ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES
A PROPOS
Dans un festival, on appelle ça une claque. Une belle. Une violente. De celle qui vous tire les larmes et embue les yeux. 120 battements par minutes est un film bouleversant, déchirant, foudroyant.
Qu’on ait vécu ou pas l’époque de la propagation de l’épidémie du SIDA,
l’histoire de ces années de combats contre le silence mortel des
institutions et contre le cynisme coupable des laboratoires et assureurs
touche en plein cœur. Les morts tombent sur le front. L’hécatombe
dévaste la jeunesse d’un pays.
Robin Campillo déroule son récit avec une volonté d’être précis,
pédagogique, universel. Le virus concerne tout le monde – homosexuels,
bisexuels, hétérosexuels, prostitués, prisonniers – même si chacun se
croit à l’abri dans ses certitudes. C’est aussi l’ignorance qui tue. Et
même une forme d’obscurantisme. Le cinéaste a toujours eu ce goût pour
les communautés, pour ces logiques de groupes, parfois illogiques,
contradictoires, dissonantes. Il les met en scène avec une gourmandise
non feinte, révélant les débats internes comme des preuves d’une
démocratie vivace et compliquée. La reconstitution des codes et des
règles tout comme l’écriture des arguments et des répliques enrichissent
incontestablement et utilement le scénario. Le regard est à la fois
critique et bienveillant. La caméra au plus près des visages valorise
l’importance à la parole.
« Des molécules pour qu’on s’encule ! »
Le réalisateur n’omet pas de filmer avec une belle énergie les actions
d’Act Up, provocantes à dessein, choquantes pour certains. Des
activistes traités comme des terroristes, alors que leur rôle n’était
que de tirer le signal d’alarme. 120 battements par minute c’est une
lutte finale désespérée, avec Smalltown Boy des Bronski Beat en
fond sonore. Il s’agit d’une colère bouillonnante où l’amour et la fête
servent de soupape. Un amour et une fête un peu gâchés par
l’omniprésence de ce « putain de virus », qui plane sur l’écran comme
une étoile apocalyptique menaçant l’humanité.
Si le film est frontalement engagé et très vif dans sa forme, le
cinéaste trouve toujours un moyen de le dévier vers une forme de poésie
et de lyrisme, avec des effets de ralentis qui allègent la dureté du
propos. Campillo décrit aussi la vie intense, impliquée et le quotidien
pénible, douloureux d’un(e) homosexuel(le). Ces morts en sursis ont
conscience de la fugacité de la vie. Ils sont jeunes, beaux, et pourtant
leur espérance se réduit au fil de leurs bilans médicaux. Porté par une
troupe d’acteurs charismatiques et justes de bout en bout, le film y
puise son réalisme, sa vraisemblance, son humanité. Leurs désirs, leurs
peurs sont contagieux, sans jeu de mot.
« On n’a pas envie de crever, darling ! »
Progressivement, il nous amène à la rencontre de deux militants, un
séronégatif et un séropositif. Nathan et Sean. Ils illustrent ou/et
symbolisent tous ces couples qui se sont aimés en flirtant avec la mort.
De l’action générale nous allons passer à une situation intime, en
écoutant des témoignages qui, à défaut d’être authentiques, font tous
échos à des histoires réelles. La maladie est officiellement honteuse,
alors on raconte ses souvenirs à ses camarades de guerre.
Pour Nathan et Sean, c’est surtout une histoire d’amour, une histoire
universelle, où la tendresse et le cul ont leur place. Et d’ailleurs, la
plus belle preuve de cet amour est sans aucun doute cette masturbation
unilatérale qui fait jouir le malade dans une petite mort apaisante et
touchante. Cette belle relation sentimentale permet au film de cibler
nos cœurs. Ça noue la gorge et ça tord l’estomac quand la fatalité
s’abat sur ce couple si lumineux. On traverse ainsi toutes sortes
d’émotion tant le scénario, entre histoire quasiment biographique d’un
mouvement de protestation et récit presque romanesque d’un amour en
suspension, est d’une jolie justesse.
