ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

GUERRE ET PAIX - GUERRE ET PAIX - L' INTÉGRALE - 2024-05-12

GUERRE ET PAIX - L' INTÉGRALE - dimanche 12 mai à 10h45

GUERRE ET PAIX de Sergueï Bondartchouk

CASINO - Plans Cultes - 2024-05-14

Plans Cultes - mardi 14 mai à 20h00

CASINO de Martin Scorsese

LE DEUXIÈME ACTE - Avant-première - 2024-05-14

Avant-première - mardi 14 mai à 20h00

LE DEUXIÈME ACTE de Quentin Dupieux

LE DEUXIÈME ACTE - Ciné Cosy - 2024-05-17

Ciné Cosy - vendredi 17 mai à 13h15

LE DEUXIÈME ACTE de Quentin Dupieux

LES CHOSES HUMAINES - Soirée Rencontre - 2024-05-21

Soirée Rencontre - mardi 21 mai à 20h00

LES CHOSES HUMAINES de Yvan Attal

ANGERS, TEXAS : TEN YEARS AFTER - Festival Levitation - 2024-05-25

Festival Levitation - samedi 25 mai à 11h00

ANGERS, TEXAS : TEN YEARS AFTER de Antony Bou

NOS QUARTIERS ONT DE LA GUEULE ! - Ciné Doc - 2024-05-28

Ciné Doc - mardi 28 mai à 20h00

NOS QUARTIERS ONT DE LA GUEULE ! de Mohand Koroghli

LA MÈRE DE TOUS LES MENSONGES - Ciné Doc - 2024-05-28

Ciné Doc - mardi 28 mai à 20h00

LA MÈRE DE TOUS LES MENSONGES de Asmae El Moudir

20 JOURS A MARIOUPOL - Ciné Doc - 2024-06-04

Ciné Doc - mardi 04 juin à 20h00

20 JOURS A MARIOUPOL de Mstyslav Tchernov

THE INTRUDER - Roger Corman

A PROPOS

Que le nom de Roger Corman – pape incontesté du cinéma bis d’exploitation américain – ne fasse pas fuir les cinéphiles les plus pointus ayant l’habitude de mépriser sa production. Effectivement, après avoir signé une trentaine de films de série B – dont quelques bonnes adaptations très libres d’Edgar Poe – le cinéaste décide en 1961 de tourner The Intruder, qui est selon lui « le premier film que j’ai dirigé avec une profonde conviction sociale et politique. Ça a été de loin le plus grand risque artistique et commercial de ma carrière : un film en noir et blanc, à 80 000 dollars, sur la question raciale dans une petite ville, en grande partie autoproduit. » (Extrait du livre de Roger Corman : Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime, écrit en 1990, traduit et édité en 2018 chez Capricci. Page citée : 173). Alors que l’administration Kennedy vient de mettre au cœur de son programme la déségrégation, le producteur tient à participer à l’émancipation des Noirs en adaptant un roman très provocant du progressiste Charles Beaumont (que l’on peut voir ici dans le rôle d’un proviseur tolérant). Malheureusement, aucun grand studio ne souhaite investir dans ce projet à haut risque : Roger Corman casse donc sa tirelire et part tourner l’intégralité du métrage en décor naturel. Il opte pour l’Etat du Missouri qui, tout en étant de mentalité sudiste, paraît moins extrémiste que la plupart des autres Etats de la région.

Toutefois, Roger Corman est confronté à de nombreux problèmes quand les habitants du coin comprennent que le film ne sera pas à leur avantage. Des lettres de menace, du matériel endommagé sont autant de démonstrations de force qui poussent l’équipe à travailler vite, dans un style guérilla ne décourageant pas Corman. Cette ambiance tendue semble d’ailleurs déteindre sur le film lui-même et lui donne ainsi toute sa légitimité. Car ce qui rend The Intruder unique vient de son aspect documentaire pris sur le vif. En suivant les traces d’un personnage principal suprématiste blanc – extraordinaire William Shatner, bien loin du capitaine Kirk de la série Star Trek - Roger Corman prend le risque d’adopter le point de vue des racistes pour mieux tordre le cou à leurs idées nauséabondes. Ainsi, le fameux intrus vient troubler les esprits en prêchant la haine et le rejet de l’autre auprès d’une population blanche qui n’a toujours pas digéré la défaite lors de la guerre de Sécession.

