TIMBUKTU - Abderrahmane Sissako

A PROPOS

Il y a des films qui vous accrochent dès le premier plan, révélant que l'on va assister à un grand moment de cinéma. "Timbuktu" est de ceux-là. Une gazelle fuit dans le désert devant un 4X4 chargé de djihadistes qui lui tirent dessus en évitant de la toucher pour l'épuiser. C'est tout le processus utilisé par les "fous de Dieu" : harceler les populations pour les obliger à rejoindre leur camp. Une stratégie que met à plat Abderrahmane Sissako dans "Timbuktu", maîtrisé jusqu'au bout des ongles, en s'inspirant de l'occupation de Tombouctou, au Mali, par des forces islamistes extrémistes venues de nulle-part.
De nulle part ou plutôt de partout : de Libye, d'Afghanistan, de Syrie… Qu'ont-il à voir avec le Mali ? Avec Tombouctou qu'ils ont gagné pour assujettir une population, une culture, avec laquelle ils n'ont rien de commun, sinon la religion musulmane, mais que les deux partis interprètent différemment. D'origine mauritanienne, ayant vécu deux ans au Mali, Abderrahmane Sissako a réalisé son film dans un village à la frontière entre la Mauritanie et le Mali, ainsi que dans le désert saharien. Mais le film ne pouvait se passer de quelques plans tournés dans la ville. Hors son propos, extrêmement bien scénarisé, aux dialogues souvent savoureux, il en tire des images fortes et sublimes.
Tout le sujet repose sur la résistance citoyenne des occupés : résistance des femmes à porter le voile ou des gants, des habitants qui interpètent de la musique et dansent, jouent au football... sans ballon, ou fument. Des interdits que ceux-là mêmes qui les statuent sont incapables d'appliquer. Signe dans ce film dramatique, mais non dénué d'humour, qu'ils ne croient pas en ce qu'ils prêchent au nom d'une "charia" utilisée comme objet de pouvoir idéologique, mais non politique. Aussi, "Timbuktu", dont le titre complet est "Timbuktu, le chagrin des oiseaux", se situe plus du côté du pamphlet que du film à thèse, même s'il en défend une.
Plus d'une scène est mémorable : une poissonnière refuse de porter des gants au prétexte de sa profession ; extraordinaire séquence où deux équipes de football jouent un match sans ballon, dans une chorégraphie virtuelle ; celle de l'interprétation musicale entre amis interrompue par des miliciens ; celle, hillarante, où un rappeur repenti est incapable de tenir un discours qu'on lui dicte… Tous ces récits choraux se rassemblent dans l'incident opposant un éleveur à un pêcheur où ce dernier est tué. Incriminé par les nouveaux maîtres des lieux, le juge se dit obligé d'appliquer la charia, malgré les circonstances atténuantes dont bénéficierait l'accusé. C'est le signe ultime de cette mascarade islamiste que dénonce Abderrahmane Sissako. Il la confirme par cette dénonciation constante de l'Occident par des Djihadistes qui tirent parti d'une technologie occidentale : téléphones portables, 4X4, caméra numérique, Internet…, sans laquelle ils ne pourraient pas exister.
"Timbuktu" est d'une actualité brûlante, notamment avec l'enlèvement de ces 276 jeunes Nigérianes par la "secte" "Boka Haram" qui ne croit sans doute pas plus à leur thèse que les envahisseurs de "Timbuktu". Depuis, il y a toutes ces décapitations d'occidentaux, journalistes et autres membres d'ONG. Film d'une très grande force visuelle, dans le récit et l'interprétation, il confirme, au-delà de son message, la continuité d'un cinéma en provenance du continent africain, rare car confronté à de très grandes difficultés financières (supplées en partie par la France), mais d'une inventivité constante, comme le sublime "Un Homme qui crie" du Tchadien Mahamat Saleh Haroun en 2010.

Jacky Bornet (francetvinfo.fr)

Soirée rencontre
lundi 4 octobre 2021 à 19h30

en présence de l’artiste Lamine Diarra, metteur en scène et comédien

Soirée organisée dans le cadre du Grand Ouest Festival – Le Quai CDN / en partenariat avec le magazine Transfuge

Soirée organisée dans le cadre du Grand Ouest Festival – Le Quai CDN / en partenariat avec le magazine Transfuge


TIMBUKTU

de Abderrahmane Sissako

avec Ibrahim Ahmed dit Pino, Toulou Kiki, Abel Jafri
France - Mauritanie - 2014 - 1h37 - version orignale sous titrée - Cannes 2014

