ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

GUERRE ET PAIX - GUERRE ET PAIX - L' INTÉGRALE - 2024-05-12

GUERRE ET PAIX - L' INTÉGRALE - dimanche 12 mai à 10h45

GUERRE ET PAIX de Sergueï Bondartchouk

CASINO - Plans Cultes - 2024-05-14

Plans Cultes - mardi 14 mai à 20h00

CASINO de Martin Scorsese

LE DEUXIÈME ACTE - Avant-première - 2024-05-14

Avant-première - mardi 14 mai à 20h00

LE DEUXIÈME ACTE de Quentin Dupieux

LE DEUXIÈME ACTE - Ciné Cosy - 2024-05-17

Ciné Cosy - vendredi 17 mai à 13h15

LE DEUXIÈME ACTE de Quentin Dupieux

LES CHOSES HUMAINES - Soirée Rencontre - 2024-05-21

Soirée Rencontre - mardi 21 mai à 20h00

LES CHOSES HUMAINES de Yvan Attal

ANGERS, TEXAS : TEN YEARS AFTER - Festival Levitation - 2024-05-25

Festival Levitation - samedi 25 mai à 11h00

ANGERS, TEXAS : TEN YEARS AFTER de Antony Bou

WHIPLASH - Damien Chazelle

A PROPOS

Pour le jeune réalisateur américain Damien Chazelle qui s’était déjà illustré sur un premier drame musical (Guy and Madeline on a Park Bench en 2009) avant de signer le scénario du très dispensable Le Dernier exorcisme Part II en 2013, la genèse de Whiplash débute dans le chaos. Ce dernier peine en effet à réunir les fonds nécessaires à l’élaboration de ce futur long métrage. Il doit alors se résigner bien malgré lui à adapter son scénario dans un format court. Le fruit de son travail parvient à inclure la sélection 2013 des courts métrages au festival de Sundance, il remporte le prix du jury dans la catégorie "U.S. Dramatic", un succès qui permettra enfin au cinéaste de financer Whiplash tel qu’il fut imaginé initialement.
Tourné en seulement dix-neuf jours, le long revient à Sundance l’année suivante pour intégrer la sélection du cru 2014. C’est la consécration (il remporte les prestigieux Grand Prix du jury et Prix du public de la sélection "US Dramatic"). Quelques mois plus tard, son passage à la Quinzaine des Réalisateurs du festival de Cannes 2014 est remarqué comme il se doit en suscitant les ovations lors de chacune de ses projections. Pour encore asseoir un peu plus sa notoriété, le film se voit décerner le Grand Prix et le Prix du Public au 40ème Festival du cinéma américain de Deauville présidé par le réalisateur Costa-Gavras en septembre dernier. Dans un infime laps de temps d’à peine deux ans, le statut de Whiplash vient tout simplement de passer de court métrage à celui de nouvelle sensation du film US indépendant.
Une victoire pour un cinéaste pétri de talent qui laisse éclater au grand jour toute la puissance de sa mise en scène en choisissant de caractériser intensément la relation entre Andrew, un jeune batteur de jazz (Miles Teller) et son professeur, Mr Fletcher (J.K. Simmons), un mentor amoral en proie à d’incontrôlables excès de colère. La dynamique relationnelle qui s’installe entre les deux personnages s’avère impressionnante, réglée comme un métronome et battant la mesure à vive allure. Andrew, en première année au conservatoire de musique de Manhattan rêve d’intégrer l’orchestre de l’intraitable Mr Fletcher, réputé comme le meilleur de l’établissement. Lors d’une séance de répétition en solo, le professeur remarque le jazzman et décide de lui donner sa chance. Dès son arrivée dans le cours Andrew doit très vite se plier aux sollicitations de perfectionnisme vachard de l’enseignant. L’apprentissage est quasi militaire (certains sont même aller jusqu’à comparer le personnage avec le sergent instructeur Hartman de Full Metal Jacket, ce qui est plutôt une bonne analogie), fait de rabaissements, d’insultes gratinées et de violents coups de gueule, Fletcher hermétique à toute forme de compassion n’est pas un tendre, incorporer son orchestre renommé est une chose qui se mérite.