D’une mordante ironie, The Intruder ne tombe jamais dans le piège de délivrer une morale progressiste, mais préfère se concentrer sur les effets directs du populisme le plus crasse. Par une sorte d’inversion chronologique, on pourrait presque voir dans le métrage une réponse anticipée à l’Amérique de Donald Trump. D’où l’intérêt de redécouvrir ce long-métrage largement en avance sur son temps. En suscitant la haine chez son auditoire, le prêcheur accentue encore les clivages et déclenche une vague de violence ayant des répercussions directes sur les membres de la communauté. On peut sans doute reprocher au cinéaste d’avoir cédé aux sirènes d’un happy end assez peu crédible, mais c’est bien là le seul défaut de cette œuvre remarquable. Tourné dans un noir et blanc superbe, interprété avec talent par Shatner, mais aussi par Frank Maxwell et Leo Gordon, tous deux excellents, le film mérite d’être redécouvert de nos jours pour la force de son propos et sa dénonciation sans fard de toute forme de racisme et de populisme.

Acclamé à l’époque par la plupart des critiques et présenté dans de nombreux festivals, The Intruder aurait pu sans doute réorienter l’œuvre entière de Roger Corman si le film avait rencontré le succès. Comme l’explique Roger Corman, tous les distributeurs se sont dégonflés et « nous l’avons finalement fait via The Filmgroup mais le projet était enterré. Au début, j’ai ressenti de la colère, ensuite un choc, puis du découragement. Ça a été – et ça reste encore à ce jour – la plus grande déception de ma carrière. » (Extrait du livre de Roger Corman : Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime, écrit en 1990, traduit et édité en 2018 chez Capricci. Page citées : 183). Si l’on comprend le point de vue du cinéaste, il doit pourtant savoir que The Intruder restera sans doute comme son film le plus abouti de sa longue et fructueuse carrière.

Virgile dumez (avoiralire.com)

Ciné classique
dimanche 9 décembre 2018 à 17h45

présenté par Jean Pierre Bleys, spécialiste en histoire du cinéma

Soirée organisée en collaboration avec Cinéma Parlant dans le cadre de la semaine de cinéma de langue anglaise


THE INTRUDER

de Roger Corman

William Shatner, Frank Maxwell, Beverly Lunsford
USA - 1962 - 1h24 - VOST

Caxton, petite ville du sud des États-Unis, dans les années 1950. Un homme en complet blanc descend d’un car, valise à la main, et se rend à l’hôtel le plus proche. Il se nomme Adam Cramer et travaille pour une organisation « à vocation sociale ». Ce n’est pas un hasard s’il se trouve à Caxton, la ville ayant récemment voté une loi en faveur de la déségrégation, autorisant un quota d’élèves noirs à intégrer un lycée fréquenté par des Blancs. Adam Cramer souhaite enquêter auprès des habitants pour savoir ce qu’ils pensent de cette réforme. Cet homme charismatique et beau parleur va rapidement semer le trouble dans la ville…
http://www.carlottavod.com/the-intruder