On apprécie aussi la finesse d’écriture. Il suffit de voir comment le
réalisateur filme la veillée funéraire se transformant en réunion
politique, sans que cela ne soit brusque ou indécent. Tout fusionne :
l’amour et la perte, le silence et le cri. Cette précision psychologique
des personnages et de leur (ré)actions, écrite par l’auteur et
interprétée avec perfectionnisme par les comédiens, fait de 120 battements par minute une œuvre profonde et dense, riche et complexe, brutale et humaniste.
Les combattants
Certes, l’air du temps a changé. L’homosexualité n’a jamais été autant
acceptée (la France a d’ailleurs fait un bond immense dans le classement
des pays favorisant les droits des LGBT) et « en même temps » rejetée
(il suffit de voir la flambée des crimes et délits homophobes pour
s’inquiéter). Aujourd’hui, le film pourrait prendre comme sujet la
santé, l’écologie ou tout autre scandale "impactant" l’homme dans son
mode de vie.
Mais en revenant à cette période où une minorité était flinguée dans la
fleur de l’âge parce qu’elle tirait son coup avec insouciance, Robin
Campillo a sans doute voulu rappeler que le SIDA tuait toujours et
n’épargnait plus personne. En réalisant une fresque puissante, avec une
série de déflagrations qui chamboulent toutes nos émotions, il signe un
film engagé, tragique et combatif, une parfaite réponse à l’homophobie
ordinaire. En un plan somptueux et hypnotique, cette Seine de sang, ce
fleuve rougeoyant, il nous rappelle que trop d’innocents sont morts. Il
ne s’agit pas de désignés les coupables. Mais nous sommes tous
responsables.
vincy (ecran noir)
Soirée rencontre / Les Ateliers d'Angers
vendredi 25 août
2017 à 20h15
Projection suivie d'une rencontre avec le réalisateur / SÉANCE COMPLÈTE
120 battements par minute a
reçu le Grand prix du jury au Festival de Cannes. Robin Campillo était
à Angers en 2003 pour la lecture du scénario de son premier film, Les Revenants, lu par Marilyne Canto et Pierre Berriau.
Soirée organisée en collaboration avec l'association "Premiers Plans"
PAS DE VENTE EN LIGNE
120 BATTEMENTS PAR MINUTE
de Robin Campillo
avec Nahuel Perez Biscayart, Arnaud Valois, Adèle Haenel
FRANCE - 2017 - 2h20 - Grand Prix Cannes 2017
Début des années 90. Alors que le sida tue depuis près de dix ans, les militants d'Act Up-Paris multiplient les actions pour lutter contre l'indifférence générale.
Nouveau venu dans le groupe, Nathan va être bouleversé par la radicalité de Sean.
http://distribution.memento-films.com/film/infos/80
A PROPOS
Dans un festival, on appelle ça une claque. Une belle. Une violente. De celle qui vous tire les larmes et embue les yeux. 120 battements par minutes est un film bouleversant, déchirant, foudroyant.
Qu’on ait vécu ou pas l’époque de la propagation de l’épidémie du SIDA,
l’histoire de ces années de combats contre le silence mortel des
institutions et contre le cynisme coupable des laboratoires et assureurs
touche en plein cœur. Les morts tombent sur le front. L’hécatombe
dévaste la jeunesse d’un pays.
Robin Campillo déroule son récit avec une volonté d’être précis,
pédagogique, universel. Le virus concerne tout le monde – homosexuels,
bisexuels, hétérosexuels, prostitués, prisonniers – même si chacun se
croit à l’abri dans ses certitudes. C’est aussi l’ignorance qui tue. Et
même une forme d’obscurantisme. Le cinéaste a toujours eu ce goût pour
les communautés, pour ces logiques de groupes, parfois illogiques,
contradictoires, dissonantes. Il les met en scène avec une gourmandise
non feinte, révélant les débats internes comme des preuves d’une
démocratie vivace et compliquée. La reconstitution des codes et des
règles tout comme l’écriture des arguments et des répliques enrichissent
incontestablement et utilement le scénario. Le regard est à la fois
critique et bienveillant. La caméra au plus près des visages valorise
l’importance à la parole.