Andrew est contraint de batailler ferme et de donner le maximum pour prouver qu’il est à la hauteur face à la mise en concurrence avec des musiciens aux baguettes bien aiguisées. Pour toucher son rêve de devenir un jour un grand jazzman, Andrew fait montre d’abnégation (il va jusqu’à mettre de côté les débuts d’une relation amoureuse sincère) pour se lancer dans une quête d’excellence dont l’enseignant ne cesse de repousser les limites, poussant le jeune homme jusque dans ses derniers retranchements, parfois même jusqu’au point de rupture (le moment où Andrew veut tenir à tout prix sa place même après un accident de la route ou encore la scène de la recherche d’un tempo insaisissable pour les batteurs qui se termine avec des mains ensanglantées et des organismes essorés, à bout de force sont aussi éprouvantes qu’admirables).
Le duo formé par Miles Teller (Andrew) et J.K. Simmons (tout bonnement fantastique dans un rôle lui seyant à ravir) fonctionne à merveille, passant de la relation de respect d’un élève envers son professeur jusqu’à une authentique confrontation prenant tout son sens dans un climax de fin électrisant à couper le souffle (c’est tellement prenant que les images continuent de se bousculer dans nos têtes à l’apparition du générique). Fletcher gagne alors à passer pour un personnage bien plus complexe qu’il ne le laissait paraître au départ (on découvre qu’il y a pour lui un vrai but au bout de cette quête de perfection).
L’implication de Miles Teller dans le rôle est admirable puisque c’est lui qui a assuré pas moins de 70% des prestations musicales derrières les fûts (il est lui-même batteur depuis l’âge de 15 ans et a pris part à des cours intensifs pour les besoins des morceaux de jazz ultra techniques du film). L’osmose entre lui et son instrument est parfaite, sublimée par la réalisation sensorielle de Damien Chazelle qui, en bon chef d’orchestre, capte de manière irréprochable le stress et la pression subit par Andrew dans le cloisonnement d’une salle de cours à l’atmosphère opprimante et irrespirable, privée de toute source de lumière naturelle. Le soucis du détail (plans serrés sur certaines parties du visage pour accentuer la puissance émotionnelle), l’esthétisation des instruments (gros plans sur les baguettes qui frappent les peaux ou sur des cymbales perlées de sueur et de sang) et le montage toujours dans le bon tempo remportent eux aussi tous les suffrages.
Au final Damien Chazelle rend une partition émotionnellement riche et sans fausse note. De cette étonnante confrontation émane une ode à la persévérance couronnée en apothéose sur un récital estomaquant. Whiplash se montre donc copieusement à la hauteur de son excellente réputation et il se classe parmi l’élite des films indépendants de l’année 2014. Un pur moment de cinéma bien trop rare pour ne pas y foncer tête baissée.
Pierre Vedral (avoir-alire.com)

