ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES
A PROPOS
Le road-movie est un genre idéal pour raconter comment deux personnages, coincés pour un long périple dans le huis clos d'une voiture, apprennent à se connaître et finissent par se comprendre. La manière dont Ismaël Ferroukhi s'en empare n'a rien d'original à ce détail près : plutôt que de confronter un Français et un Arabe, cet apôtre du dialogue entre deux communautés a choisi de faire voyager deux membres de la même famille, un Marocain immigré en France depuis trente ans et son fils. L'analyse d'un fossé entre deux cultures s'en trouve délestée d'un certain nombre de clichés.
En effet, tout oppose Reda, jeune beur sur le point de passer son bac, et son père, qui lui demande de le conduire jusqu'à La Mecque. L'un, non religieux, vit à la française. L'autre, qui a délibérément choisi de ne parler que l'arabe, fait ses prières tous les jours et rejette un type d'intégration reniant origines et religion. Dans la vie quotidienne, les deux hommes ont tant de divergences qu'ils passent leur temps à s'éviter. Le Grand Voyage a à la fois une dimension sociale et une dimension familiale. Il se démarque des caricatures qui déshumanisent la communauté musulmane, entachée par une minorité utilisant la religion à des fins politiques.
Outre son message de tolérance, le film distille un enseignement pédagogique. Ce que le fils va apprendre au fil des kilomètres qui le mènent de Marseille à l'Arabie saoudite, via l'Italie, la Slovénie, la Croatie, la Serbie, la Bulgarie, la Turquie, la Syrie, la Jordanie (matériellement et symboliquement, on n'arrête pas de franchir des douanes et de gérer des problèmes de passeports), c'est que le but de cette aventure n'est ni touristique ni intégriste.
L'islam inculque un mode de vie. Sous des dehors têtus, fermés, autoritaires, le père obéit aux obligations fondamentales des musulmans : cinq prières quotidiennes, abstinence sexuelle, aumône et jeûne du ramadan. Une discipline spirituelle que son fils ne comprend pas ; lui, qui succombe aux tentations (alcool, femmes), se plaint de voir son père faire acte de charité alors qu'ils manquent d'argent.
Sans doute mû par une démarche autobiographique, Ismaël Ferroukhi filme du point de vue de ce jeune homme qu'attend une dramatique épreuve au terme de ce pèlerinage qui est devenu le sien. La Peugeot bleue dans laquelle transitent les pèlerins arbore une porte jaune du côté du passager, qui visualise la différence des points de vue.
Un signe, parmi d'autres, dans un film au parcours un rien trop fléché, mais où l'on croise des silhouettes intrigantes. Une femme, murée dans le silence, incarnation quasi spectrale de la menace qui plane sur le voyage. Un homme, Turc bigame, oscillant entre la providence et duplicité. Reflet d'un islam au double visage.
Jean-Luc Douin (Le Monde)
Ciné légende
mardi 28 février
2017 à 20h15
Présentation et débat en présence de Louis Mathieu et Khalid Lammini, hadj angevin (qui a fait le pèlerinage de La Mecque)
Séance organisée en collaboration avec l'association Cinélégende
LE GRAND VOYAGE
de Ismaël Ferroukhi
Avec Nicolas Cazale, Mohamed Majd, Jacky Nercessian
France - Maroc - 2004 - 1h41 - Version originale sous-titrée
Quelques semaines avant le bac, Reda, un jeune homme vivant dans le sud de la France, est contraint de conduire son père à la Mecque. Le voyage en voiture est difficile. La discussion est réduite au minimum, le père et le fils n'ont rien en commun, rien à se dire. Au fur et à mesure qu'ils traversent les pays et rencontrent des gens de différentes cultures, Reda et son père commencent à se regarder différemment. Mais, comment créer une relation lorsque la communication est impossible ?
http://distrib.pyramidefilms.com/node/529
A PROPOS
Le road-movie est un genre idéal pour raconter comment deux personnages, coincés pour un long périple dans le huis clos d'une voiture, apprennent à se connaître et finissent par se comprendre. La manière dont Ismaël Ferroukhi s'en empare n'a rien d'original à ce détail près : plutôt que de confronter un Français et un Arabe, cet apôtre du dialogue entre deux communautés a choisi de faire voyager deux membres de la même famille, un Marocain immigré en France depuis trente ans et son fils. L'analyse d'un fossé entre deux cultures s'en trouve délestée d'un certain nombre de clichés.
En effet, tout oppose Reda, jeune beur sur le point de passer son bac, et son père, qui lui demande de le conduire jusqu'à La Mecque. L'un, non religieux, vit à la française. L'autre, qui a délibérément choisi de ne parler que l'arabe, fait ses prières tous les jours et rejette un type d'intégration reniant origines et religion. Dans la vie quotidienne, les deux hommes ont tant de divergences qu'ils passent leur temps à s'éviter. Le Grand Voyage a à la fois une dimension sociale et une dimension familiale. Il se démarque des caricatures qui déshumanisent la communauté musulmane, entachée par une minorité utilisant la religion à des fins politiques.
Outre son message de tolérance, le film distille un enseignement pédagogique. Ce que le fils va apprendre au fil des kilomètres qui le mènent de Marseille à l'Arabie saoudite, via l'Italie, la Slovénie, la Croatie, la Serbie, la Bulgarie, la Turquie, la Syrie, la Jordanie (matériellement et symboliquement, on n'arrête pas de franchir des douanes et de gérer des problèmes de passeports), c'est que le but de cette aventure n'est ni touristique ni intégriste.
L'islam inculque un mode de vie. Sous des dehors têtus, fermés, autoritaires, le père obéit aux obligations fondamentales des musulmans : cinq prières quotidiennes, abstinence sexuelle, aumône et jeûne du ramadan. Une discipline spirituelle que son fils ne comprend pas ; lui, qui succombe aux tentations (alcool, femmes), se plaint de voir son père faire acte de charité alors qu'ils manquent d'argent.
Sans doute mû par une démarche autobiographique, Ismaël Ferroukhi filme du point de vue de ce jeune homme qu'attend une dramatique épreuve au terme de ce pèlerinage qui est devenu le sien. La Peugeot bleue dans laquelle transitent les pèlerins arbore une porte jaune du côté du passager, qui visualise la différence des points de vue.
Un signe, parmi d'autres, dans un film au parcours un rien trop fléché, mais où l'on croise des silhouettes intrigantes. Une femme, murée dans le silence, incarnation quasi spectrale de la menace qui plane sur le voyage. Un homme, Turc bigame, oscillant entre la providence et duplicité. Reflet d'un islam au double visage.
Jean-Luc Douin (Le Monde)