A PROPOS

Que le nom de Roger Corman – pape incontesté du cinéma bis d’exploitation américain – ne fasse pas fuir les cinéphiles les plus pointus ayant l’habitude de mépriser sa production. Effectivement, après avoir signé une trentaine de films de série B – dont quelques bonnes adaptations très libres d’Edgar Poe – le cinéaste décide en 1961 de tourner The Intruder, qui est selon lui « le premier film que j’ai dirigé avec une profonde conviction sociale et politique. Ça a été de loin le plus grand risque artistique et commercial de ma carrière : un film en noir et blanc, à 80 000 dollars, sur la question raciale dans une petite ville, en grande partie autoproduit. » (Extrait du livre de Roger Corman : Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime, écrit en 1990, traduit et édité en 2018 chez Capricci. Page citée : 173). Alors que l’administration Kennedy vient de mettre au cœur de son programme la déségrégation, le producteur tient à participer à l’émancipation des Noirs en adaptant un roman très provocant du progressiste Charles Beaumont (que l’on peut voir ici dans le rôle d’un proviseur tolérant). Malheureusement, aucun grand studio ne souhaite investir dans ce projet à haut risque : Roger Corman casse donc sa tirelire et part tourner l’intégralité du métrage en décor naturel. Il opte pour l’Etat du Missouri qui, tout en étant de mentalité sudiste, paraît moins extrémiste que la plupart des autres Etats de la région.

Toutefois, Roger Corman est confronté à de nombreux problèmes quand les habitants du coin comprennent que le film ne sera pas à leur avantage. Des lettres de menace, du matériel endommagé sont autant de démonstrations de force qui poussent l’équipe à travailler vite, dans un style guérilla ne décourageant pas Corman. Cette ambiance tendue semble d’ailleurs déteindre sur le film lui-même et lui donne ainsi toute sa légitimité. Car ce qui rend The Intruder unique vient de son aspect documentaire pris sur le vif. En suivant les traces d’un personnage principal suprématiste blanc – extraordinaire William Shatner, bien loin du capitaine Kirk de la série Star Trek - Roger Corman prend le risque d’adopter le point de vue des racistes pour mieux tordre le cou à leurs idées nauséabondes. Ainsi, le fameux intrus vient troubler les esprits en prêchant la haine et le rejet de l’autre auprès d’une population blanche qui n’a toujours pas digéré la défaite lors de la guerre de Sécession.

D’une mordante ironie, The Intruder ne tombe jamais dans le piège de délivrer une morale progressiste, mais préfère se concentrer sur les effets directs du populisme le plus crasse. Par une sorte d’inversion chronologique, on pourrait presque voir dans le métrage une réponse anticipée à l’Amérique de Donald Trump. D’où l’intérêt de redécouvrir ce long-métrage largement en avance sur son temps. En suscitant la haine chez son auditoire, le prêcheur accentue encore les clivages et déclenche une vague de violence ayant des répercussions directes sur les membres de la communauté. On peut sans doute reprocher au cinéaste d’avoir cédé aux sirènes d’un happy end assez peu crédible, mais c’est bien là le seul défaut de cette œuvre remarquable. Tourné dans un noir et blanc superbe, interprété avec talent par Shatner, mais aussi par Frank Maxwell et Leo Gordon, tous deux excellents, le film mérite d’être redécouvert de nos jours pour la force de son propos et sa dénonciation sans fard de toute forme de racisme et de populisme.

Acclamé à l’époque par la plupart des critiques et présenté dans de nombreux festivals, The Intruder aurait pu sans doute réorienter l’œuvre entière de Roger Corman si le film avait rencontré le succès. Comme l’explique Roger Corman, tous les distributeurs se sont dégonflés et « nous l’avons finalement fait via The Filmgroup mais le projet était enterré. Au début, j’ai ressenti de la colère, ensuite un choc, puis du découragement. Ça a été – et ça reste encore à ce jour – la plus grande déception de ma carrière. » (Extrait du livre de Roger Corman : Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime, écrit en 1990, traduit et édité en 2018 chez Capricci. Page citées : 183). Si l’on comprend le point de vue du cinéaste, il doit pourtant savoir que The Intruder restera sans doute comme son film le plus abouti de sa longue et fructueuse carrière.

Virgile dumez (avoiralire.com)