NOCES DE SANG - Carlos Saura

A PROPOS

Si vous aimez la danse, courez-y. Si vous détestez la danse, volez-y. C’est un chef-d’œuvre. Carlos Saura, à chaque seconde, filme exactement ce que notre œil souhaite voir. Et, pour qui aime le théâtre, cette répétition dans une salle nue, à trois fenêtres blanches, évoque irrésistiblement les plus beaux décors de Giorgio Strehler. La beauté de la danse naît de sa fragilité. Deux représentations ne sauraient être iden-tiques. Parfois, un concours secret de circonstances crée le miracle : une représentation atteint soudain au sublime. C’est un de ces moments privilégiés, bénis des dieux, qu’a sai-si la caméra de Carlos Saura. Fasciné par une répétition du ballet Noces de sang (d’après la pièce de Federico Garcia Lorca), Carlos Saura décide d’en faire un film. Lui qui avait ten-té, à travers de nombreux drames bourgeois sombres et dûment pensés, tels que Anna et les loups, Ma cousine Angélique, Cria cuervos, de traduire l’âme de l’Espagne, réussit ici à la rendre présente sans effort du premier au dernier plan

Dès leur arrivée dans leur loge, les danseurs se maquillent, se font le masque de la tra-gédie.  Pour  s’échauffer,  ils  esquissent  quelques  pas.  L’objectif  saisit  en  gros  plan  leurs  visages  aux  muscles  tendus.  La  troupe  des  danseurs  vêtus  de  collants  noirs  apparaît  comme un bataillon d’émissaires de la mort.Puis commence la répétition du ballet dansé et conçu par le grand chorégraphe espagnol Antonio Gades : le récit, en effet, d’une lente et implacable mise à mort. Les corps se dé-chaînent, le drame se joue, se danse, sur une musique discrète mais envoûtante.On se souvient du thème. Le jour de son mariage, une jeune femme est séduite et enle-vée. Le mari part à la poursuite des fugitifs. Lorsqu’il les rejoint, les deux hommes s’en-tretuent.Carlos  Saura  pointe  sa  caméra  sur  un  espace  blanc  que  les  danseurs  tantôt  meublent,  tantôt  désertent.  Les  désirs,  les  peurs,  les  souffrances  des  acteurs  de  ce  drame  sont  si violents que l’air en reste imprégné même pendant les moments où la scène se vide.Ce  qui  donne  à  ce  ballet  l’allure  d’un  cérémonial  antique,  c’est  que  la  chorégraphie  en  est  si  accomplie,  si  harmonieuse,  que  les  danseurs  semblent  tracer  avec  leurs  corps  des signes magiques. Les visages graves, ombrageux, aux yeux passionnés, évoquent les peintures d’un artiste inspiré : le Greco.Parfois, la danse représente le rêve d’un homme amoureux. Mais ce rêve est d’une telle force qu’il déteint sur la réalité : il la modifie, il la transcende. De même, lorsque le mari et le séducteur dansent au ralenti leur affrontement au couteau, un feu sacré consume les deux danseurs et donne à cette scène son apparence d’irréalité. Le seul détail réaliste de la représentation n’apparaît qu’en fin de spectacle. La jeune femme  s’agenouille  près  des  corps  des  deux  hommes  qui  l’ont  aimée.  Quand  elle  se  re-lève, ses mains laissent sur sa robe blanche deux traînées de sang. De ce sang qui obsède l’Espagne chantée par Garcia Lorca

Télérama

Ciné classique
dimanche 15 mars 2020 à 17h45

présenté par Louis Mathieu, association Cinéma Parlant

Séance organisée en collaboration avec l'Université d'Angers et Cinéma Parlant dans le cadre de la semaine de cinéma de langue espagnole


NOCES DE SANG

de Carlos Saura

avec Antonio Gades, Cristina Hoyos, Juan Antonio Jimenez
ESPAGNE - 1981 - 1h12 - VOST - Réédition - Version restaurée