Avant première
lundi 22 décembre 2014 à 20h00

2 films musicaux en avant première
20h00 WHIPLASH  
22h15 20.000 JOURS SUR TERRE

9,30 Euros les 2 films


WHIPLASH

de Damien Chazelle

avec Miles Teller, J.K. Simmons, Melissa Benoist
USA - 2014 - 1h45 - version originale sous titrée - Sundance 2014 - Grand prix du jury & Prix du public / Deauville 2014 - Grand prix & Prix du public

Andrew, 19 ans, rêve de devenir l'un des meilleurs batteurs de jazz de sa génération. Mais la concurrence est rude au conservatoire de Manhattan où il s'entraîne avec acharnement. Il a pour objectif d'intégrer le fleuron des orchestres dirigé par Terence Fletcher, professeur féroce et intraitable. Lorsque celui-ci le repère enfin, Andrew se lance, sous sa direction, dans la quête de l'excellence...
http://www.advitamdistribution.com/whiplash/

A PROPOS

Pour le jeune réalisateur américain Damien Chazelle qui s’était déjà illustré sur un premier drame musical (Guy and Madeline on a Park Bench en 2009) avant de signer le scénario du très dispensable Le Dernier exorcisme Part II en 2013, la genèse de Whiplash débute dans le chaos. Ce dernier peine en effet à réunir les fonds nécessaires à l’élaboration de ce futur long métrage. Il doit alors se résigner bien malgré lui à adapter son scénario dans un format court. Le fruit de son travail parvient à inclure la sélection 2013 des courts métrages au festival de Sundance, il remporte le prix du jury dans la catégorie "U.S. Dramatic", un succès qui permettra enfin au cinéaste de financer Whiplash tel qu’il fut imaginé initialement.
Tourné en seulement dix-neuf jours, le long revient à Sundance l’année suivante pour intégrer la sélection du cru 2014. C’est la consécration (il remporte les prestigieux Grand Prix du jury et Prix du public de la sélection "US Dramatic"). Quelques mois plus tard, son passage à la Quinzaine des Réalisateurs du festival de Cannes 2014 est remarqué comme il se doit en suscitant les ovations lors de chacune de ses projections. Pour encore asseoir un peu plus sa notoriété, le film se voit décerner le Grand Prix et le Prix du Public au 40ème Festival du cinéma américain de Deauville présidé par le réalisateur Costa-Gavras en septembre dernier. Dans un infime laps de temps d’à peine deux ans, le statut de Whiplash vient tout simplement de passer de court métrage à celui de nouvelle sensation du film US indépendant.
Une victoire pour un cinéaste pétri de talent qui laisse éclater au grand jour toute la puissance de sa mise en scène en choisissant de caractériser intensément la relation entre Andrew, un jeune batteur de jazz (Miles Teller) et son professeur, Mr Fletcher (J.K. Simmons), un mentor amoral en proie à d’incontrôlables excès de colère. La dynamique relationnelle qui s’installe entre les deux personnages s’avère impressionnante, réglée comme un métronome et battant la mesure à vive allure. Andrew, en première année au conservatoire de musique de Manhattan rêve d’intégrer l’orchestre de l’intraitable Mr Fletcher, réputé comme le meilleur de l’établissement. Lors d’une séance de répétition en solo, le professeur remarque le jazzman et décide de lui donner sa chance. Dès son arrivée dans le cours Andrew doit très vite se plier aux sollicitations de perfectionnisme vachard de l’enseignant. L’apprentissage est quasi militaire (certains sont même aller jusqu’à comparer le personnage avec le sergent instructeur Hartman de Full Metal Jacket, ce qui est plutôt une bonne analogie), fait de rabaissements, d’insultes gratinées et de violents coups de gueule, Fletcher hermétique à toute forme de compassion n’est pas un tendre, incorporer son orchestre renommé est une chose qui se mérite.
Andrew est contraint de batailler ferme et de donner le maximum pour prouver qu’il est à la hauteur face à la mise en concurrence avec des musiciens aux baguettes bien aiguisées. Pour toucher son rêve de devenir un jour un grand jazzman, Andrew fait montre d’abnégation (il va jusqu’à mettre de côté les débuts d’une relation amoureuse sincère) pour se lancer dans une quête d’excellence dont l’enseignant ne cesse de repousser les limites, poussant le jeune homme jusque dans ses derniers retranchements, parfois même jusqu’au point de rupture (le moment où Andrew veut tenir à tout prix sa place même après un accident de la route ou encore la scène de la recherche d’un tempo insaisissable pour les batteurs qui se termine avec des mains ensanglantées et des organismes essorés, à bout de force sont aussi éprouvantes qu’admirables).
Le duo formé par Miles Teller (Andrew) et J.K. Simmons (tout bonnement fantastique dans un rôle lui seyant à ravir) fonctionne à merveille, passant de la relation de respect d’un élève envers son professeur jusqu’à une authentique confrontation prenant tout son sens dans un climax de fin électrisant à couper le souffle (c’est tellement prenant que les images continuent de se bousculer dans nos têtes à l’apparition du générique). Fletcher gagne alors à passer pour un personnage bien plus complexe qu’il ne le laissait paraître au départ (on découvre qu’il y a pour lui un vrai but au bout de cette quête de perfection).
L’implication de Miles Teller dans le rôle est admirable puisque c’est lui qui a assuré pas moins de 70% des prestations musicales derrières les fûts (il est lui-même batteur depuis l’âge de 15 ans et a pris part à des cours intensifs pour les besoins des morceaux de jazz ultra techniques du film). L’osmose entre lui et son instrument est parfaite, sublimée par la réalisation sensorielle de Damien Chazelle qui, en bon chef d’orchestre, capte de manière irréprochable le stress et la pression subit par Andrew dans le cloisonnement d’une salle de cours à l’atmosphère opprimante et irrespirable, privée de toute source de lumière naturelle. Le soucis du détail (plans serrés sur certaines parties du visage pour accentuer la puissance émotionnelle), l’esthétisation des instruments (gros plans sur les baguettes qui frappent les peaux ou sur des cymbales perlées de sueur et de sang) et le montage toujours dans le bon tempo remportent eux aussi tous les suffrages.
Au final Damien Chazelle rend une partition émotionnellement riche et sans fausse note. De cette étonnante confrontation émane une ode à la persévérance couronnée en apothéose sur un récital estomaquant. Whiplash se montre donc copieusement à la hauteur de son excellente réputation et il se classe parmi l’élite des films indépendants de l’année 2014. Un pur moment de cinéma bien trop rare pour ne pas y foncer tête baissée.
Pierre Vedral (avoir-alire.com)