Non loin de Tombouctou tombée sous le joug des extrémistes religieux, Kidane  mène une vie simple et paisible dans les dunes, entouré de sa femme Satima, sa fille Toya et de Issan, son petit berger âgé de 12 ans.
En ville, les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des djihadistes qui ont pris en otage leur foi. Fini la musique et les rires, les cigarettes et même le football… Les femmes sont devenues des ombres qui tentent de résister avec dignité. Des tribunaux improvisés rendent chaque jour leurs sentences absurdes et tragiques.
Kidane et les siens semblent un temps épargnés par le chaos de Tombouctou. Mais leur destin bascule le jour où Kidane tue accidentellement Amadou le pêcheur qui s'en est pris à GPS, sa vache préférée.
Il doit alors faire face aux nouvelles lois de ces occupants venus d’ailleurs…
https://www.facebook.com/timbuktu.lefilm

A PROPOS

Il y a des films qui vous accrochent dès le premier plan, révélant que l'on va assister à un grand moment de cinéma. "Timbuktu" est de ceux-là. Une gazelle fuit dans le désert devant un 4X4 chargé de djihadistes qui lui tirent dessus en évitant de la toucher pour l'épuiser. C'est tout le processus utilisé par les "fous de Dieu" : harceler les populations pour les obliger à rejoindre leur camp. Une stratégie que met à plat Abderrahmane Sissako dans "Timbuktu", maîtrisé jusqu'au bout des ongles, en s'inspirant de l'occupation de Tombouctou, au Mali, par des forces islamistes extrémistes venues de nulle-part.
De nulle part ou plutôt de partout : de Libye, d'Afghanistan, de Syrie… Qu'ont-il à voir avec le Mali ? Avec Tombouctou qu'ils ont gagné pour assujettir une population, une culture, avec laquelle ils n'ont rien de commun, sinon la religion musulmane, mais que les deux partis interprètent différemment. D'origine mauritanienne, ayant vécu deux ans au Mali, Abderrahmane Sissako a réalisé son film dans un village à la frontière entre la Mauritanie et le Mali, ainsi que dans le désert saharien. Mais le film ne pouvait se passer de quelques plans tournés dans la ville. Hors son propos, extrêmement bien scénarisé, aux dialogues souvent savoureux, il en tire des images fortes et sublimes.
Tout le sujet repose sur la résistance citoyenne des occupés : résistance des femmes à porter le voile ou des gants, des habitants qui interpètent de la musique et dansent, jouent au football... sans ballon, ou fument. Des interdits que ceux-là mêmes qui les statuent sont incapables d'appliquer. Signe dans ce film dramatique, mais non dénué d'humour, qu'ils ne croient pas en ce qu'ils prêchent au nom d'une "charia" utilisée comme objet de pouvoir idéologique, mais non politique. Aussi, "Timbuktu", dont le titre complet est "Timbuktu, le chagrin des oiseaux", se situe plus du côté du pamphlet que du film à thèse, même s'il en défend une.
Plus d'une scène est mémorable : une poissonnière refuse de porter des gants au prétexte de sa profession ; extraordinaire séquence où deux équipes de football jouent un match sans ballon, dans une chorégraphie virtuelle ; celle de l'interprétation musicale entre amis interrompue par des miliciens ; celle, hillarante, où un rappeur repenti est incapable de tenir un discours qu'on lui dicte… Tous ces récits choraux se rassemblent dans l'incident opposant un éleveur à un pêcheur où ce dernier est tué. Incriminé par les nouveaux maîtres des lieux, le juge se dit obligé d'appliquer la charia, malgré les circonstances atténuantes dont bénéficierait l'accusé. C'est le signe ultime de cette mascarade islamiste que dénonce Abderrahmane Sissako. Il la confirme par cette dénonciation constante de l'Occident par des Djihadistes qui tirent parti d'une technologie occidentale : téléphones portables, 4X4, caméra numérique, Internet…, sans laquelle ils ne pourraient pas exister.
"Timbuktu" est d'une actualité brûlante, notamment avec l'enlèvement de ces 276 jeunes Nigérianes par la "secte" "Boka Haram" qui ne croit sans doute pas plus à leur thèse que les envahisseurs de "Timbuktu". Depuis, il y a toutes ces décapitations d'occidentaux, journalistes et autres membres d'ONG. Film d'une très grande force visuelle, dans le récit et l'interprétation, il confirme, au-delà de son message, la continuité d'un cinéma en provenance du continent africain, rare car confronté à de très grandes difficultés financières (supplées en partie par la France), mais d'une inventivité constante, comme le sublime "Un Homme qui crie" du Tchadien Mahamat Saleh Haroun en 2010.

Jacky Bornet (francetvinfo.fr)