoltants, de justiciers réjouissants, d'amoureux astucieux, de princes et de princesses n'en faisant qu'à leur tête dans une explosion de couleur.
http://diaphana.fr/film/pharaon-le-sauvage-et-la-maitresse-des-roses/

A PROPOS

Si l’œuvre de Michel Ocelot est traversée par un amour immodéré pour le conte, elle est aussi marquée par une affection particulière pour le court-métrage, au point de tenir les plus grands succès de l’auteur (Kirikou, Azur et Asmar) pour des exceptions dans sa filmographie. Privilégiant d’ordinaire un format plus ramassé pour raconter ses histoires empreintes de mythes, il compose ici un recueil formés de trois récits distincts, introduits par une conteuse. La structure de Le pharaon, le sauvage et la princesse reprend ainsi celle du délicieux Princes et Princesses, et entame son voyage avec la promesse sereine que chaque spectateur trouvera dans cet ensemble quelque chose pour lui.
La mise en abime qui introduit le film sert, à ce titre, de véritable profession de foi : la conteuse, face à un public dont on ne perçoit que les silhouettes, accepte les nombreuses requêtes de ses auditeurs, parfois précises (« Une histoire qui se passe en Auvergne »), parfois opposées (« Une histoire avec/sans princesse »), parfois farfelues (« Une histoire avec un bourreau »). Outre l’envie de faire plaisir à chacun, auditeurs comme spectateurs du film, cette séquence exprime également une haute idée de ce qu’est la fiction, par sa capacité à être remodelée au gré des envies et de l’imagination, et d’être transmise à travers les époques et les différentes cultures.
Presque par jeu, le film situe ses trois histoires dans des cadres très différents – l’Égypte antique, la France du Moyen-Âge et la Turquie du XVIIIe siècle – comme autant de variations possibles à partir des personnages et péripéties typiques du conte. Chaque segment s’aventure ainsi librement vers un ton et une ambiance qui lui est propre, le second s’attardant par exemple avec un peu de cruauté sur une situation qui se répète jusqu’à ce qu’elle finisse fatalement par dévier, tandis que le dernier s’autorise des pas de danse et quelques pauses méditatives accompagnées de musique traditionnelle… Toutes ces petites singularités viennent provoquer chez le spectateur un constat évident : « Et après tout, pourquoi la scène ne devrait-elle pas se dérouler comme cela ? ».
Le glissement progressif vers la profusion de différences et de particularités se retrouve également dans la large collection de voix entendues au cours du film. On entrevoit à nouveau la logique du recueil à travers cet inventaire de toutes tessitures existantes, de la plus fluette à la plus tonitruante, de la plus éclairée à la plus ridicule. Rares sont les œuvres de cinéma qui laissent l’impression qu’on les entend autant qu’on les voit : la sophistication et l’esprit qui caractérisent les dialogues de Michel Ocelot s’imposent autant que les vues d’architecture orientale, la raideur noble qui anime les personnages ou les contrastes entre ombre et lumière. En cela, le réalisateur rééquilibre le rapport de force latent entre image et parole, dans une approche qui n’appartient définitivement qu’à lui : on regrette de ne jamais retrouver ailleurs ce plaisir d’entendre toutes les syllabes de chaque mot, d’écouter la chaleur des accents des interprètes, de redécouvrir un vocabulaire riche et savant.
On devine ainsi, derrière la confiance que place le cinéaste dans la fiction, une confiance dans le spectateur qui la reçoit. Que celui-ci ressorte grandi à l’issue du visionnage n’a pourtant rien à voir avec une forme de morale ou une quelconque valeur de démonstration : tout part de la rencontre d’un esprit et d’un autre, et du long dialogue qui en découle. Le grand tour de passe-passe de Michel Ocelot est bien de ménager au sein de son art visuel un espace où un discours – non pas celui tenu par le film, mais celui qui se noue entre l’œuvre et le spectateur – peut prendre place, sans que cela vienne empiéter sur le pur plaisir du récit : la magie des personnages qui entrouvrent leur bouche, froncent les sourcils ou écarquillent les yeux, elle, est toujours intacte comme au premier jour.
Emilien Peillon (Le bleu du miroir)