20.000 JOURS SUR TERRE - Iain Forsyth & Jane Pollard

A PROPOS

Le vieux réveil de voyage sonne à 7 heures. Nick Cave est dans de beaux draps : c’est le matin de son 20 000è jour sur terre, et il va en faire un film, le film de sa vie, qu’il a coécrit et dont il est le narrateur. Ce qu’on pouvait attendre d’un docu classique sur un musicien – un récit chronologique à base d’images d’archives – est compressé dans l’énergique générique. Après, c’est autre chose. Un film conçu comme une journée dans la vie d’un homme, avec des moments de travail, des déplacements dans l’espace, des repas, des rencontres, des rêves, et le souvenir des 19 999 jours qui ont précédé.

On voit d’abord Nick Cave sortir du lit (pas un poil de graisse sur sa grande carcasse) dans sa grande maison de Brighton (dans la même pièce que sur la pochette de l’album Push The Sky Away), puis commencer sa journée de travail, concentré derrière une antique machine à écrire. Son répondeur téléphonique est aussi un vieux truc à cassettes, qui lui rappelle qu’il a rendez-vous chez le psy. Beaucoup moins bougon que face à un journaliste, Nick Cave déterre son premier amour, une fille aux cheveux très noirs et au visage très blanc (comme sa future épouse Susie Bick…). Il se souvient aussi de son père qui lui avait fait découvrir l’incipit du Lolita de Nabokov. Et qu’il s’amusait à se déguiser en fille.

Son rapport à Dieu et à la religion est compliqué, il raconte que la période où il est le plus allé à la messe, c’est quand il était dans la dope. Transgressions fondatrices… Son psy lui demande ce qu’il redoute le plus : la perte de mémoire. Perdu à l’intérieur de lui-même quand il évoque son père, disparu alors qu’il avait 19 ans.

Le film devient alors un voyage dans la mémoire de Nick Cave, et la plus belle manière de la fixer. L’Australie et Berlin sont évoqués lors d’une rencontre avec des archivistes, à travers des photos commentées (ce qui donne lieu au passage le plus hilarant du film, quand Nick explique cette série de photos d’un concert de Birthday Party, quand un Allemand pissait sur scène). Nick Cave a beaucoup bourlingué, en Australie, à Berlin, au Brésil (pas un mot dans le film), en Angleterre. “Ce sont les lieux qui vous choisissent”, dit-il. Tout le ramène à Brighton et à ses environs, qu’il parcourt au volant de sa Jaguar noire, pour aller manger des anguilles chez Warren Ellis en parlant de doctor Nina Simone, ou pour faire la route avec Blixa Bargeld ou Kylie Minogue, qui apparaissent dans la voiture comme des fantômes. A Kylie, Nick pose une question, une seule : “As-tu peur d’être oubliée ?”, et la réponse semble moins importante que la question.

A Brighton, avant la naissance de ses jumeaux (qu’on voit dans une chouette séquence de cocooning en famille), Nick Cave a tenu un journal quotidien où il parlait exclusivement du temps qu’il fait, du climat, de la météo. Une façon de contrôler son humeur et le temps, de croire que son humeur pouvait contrôler le temps. Une façon de repousser le ciel. Et plus il écrivait, plus le temps était pourri…

Nick Cave a beau fêter ses 30 ans de carrière discographique avec les Bad Seeds, la musique n’est pas au cœur de ce film, parcouru par une énergie assez rare, où chaque plan semble justifié. La création est le vrai sujet. On voit Nick Cave pendant la gestation, puis la fabrication de l’album Push The Sky Away. D’abord seul au piano seul avec ses carnets d’écriture, puis au boulot avec Warren Ellis, puis avec les Bad Seeds, pendant l’enregistrement avec une chorale d’enfants français, puis sur scène, dans deux séquences rares et très intenses. “I’m transforming, I’m vibrating… Look at me now !!!”, chante-t-il dans Jubilee Street. On a regardé, et on a adoré ce film diablement bien réalisé, qui ne ressemble à rien de connu dans le film musical – ni fiction ni biopic hagiographique. Plutôt comme un nouveau chapitre dans l’œuvre de Nick Cave, et pas des moindres.
Stéphane Deschamps (Les Inrocks)

20.000 JOURS SUR TERRE

de Iain Forsyth & Jane Pollard

avec Nick Cave, Susie Bick, Warren Ellis
GRANDE BRETAGNE - 2014 - 1h37 - version originale sous titrée - Prix de la mise en scène et du montage Sundance 2014