« Des molécules pour qu’on s’encule ! »
Le réalisateur n’omet pas de filmer avec une belle énergie les actions
d’Act Up, provocantes à dessein, choquantes pour certains. Des
activistes traités comme des terroristes, alors que leur rôle n’était
que de tirer le signal d’alarme. 120 battements par minute c’est une
lutte finale désespérée, avec Smalltown Boy des Bronski Beat en
fond sonore. Il s’agit d’une colère bouillonnante où l’amour et la fête
servent de soupape. Un amour et une fête un peu gâchés par
l’omniprésence de ce « putain de virus », qui plane sur l’écran comme
une étoile apocalyptique menaçant l’humanité.
Si le film est frontalement engagé et très vif dans sa forme, le
cinéaste trouve toujours un moyen de le dévier vers une forme de poésie
et de lyrisme, avec des effets de ralentis qui allègent la dureté du
propos. Campillo décrit aussi la vie intense, impliquée et le quotidien
pénible, douloureux d’un(e) homosexuel(le). Ces morts en sursis ont
conscience de la fugacité de la vie. Ils sont jeunes, beaux, et pourtant
leur espérance se réduit au fil de leurs bilans médicaux. Porté par une
troupe d’acteurs charismatiques et justes de bout en bout, le film y
puise son réalisme, sa vraisemblance, son humanité. Leurs désirs, leurs
peurs sont contagieux, sans jeu de mot.
« On n’a pas envie de crever, darling ! »
Progressivement, il nous amène à la rencontre de deux militants, un
séronégatif et un séropositif. Nathan et Sean. Ils illustrent ou/et
symbolisent tous ces couples qui se sont aimés en flirtant avec la mort.
De l’action générale nous allons passer à une situation intime, en
écoutant des témoignages qui, à défaut d’être authentiques, font tous
échos à des histoires réelles. La maladie est officiellement honteuse,
alors on raconte ses souvenirs à ses camarades de guerre.
Pour Nathan et Sean, c’est surtout une histoire d’amour, une histoire
universelle, où la tendresse et le cul ont leur place. Et d’ailleurs, la
plus belle preuve de cet amour est sans aucun doute cette masturbation
unilatérale qui fait jouir le malade dans une petite mort apaisante et
touchante. Cette belle relation sentimentale permet au film de cibler
nos cœurs. Ça noue la gorge et ça tord l’estomac quand la fatalité
s’abat sur ce couple si lumineux. On traverse ainsi toutes sortes
d’émotion tant le scénario, entre histoire quasiment biographique d’un
mouvement de protestation et récit presque romanesque d’un amour en
suspension, est d’une jolie justesse.
On apprécie aussi la finesse d’écriture. Il suffit de voir comment le
réalisateur filme la veillée funéraire se transformant en réunion
politique, sans que cela ne soit brusque ou indécent. Tout fusionne :
l’amour et la perte, le silence et le cri. Cette précision psychologique
des personnages et de leur (ré)actions, écrite par l’auteur et
interprétée avec perfectionnisme par les comédiens, fait de 120 battements par minute une œuvre profonde et dense, riche et complexe, brutale et humaniste.
Les combattants
Certes, l’air du temps a changé. L’homosexualité n’a jamais été autant
acceptée (la France a d’ailleurs fait un bond immense dans le classement
des pays favorisant les droits des LGBT) et « en même temps » rejetée
(il suffit de voir la flambée des crimes et délits homophobes pour
s’inquiéter). Aujourd’hui, le film pourrait prendre comme sujet la
santé, l’écologie ou tout autre scandale "impactant" l’homme dans son
mode de vie.
Mais en revenant à cette période où une minorité était flinguée dans la
fleur de l’âge parce qu’elle tirait son coup avec insouciance, Robin
Campillo a sans doute voulu rappeler que le SIDA tuait toujours et
n’épargnait plus personne. En réalisant une fresque puissante, avec une
série de déflagrations qui chamboulent toutes nos émotions, il signe un
film engagé, tragique et combatif, une parfaite réponse à l’homophobie
ordinaire. En un plan somptueux et hypnotique, cette Seine de sang, ce
fleuve rougeoyant, il nous rappelle que trop d’innocents sont morts. Il
ne s’agit pas de désignés les coupables. Mais nous sommes tous
responsables.
vincy (ecran noir)