ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

A PROPOS
On connaît peu Marcel Conche, ce philosophe contemporain spécialiste d’Héraclite et de Montaigne, au-delà de quelques-unes de ses phrases, la plus célèbre étant certainement « J’ai remplacé Dieu par la nature ». Selon lui, la religion aurait appauvri la philosophie au fil des siècles, notamment la métaphysique, la contraignant par principe à justifier in fine l’existence d’un être suprême. Les systèmes et autres concepts théoriques trop élaborés seraient ainsi des freins à une observation en profondeur du monde. Il suffirait à l’inverse de prendre le temps de regarder autour de soi pour entrer en contact avec la notion d’infini, observable dans la force créatrice et improvisée de la nature.
Par cette conception, la philosophie devient une action de la pensée ouverte à tout être humain. Il suffirait pour la pratiquer de faire le choix de s’y consacrer, en adaptant sa manière de vivre à ses conditions d’exercice. Le choix de Christian Girier de construire son film autour du récit biographique du philosophe s’avère de ce fait pertinente, puisqu’il lui permet de comprendre comment la pensée de Marcel Conche a évolué au contact des grands événements de son existence. Il bâtit sur ce postulat simple un film serein et attachant, qui s’accommode plutôt bien de la pauvreté de sa forme.
Le réalisateur filme l’environnement immédiat du philosophe, de l’intérieur de sa maison corrézienne, à la campagne alentour - une route nationale, une place de marché, les herbes hautes d’un champ, les tombes d’un petit cimetière. En captant ainsi la banalité de la campagne française, sans aucune volonté d’esthétisation, il nous permet de nous laisser glisser dans la quiétude d’une promenade, de celles qui se prêtent à la conversation. Au fil des raisonnements du philosophe, la Dordogne devient le fleuve d’Héraclite, et le virage d’une route un lieu de révélation philosophique enfantine. La simplicité formelle du film de Christian Girier entre en parfaite cohérence avec l’attitude d’un homme qui peut aborder des questionnements métaphysiques alors qu’il mange une assiette de pâtes accoudé à la table de sa salle à manger.
On peut tout de même regretter l’absence de positionnement plus marqué de la part du cinéaste face aux propos du philosophe. Le réalisateur ne s’extrait jamais vraiment de sa place d’auditeur, et certaines séquences en deviennent purement illustratives. Demeure néanmoins une rencontre humaine visiblement sincère, basée sur une humble volonté de recueillir. Plus qu’un grand geste cinématographique, Christian Girier s’emploie avant tout à restituer le rythme désormais anachronique de la réflexion philosophique. Et il y parvient par moments : la pensée investit alors la texture d’une roche ou les mouvements d’un nuage. De cette alchimie surgit un trouble philosophique, la sensation presque physique de voir apparaître au sein de l’image une fenêtre vers une nouvelle dimension de réflexion toute proche. Or il s’agit bien là de toute la méthode de Marcel Conche, sa métaphysique étant alimentée par l’évidente et insondable simplicité du monde.
Adrien Mitterand (Critikat)
Ciné doc
mardi 27 septembre
2016 à 20h15
en présence de Christian Girier, le réalisateur
Soirée organisée en collaboration avec l'association Cinéma Parlant
MARCEL CONCHE, LA NATURE D'UN PHILOSOPHE
de Christian Girier
Documentaire
FRANCE - 2015 - 1h16
Marcel Conche s’est éveillé à la philosophie à l’âge de 6 ans alors
qu’il accompagnait ses parents au travail des champs. Il lui consacrera
sa vie. À 91 ans, ce philosophe moderne — mais à l'écart des modes —
nous convie à une méditation philosophique. Au fil du temps, il a
élaboré une métaphysique de la Nature qu’il continue inlassablement de
méditer. Depuis sa Corrèze natale, il nous ouvre avec délice à une
pensée toujours en mouvement, et nous livre le récit d'une vie qu'il dit
banale, pourtant aussi surprenante qu’imprévisible.
http://marcelconche.arsenal-productions.com/
A PROPOS
On connaît peu Marcel Conche, ce philosophe contemporain spécialiste d’Héraclite et de Montaigne, au-delà de quelques-unes de ses phrases, la plus célèbre étant certainement « J’ai remplacé Dieu par la nature ». Selon lui, la religion aurait appauvri la philosophie au fil des siècles, notamment la métaphysique, la contraignant par principe à justifier in fine l’existence d’un être suprême. Les systèmes et autres concepts théoriques trop élaborés seraient ainsi des freins à une observation en profondeur du monde. Il suffirait à l’inverse de prendre le temps de regarder autour de soi pour entrer en contact avec la notion d’infini, observable dans la force créatrice et improvisée de la nature.
Par cette conception, la philosophie devient une action de la pensée ouverte à tout être humain. Il suffirait pour la pratiquer de faire le choix de s’y consacrer, en adaptant sa manière de vivre à ses conditions d’exercice. Le choix de Christian Girier de construire son film autour du récit biographique du philosophe s’avère de ce fait pertinente, puisqu’il lui permet de comprendre comment la pensée de Marcel Conche a évolué au contact des grands événements de son existence. Il bâtit sur ce postulat simple un film serein et attachant, qui s’accommode plutôt bien de la pauvreté de sa forme.
Le réalisateur filme l’environnement immédiat du philosophe, de l’intérieur de sa maison corrézienne, à la campagne alentour - une route nationale, une place de marché, les herbes hautes d’un champ, les tombes d’un petit cimetière. En captant ainsi la banalité de la campagne française, sans aucune volonté d’esthétisation, il nous permet de nous laisser glisser dans la quiétude d’une promenade, de celles qui se prêtent à la conversation. Au fil des raisonnements du philosophe, la Dordogne devient le fleuve d’Héraclite, et le virage d’une route un lieu de révélation philosophique enfantine. La simplicité formelle du film de Christian Girier entre en parfaite cohérence avec l’attitude d’un homme qui peut aborder des questionnements métaphysiques alors qu’il mange une assiette de pâtes accoudé à la table de sa salle à manger.
On peut tout de même regretter l’absence de positionnement plus marqué de la part du cinéaste face aux propos du philosophe. Le réalisateur ne s’extrait jamais vraiment de sa place d’auditeur, et certaines séquences en deviennent purement illustratives. Demeure néanmoins une rencontre humaine visiblement sincère, basée sur une humble volonté de recueillir. Plus qu’un grand geste cinématographique, Christian Girier s’emploie avant tout à restituer le rythme désormais anachronique de la réflexion philosophique. Et il y parvient par moments : la pensée investit alors la texture d’une roche ou les mouvements d’un nuage. De cette alchimie surgit un trouble philosophique, la sensation presque physique de voir apparaître au sein de l’image une fenêtre vers une nouvelle dimension de réflexion toute proche. Or il s’agit bien là de toute la méthode de Marcel Conche, sa métaphysique étant alimentée par l’évidente et insondable simplicité du monde.
Adrien Mitterand (Critikat)