24 heures dans la vie de la célèbre rock star d’origine australienne Nick Cave. Une journée en apparence comme les autres, mais où les notions de réalité et de fiction finissent par se brouiller et s’entrelacer… 
https://www.facebook.com/20000daysonearth

A PROPOS

Le vieux réveil de voyage sonne à 7 heures. Nick Cave est dans de beaux draps : c’est le matin de son 20 000è jour sur terre, et il va en faire un film, le film de sa vie, qu’il a coécrit et dont il est le narrateur. Ce qu’on pouvait attendre d’un docu classique sur un musicien – un récit chronologique à base d’images d’archives – est compressé dans l’énergique générique. Après, c’est autre chose. Un film conçu comme une journée dans la vie d’un homme, avec des moments de travail, des déplacements dans l’espace, des repas, des rencontres, des rêves, et le souvenir des 19 999 jours qui ont précédé.

On voit d’abord Nick Cave sortir du lit (pas un poil de graisse sur sa grande carcasse) dans sa grande maison de Brighton (dans la même pièce que sur la pochette de l’album Push The Sky Away), puis commencer sa journée de travail, concentré derrière une antique machine à écrire. Son répondeur téléphonique est aussi un vieux truc à cassettes, qui lui rappelle qu’il a rendez-vous chez le psy. Beaucoup moins bougon que face à un journaliste, Nick Cave déterre son premier amour, une fille aux cheveux très noirs et au visage très blanc (comme sa future épouse Susie Bick…). Il se souvient aussi de son père qui lui avait fait découvrir l’incipit du Lolita de Nabokov. Et qu’il s’amusait à se déguiser en fille.

Son rapport à Dieu et à la religion est compliqué, il raconte que la période où il est le plus allé à la messe, c’est quand il était dans la dope. Transgressions fondatrices… Son psy lui demande ce qu’il redoute le plus : la perte de mémoire. Perdu à l’intérieur de lui-même quand il évoque son père, disparu alors qu’il avait 19 ans.

Le film devient alors un voyage dans la mémoire de Nick Cave, et la plus belle manière de la fixer. L’Australie et Berlin sont évoqués lors d’une rencontre avec des archivistes, à travers des photos commentées (ce qui donne lieu au passage le plus hilarant du film, quand Nick explique cette série de photos d’un concert de Birthday Party, quand un Allemand pissait sur scène). Nick Cave a beaucoup bourlingué, en Australie, à Berlin, au Brésil (pas un mot dans le film), en Angleterre. “Ce sont les lieux qui vous choisissent”, dit-il. Tout le ramène à Brighton et à ses environs, qu’il parcourt au volant de sa Jaguar noire, pour aller manger des anguilles chez Warren Ellis en parlant de doctor Nina Simone, ou pour faire la route avec Blixa Bargeld ou Kylie Minogue, qui apparaissent dans la voiture comme des fantômes. A Kylie, Nick pose une question, une seule : “As-tu peur d’être oubliée ?”, et la réponse semble moins importante que la question.

A Brighton, avant la naissance de ses jumeaux (qu’on voit dans une chouette séquence de cocooning en famille), Nick Cave a tenu un journal quotidien où il parlait exclusivement du temps qu’il fait, du climat, de la météo. Une façon de contrôler son humeur et le temps, de croire que son humeur pouvait contrôler le temps. Une façon de repousser le ciel. Et plus il écrivait, plus le temps était pourri…

Nick Cave a beau fêter ses 30 ans de carrière discographique avec les Bad Seeds, la musique n’est pas au cœur de ce film, parcouru par une énergie assez rare, où chaque plan semble justifié. La création est le vrai sujet. On voit Nick Cave pendant la gestation, puis la fabrication de l’album Push The Sky Away. D’abord seul au piano seul avec ses carnets d’écriture, puis au boulot avec Warren Ellis, puis avec les Bad Seeds, pendant l’enregistrement avec une chorale d’enfants français, puis sur scène, dans deux séquences rares et très intenses. “I’m transforming, I’m vibrating… Look at me now !!!”, chante-t-il dans Jubilee Street. On a regardé, et on a adoré ce film diablement bien réalisé, qui ne ressemble à rien de connu dans le film musical – ni fiction ni biopic hagiographique. Plutôt comme un nouveau chapitre dans l’œuvre de Nick Cave, et pas des moindres.
Stéphane Deschamps (Les Inrocks)