ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

A PROPOS
Dans ses écrits théoriques sur le cinéma, Pasolini propose d'adapter le discours indirect libre au maniement de la caméra. Cela suppose que les voix du personnage et celle du narrateur s'enchevêtrent. Le premier se raconte à la première personne, l'autre assiste à l'éclosion de cette parole et la met en scène.
Pas comme des loups s'achemine sur cette ligne ténue, autorisant à la fois deux frères jumeaux à "se fictionner" et le réalisateur à créer sa vision. Vincent Pouplard construit un récit sur leurs pérégrinations. Durant trois ans, Sifredi et Roman sont les acteurs du film au sens fort du terme. En leur soumettant régulièrement les rushes, il leur transmet son regard pour qu'ils affinent le leur. À travers leurs conversations autour du film et l'écriture de textes, ils éclaircissent leurs valeurs. À la question : Qui sont-ils ?, le film répond en allant à l'essentiel : leur beauté, leur relation fraternelle, l'intensité de leurs convictions.
Le cinéaste, sans les questionner, les accompagne, nous transporte dans leur univers. Ils dorment dans une cave ? On l'identifie à peine, car elle est cadrée comme eux la voient : un lieu d'infinies expérimentations. Une friche de bord de route devient un terrain de jeu qui offre des arbres à escalader et des cabanes à construire.
On comprend, au détour d'un plan, l'abus et l'abandon parental, des échéances judiciaires, un parcours professionnel bien peu motivant, mais ce qui nous touche le plus, c'est ce qu'ils expriment. Le dernier plan du film montre qu'ils ont su retourner la caméra et, tandis qu'ils dénombrent tout ce qu'ils ne "seront jamais", c'est leur regard qui se pose sur nous et nous questionne sur nos propres renoncements à la liberté.
Vincent Pouplard semble avoir fait sienne la manière de Pasolini en nous permettant de les rencontrer avant de les voir prisonniers d'une série d'injonctions. Et parce que l'auteur, pleinement présent, établit un fort rapport de confiance, il peut s'approcher de moments de fragilités où la colère et la tension débordent, où la caméra se décentre. Une belle manière de cinéaste.
Gaëlle Rilliard
Soirée CinéConf
lundi 4 avril
2022 à 20h00
Projection sera suivie d’une rencontre avec le réalisateur Vincent Pouplard.
Animation par Yvelin Ducotey, Coordinateur du cycle CinéConf et David Niget, Maître de conférences en Histoire à l’Université d’Angers
Séance organisée en partenariat avec le programme EnJeu[x], la SFR Confluences et l’Ecole Nationale de Protection Judiciaire de la Jeunesse
PAS COMME DES LOUPS
de Vincent Pouplard
Documentaire
FRANCE - 2017 - 59 min
Roman et Sifredi ont à peine 20 ans. Ils sont en mouvement, comme leur identité, entre exclusion et marginalité. Dans des lieux secrets, souterrains, squats, lisières de bois, sous des ciels nuageux ou des néons à faible tension, ils inventent leur vie, leur langage et leurs codes. Ils disent qu'ils ne seront jamais "quelqu'un" mais seront toujours "libres".
Les travaux de David Niget portent sur l’histoire de la jeunesse, et en particulier sur la question de la justice des mineurs dans une perspective de genre. Après avoir travaillé sur la genèse du tribunal pour enfants dans une perspective transnationale, il porte son attention sur la question de l’expertise médicale et psychologique auprès de la jeunesse jugée « irrégulière ». Il est membre du comité de rédaction de la Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière ». Avec Véronique Blanchard, il est l’auteur de Mauvaises filles. Incorrigibles et rebelles, Textuel, 2016, et de la websérie documentaire: mauvaises-filles.fr
Vincent Pouplard a réalisé son premier documentaire, Le silence des carpes, en 2010 après des études de sociologie et de photographie. Il a également expérimenté plusieurs mélanges artistiques articulés autour de la musique et des images. En 2017, il propose le documentaire Pas comme des loups, succès à la fois critique et public.
https://www.kubweb.media/page/pas-comme-des-loups-vincent-pouplard-jeune-marge-delinquance/
A PROPOS
Dans ses écrits théoriques sur le cinéma, Pasolini propose d'adapter le discours indirect libre au maniement de la caméra. Cela suppose que les voix du personnage et celle du narrateur s'enchevêtrent. Le premier se raconte à la première personne, l'autre assiste à l'éclosion de cette parole et la met en scène.
Pas comme des loups s'achemine sur cette ligne ténue, autorisant à la fois deux frères jumeaux à "se fictionner" et le réalisateur à créer sa vision. Vincent Pouplard construit un récit sur leurs pérégrinations. Durant trois ans, Sifredi et Roman sont les acteurs du film au sens fort du terme. En leur soumettant régulièrement les rushes, il leur transmet son regard pour qu'ils affinent le leur. À travers leurs conversations autour du film et l'écriture de textes, ils éclaircissent leurs valeurs. À la question : Qui sont-ils ?, le film répond en allant à l'essentiel : leur beauté, leur relation fraternelle, l'intensité de leurs convictions.
Le cinéaste, sans les questionner, les accompagne, nous transporte dans leur univers. Ils dorment dans une cave ? On l'identifie à peine, car elle est cadrée comme eux la voient : un lieu d'infinies expérimentations. Une friche de bord de route devient un terrain de jeu qui offre des arbres à escalader et des cabanes à construire.
On comprend, au détour d'un plan, l'abus et l'abandon parental, des échéances judiciaires, un parcours professionnel bien peu motivant, mais ce qui nous touche le plus, c'est ce qu'ils expriment. Le dernier plan du film montre qu'ils ont su retourner la caméra et, tandis qu'ils dénombrent tout ce qu'ils ne "seront jamais", c'est leur regard qui se pose sur nous et nous questionne sur nos propres renoncements à la liberté.
Vincent Pouplard semble avoir fait sienne la manière de Pasolini en nous permettant de les rencontrer avant de les voir prisonniers d'une série d'injonctions. Et parce que l'auteur, pleinement présent, établit un fort rapport de confiance, il peut s'approcher de moments de fragilités où la colère et la tension débordent, où la caméra se décentre. Une belle manière de cinéaste.
Gaëlle Rilliard