ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

L'OEIL DU TIGRE - Raphaël Pfeiffer

A PROPOS

Laurence a le visage de ces femmes que le grand air de la campagne, l’excès de tabac et peut-être d’alcool, ont raboté au fil du temps. C’est une femme apparemment heureuse, qui vit avec son mari, un exploitant agricole, et ses deux enfants, dans une maison solidement ancrée dans la terre, comme des millions de Français, justement, ceux-là même que l’actualité récente parvient à rendre visibles. C’est donc une femme comme les autres, ni plus, ni moins, sinon qu’elle a totalement perdu la vue, il y a une quinzaine d’années, et qu’elle s’adonne aux arts martiaux, avec le secret espoir de devenir une championne départementale de karaté.

Le risque cinématographique est évident. Celui de tomber dans le vulgaire documentaire de télévision, ou pire, dans la caricature sociale. Raphaël Pfeiffer, dont c’est le premier long-métrage, échappe avec brio à la tentation de refaire un nouveau numéro de la série Strip-Tease qui, parfois, peut sombrer dans la critique acide. Ici, le propos refuse le jugement ou la méchanceté. La caméra Scope s’installe dans cette demeure mayennaise, aux murs épais, et regarde avec douceur et extrême bienveillance cette maman vieillissante, partagée entre l’éducation de ses enfants et les entraînements de Viet Vo Dao. Il y a aussi son mari, un agriculteur discret, travailleur, qui accompagne son épouse dans son rêve d’éducation et de sport tout à la fois. La photographie est si respectueuse des personnages sur l’écran, que l’on finit presque par oublier les rides des visage, les voix rauques, pour ne plus voir que la tendresse inouïe qui transpire chez ces gens, grandement simples.

Il ne s’agit pas d’un documentaire sur le handicap. Au contraire, le réalisateur parvient à faire oublier dès les premières séquences du film que Laurence a perdu la vue. On découvre, non sans admiration, les stratégies de compensation du handicap dont usent les personnes non-voyantes, pour rendre le monde bien plus sensible que notre propre monde de voyant. Il y a même, chez le spectateur valide, une incroyable gageure que de regarder un film dont le personnage principal est privé de la vue. Ainsi, le cinéaste réinvente un langage cinématographique où il s’agit de donner à voir une vie quotidienne que la cécité de Laurence transfigure en un univers de couleurs, d’émotions, de mots et de musique. Plus largement, le réalisateur interroge la limite très ténue entre le voyeurisme dont maintes chaines de télévision nous abreuvent à longueur de temps, et l’expression artistique. Pendant les premières séquences du film, on ne parvient pas à se détacher de l’interrogation si filmer l’intimité d’une famille modeste est suffisant pour faire une œuvre de cinéma. Mais, au fur et à mesure de cette histoire, l’évidence cinématographique apparaît, faisant passer Laurence, du statut d’illustre inconnue à celle d’une héroïne de la vie quotidienne.
Laurent Cambon (avoiralire.com)

Cap Ciné / Ciné doc / Rencontre
mardi 8 janvier 2019 à 20h00

en présence de l'équipe du film

Séance en audiodescription et sous-titrées en français

Séance organisée en partenariat avec Premiers Plans et Cinéma Parlant


L'OEIL DU TIGRE

de Raphaël Pfeiffer

Documentaire
FRANCE - 2018 - 1h18

Laurence vit au cœur de la Mayenne avec son mari agriculteur et ses deux garçons. 
Son rêve, devenir championne de Viet Vo Dao, un art martial vietnamien. 
Mais ce n'est pas une mince affaire, surtout quand on n'a jamais fait de sport, qu'on aime faire la fête et qu’on a perdu la vue il y a plus de quinze ans.
http://www.rezofilms.com/distribution/loeil-du-tigre

A PROPOS

Laurence a le visage de ces femmes que le grand air de la campagne, l’excès de tabac et peut-être d’alcool, ont raboté au fil du temps. C’est une femme apparemment heureuse, qui vit avec son mari, un exploitant agricole, et ses deux enfants, dans une maison solidement ancrée dans la terre, comme des millions de Français, justement, ceux-là même que l’actualité récente parvient à rendre visibles. C’est donc une femme comme les autres, ni plus, ni moins, sinon qu’elle a totalement perdu la vue, il y a une quinzaine d’années, et qu’elle s’adonne aux arts martiaux, avec le secret espoir de devenir une championne départementale de karaté.

Le risque cinématographique est évident. Celui de tomber dans le vulgaire documentaire de télévision, ou pire, dans la caricature sociale. Raphaël Pfeiffer, dont c’est le premier long-métrage, échappe avec brio à la tentation de refaire un nouveau numéro de la série Strip-Tease qui, parfois, peut sombrer dans la critique acide. Ici, le propos refuse le jugement ou la méchanceté. La caméra Scope s’installe dans cette demeure mayennaise, aux murs épais, et regarde avec douceur et extrême bienveillance cette maman vieillissante, partagée entre l’éducation de ses enfants et les entraînements de Viet Vo Dao. Il y a aussi son mari, un agriculteur discret, travailleur, qui accompagne son épouse dans son rêve d’éducation et de sport tout à la fois. La photographie est si respectueuse des personnages sur l’écran, que l’on finit presque par oublier les rides des visage, les voix rauques, pour ne plus voir que la tendresse inouïe qui transpire chez ces gens, grandement simples.

Il ne s’agit pas d’un documentaire sur le handicap. Au contraire, le réalisateur parvient à faire oublier dès les premières séquences du film que Laurence a perdu la vue. On découvre, non sans admiration, les stratégies de compensation du handicap dont usent les personnes non-voyantes, pour rendre le monde bien plus sensible que notre propre monde de voyant. Il y a même, chez le spectateur valide, une incroyable gageure que de regarder un film dont le personnage principal est privé de la vue. Ainsi, le cinéaste réinvente un langage cinématographique où il s’agit de donner à voir une vie quotidienne que la cécité de Laurence transfigure en un univers de couleurs, d’émotions, de mots et de musique. Plus largement, le réalisateur interroge la limite très ténue entre le voyeurisme dont maintes chaines de télévision nous abreuvent à longueur de temps, et l’expression artistique. Pendant les premières séquences du film, on ne parvient pas à se détacher de l’interrogation si filmer l’intimité d’une famille modeste est suffisant pour faire une œuvre de cinéma. Mais, au fur et à mesure de cette histoire, l’évidence cinématographique apparaît, faisant passer Laurence, du statut d’illustre inconnue à celle d’une héroïne de la vie quotidienne.
Laurent Cambon (avoiralire.com)