ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

SHERLOCK JUNIOR + MALEC L'INSAISISSABLE - Buster Keaton

A PROPOS

Dans Sherlock Junior, Buster Keaton applique à la lettre le mode d'emploi de son manuel de détective et décide donc de «suivre le suspect comme son ombre». Marchant collé au dos dudit suspect, il rend la filature absurde, mais incontestable du point de vue de la raison et idéale du point de vue du cinéma. Il court, il court, le Keaton, selon un mouvement perpétuel qui ne tolère aucun raté, selon une perfection inaliénable qui, dans ce film de 1924, le menait justement au cinéma pris comme sujet de lui-même. L'apprenti détective est également projectionniste et s'endort dans sa cabine, las des déceptions accumulées précédemment. Dans son sommeil, il se dédouble, sa partie rêvée descend dans la salle et franchit le seuil de l'écran animé. Keaton se projette, s'introduit dans le film, échappe à lui-même, aux autres, au harcèlement infini du réel (Woody Allen fera le remake de l'expérience dans la Rose pourpre du Caire). Le monde filmique tente de le rejeter, mais le comique triste est plus fort: il soumet le cinéma aux règles strictes de sa géométrie éblouissante et de sa logique implacable, il reconstruit la fiction à son avantage mais sans changer la vie. Keaton est un conquérant du possible jusqu'à ses extrêmes limites, qui introduit dans le cinéma la synthèse froide de l'idéalité et du réalisme. L'univers keatonien rejette toute sentimentalité, et les miracles qui vont avec. Cela, Chaplin s'en est chargé. L'émotion, quand même, ne renonce pas tout à fait. La désincarnation asexuée de l'ingénieur poète le transforme malgré lui en ange intimidé, innocent désemparé, alien esseulé décochant, à travers les vitres de son monde parallèle, des regards interrogatifs qui cherchent encore leur destinataire.

Isabelle Potel (Libération)

Ciné classique / Festival Télérama Enfants
dimanche 23 février 2020 à 15h30

présenté par Xavier Thibaud, conseiller pédagogique arts plastiques et visuels

à partir de 5 ans

3,50 euros la séance pour tous avec le PASS dans Télérama et sur Télérama.fr


SHERLOCK JUNIOR + MALEC L'INSAISISSABLE

de Buster Keaton

avec Buster Keaton, Kathryn McGaire, Joe Keaton
USA - 1924 - 0h45 - Version française

Projectionniste dans un modeste cinéma, amoureux de la fille de son patron, un homme rêve de devenir un grand détective. Un jour, tandis qu'il rend visite à la demoiselle de ses pensées pour lui offrir une bague, son rival dérobe la montre du père, la place chez un prêteur sur gages puis glisse le billet dans la poche du pauvre amoureux. Celui-ci se met à jouer les détectives amateurs. Confondu, il est chassé de la maison...

Précédé du court métrage : MALEC L'INSAISISSABLE
de Malcolm St. Clair et Buster Keaton (Etats-Unis, 1921, 0h23)
Malec erre dans la ville à la recherche de vivres et de roublardises. Mais suite à un malentendu, il se retrouve confondu avec le célèbre bandit Dead Shot Dan. S'ensuit dès lors une course-poursuite dans la ville entre le jeune homme débrouillard et des policiers maladroits..
http://www.splendor-films.com/items/item/628

A PROPOS

Dans Sherlock Junior, Buster Keaton applique à la lettre le mode d'emploi de son manuel de détective et décide donc de «suivre le suspect comme son ombre». Marchant collé au dos dudit suspect, il rend la filature absurde, mais incontestable du point de vue de la raison et idéale du point de vue du cinéma. Il court, il court, le Keaton, selon un mouvement perpétuel qui ne tolère aucun raté, selon une perfection inaliénable qui, dans ce film de 1924, le menait justement au cinéma pris comme sujet de lui-même. L'apprenti détective est également projectionniste et s'endort dans sa cabine, las des déceptions accumulées précédemment. Dans son sommeil, il se dédouble, sa partie rêvée descend dans la salle et franchit le seuil de l'écran animé. Keaton se projette, s'introduit dans le film, échappe à lui-même, aux autres, au harcèlement infini du réel (Woody Allen fera le remake de l'expérience dans la Rose pourpre du Caire). Le monde filmique tente de le rejeter, mais le comique triste est plus fort: il soumet le cinéma aux règles strictes de sa géométrie éblouissante et de sa logique implacable, il reconstruit la fiction à son avantage mais sans changer la vie. Keaton est un conquérant du possible jusqu'à ses extrêmes limites, qui introduit dans le cinéma la synthèse froide de l'idéalité et du réalisme. L'univers keatonien rejette toute sentimentalité, et les miracles qui vont avec. Cela, Chaplin s'en est chargé. L'émotion, quand même, ne renonce pas tout à fait. La désincarnation asexuée de l'ingénieur poète le transforme malgré lui en ange intimidé, innocent désemparé, alien esseulé décochant, à travers les vitres de son monde parallèle, des regards interrogatifs qui cherchent encore leur destinataire.

Isabelle Potel (Libération)