Dans les coulisses d’une salle de spectacle une troupe de danseurs répète un ballet. La représentation commence. Dans un petit village, on fête des noces. A la fin de la cérémonie, la jeune épousée s’enfuit avec Leonardo, un homme marié qu’elle a toujours aimé. Accompagné de quatre cavaliers, l’époux bafoué part à la recherche des fugitifs…

https://www.tamasa-cinema.com/film/la-trilogie-flamenca-carlos-saura/noces-de-sang/

A PROPOS

Si vous aimez la danse, courez-y. Si vous détestez la danse, volez-y. C’est un chef-d’œuvre. Carlos Saura, à chaque seconde, filme exactement ce que notre œil souhaite voir. Et, pour qui aime le théâtre, cette répétition dans une salle nue, à trois fenêtres blanches, évoque irrésistiblement les plus beaux décors de Giorgio Strehler. La beauté de la danse naît de sa fragilité. Deux représentations ne sauraient être iden-tiques. Parfois, un concours secret de circonstances crée le miracle : une représentation atteint soudain au sublime. C’est un de ces moments privilégiés, bénis des dieux, qu’a sai-si la caméra de Carlos Saura. Fasciné par une répétition du ballet Noces de sang (d’après la pièce de Federico Garcia Lorca), Carlos Saura décide d’en faire un film. Lui qui avait ten-té, à travers de nombreux drames bourgeois sombres et dûment pensés, tels que Anna et les loups, Ma cousine Angélique, Cria cuervos, de traduire l’âme de l’Espagne, réussit ici à la rendre présente sans effort du premier au dernier plan

Dès leur arrivée dans leur loge, les danseurs se maquillent, se font le masque de la tra-gédie.  Pour  s’échauffer,  ils  esquissent  quelques  pas.  L’objectif  saisit  en  gros  plan  leurs  visages  aux  muscles  tendus.  La  troupe  des  danseurs  vêtus  de  collants  noirs  apparaît  comme un bataillon d’émissaires de la mort.Puis commence la répétition du ballet dansé et conçu par le grand chorégraphe espagnol Antonio Gades : le récit, en effet, d’une lente et implacable mise à mort. Les corps se dé-chaînent, le drame se joue, se danse, sur une musique discrète mais envoûtante.On se souvient du thème. Le jour de son mariage, une jeune femme est séduite et enle-vée. Le mari part à la poursuite des fugitifs. Lorsqu’il les rejoint, les deux hommes s’en-tretuent.Carlos  Saura  pointe  sa  caméra  sur  un  espace  blanc  que  les  danseurs  tantôt  meublent,  tantôt  désertent.  Les  désirs,  les  peurs,  les  souffrances  des  acteurs  de  ce  drame  sont  si violents que l’air en reste imprégné même pendant les moments où la scène se vide.Ce  qui  donne  à  ce  ballet  l’allure  d’un  cérémonial  antique,  c’est  que  la  chorégraphie  en  est  si  accomplie,  si  harmonieuse,  que  les  danseurs  semblent  tracer  avec  leurs  corps  des signes magiques. Les visages graves, ombrageux, aux yeux passionnés, évoquent les peintures d’un artiste inspiré : le Greco.Parfois, la danse représente le rêve d’un homme amoureux. Mais ce rêve est d’une telle force qu’il déteint sur la réalité : il la modifie, il la transcende. De même, lorsque le mari et le séducteur dansent au ralenti leur affrontement au couteau, un feu sacré consume les deux danseurs et donne à cette scène son apparence d’irréalité. Le seul détail réaliste de la représentation n’apparaît qu’en fin de spectacle. La jeune femme  s’agenouille  près  des  corps  des  deux  hommes  qui  l’ont  aimée.  Quand  elle  se  re-lève, ses mains laissent sur sa robe blanche deux traînées de sang. De ce sang qui obsède l’Espagne chantée par Garcia Lorca

Télérama