ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

A PROPOS
Presque 50 ans après sa sortie initiale, MERE JEANNE DES ANGES garde un pouvoir de fascination encore intact.
Inspiré par l’affaire des possédées de Loudun, Jerzy Kawalerowicz centre son récit en pleine campagne polonaise au XVIIIème siècle. Le Père Suryn (Miecislaw Voit) est missionné par l’Eglise Catholique dans un carmel où ont été repérés des cas de possession diabolique. Notamment la mère supérieure, Mère Jeanne des Anges (Lucyna Winnicka), semble présenter le cas le plus alarmant avec huit démons s‘étant emparés d’elle. Sa première tentative d’exorcisme se solde par une hystérie collective. Il décide d’isoler la mère supérieure, tout en comprenant qu’elle s’est éprise de lui.
Le film va obtenir le Prix Spécial du Jury à cannes en 1961, coiffé au poteau d’une cornette pour la Palme d’Or par un autre film ayant pour sujet une autre nonne, VIRIDIANA. Une reconnaissance non entravée par des attaques du Vatican jugeant le film scandaleux au moment de sa sortie.
De même, le Vatican n'apprécia pas plus la séduction du prêtre par Mère Jeanne ainsi que son sacrifice allant jusqu’à accueillir le(s) démon(s) en lui avant de commettre l’irréparable. Mais bien au-delà la question de la foi, c’est avant tout la liberté de l’homme et de ses choix ainsi que son conditionnement qui sont abordés ici. L’habit ne fait pas le moine, et nous assistons également à une critique à peine voilée du communisme. Jerzy Kawalerowicz ouvre ainsi un second niveau de lecture du film, et offre au spectateur l’intime possibilité de comprendre les implications des actes de chaque protagoniste : de leur impact sociétal, de la structure des relations, du pouvoir de la hiérarchie humaine, de la notion de liberté. Que l’homme, en fait, est prisonnier des propres limites qu’il s’est lui-même fixé.
L’autre pan du film, bien contre sa propre volonté, c’est d’être ni plus ni moins que le premier film de ce qui allait devenir par la suite la «Nunsploitation». Pas d’exploitation ici, mais un schéma narratif qui sera repris par beaucoup dans les années 70. Tout d’abord dans l’excès et la fureur de Ken Russell avec LES DIABLES, inspiré de la même histoire. En ce sens, Russell pris le contrepied total de Kawalerowicz. Le cinéma d’exploitation italo-allemands ne tardera pas alors à s'emparer largement de ces nonnes possédées ou simplement lubriques. Il est également aisé de voir qu’un film comme L’EXORCISTE ne trouve pas ses racines uniquement chez William Peter Blatty.
Au final, qu’il s’agisse de l’expression du refus de l’autorité, de la moquerie pure et simple (les nonnes tournoient sur elles-mêmes en pleine cérémonie d’exorcisme ! ), il est difficile de catégoriser MERE JEANNE DES ANGES, tant il se trouve à la croisée de bien des genres. Cet opus de Jerzy Kawalerowicz adopte ainsi un fantastique ancré dans le réel, admis comme tel. Un fantastique qui s’immisce insidieusement et provoque une atmosphère étrange, à la limite du malaise et de la curiosité. En tous cas une œuvre inquiétante, sombre, radicale, indispensable...
Francis Barbier (devildead.com)
Ciné classique
dimanche 23 juin
2013 à 18h00
présenté par Louis Mathieu, enseignant en cinéma
MÈRE JEANNE DES ANGES
de Jerzy Kawalerowicz
avec Lucyna Winnicka, Mieczyslaw Voit, Anna Ciepielewska
POLOGNE - 1961 - 1h50 - Version originale sous titrée - Prix Spécial du Jury Cannes 1961
XVIIIe siècle. Dans un petit couvent féminin toutes les soeurs ainsi que la Mère Supérieure ont été, selon la rumeur publique, possédées par les démons. Quatre prêtres exorcisent déjà les nonnes, les démons qui prétendent être entrés dans le corps de Mère Jeanne des Anges refusent obstinément de la quitter...
A PROPOS
Presque 50 ans après sa sortie initiale, MERE JEANNE DES ANGES garde un pouvoir de fascination encore intact.
Inspiré par l’affaire des possédées de Loudun, Jerzy Kawalerowicz centre son récit en pleine campagne polonaise au XVIIIème siècle. Le Père Suryn (Miecislaw Voit) est missionné par l’Eglise Catholique dans un carmel où ont été repérés des cas de possession diabolique. Notamment la mère supérieure, Mère Jeanne des Anges (Lucyna Winnicka), semble présenter le cas le plus alarmant avec huit démons s‘étant emparés d’elle. Sa première tentative d’exorcisme se solde par une hystérie collective. Il décide d’isoler la mère supérieure, tout en comprenant qu’elle s’est éprise de lui.
Le film va obtenir le Prix Spécial du Jury à cannes en 1961, coiffé au poteau d’une cornette pour la Palme d’Or par un autre film ayant pour sujet une autre nonne, VIRIDIANA. Une reconnaissance non entravée par des attaques du Vatican jugeant le film scandaleux au moment de sa sortie.
De même, le Vatican n'apprécia pas plus la séduction du prêtre par Mère Jeanne ainsi que son sacrifice allant jusqu’à accueillir le(s) démon(s) en lui avant de commettre l’irréparable. Mais bien au-delà la question de la foi, c’est avant tout la liberté de l’homme et de ses choix ainsi que son conditionnement qui sont abordés ici. L’habit ne fait pas le moine, et nous assistons également à une critique à peine voilée du communisme. Jerzy Kawalerowicz ouvre ainsi un second niveau de lecture du film, et offre au spectateur l’intime possibilité de comprendre les implications des actes de chaque protagoniste : de leur impact sociétal, de la structure des relations, du pouvoir de la hiérarchie humaine, de la notion de liberté. Que l’homme, en fait, est prisonnier des propres limites qu’il s’est lui-même fixé.
L’autre pan du film, bien contre sa propre volonté, c’est d’être ni plus ni moins que le premier film de ce qui allait devenir par la suite la «Nunsploitation». Pas d’exploitation ici, mais un schéma narratif qui sera repris par beaucoup dans les années 70. Tout d’abord dans l’excès et la fureur de Ken Russell avec LES DIABLES, inspiré de la même histoire. En ce sens, Russell pris le contrepied total de Kawalerowicz. Le cinéma d’exploitation italo-allemands ne tardera pas alors à s'emparer largement de ces nonnes possédées ou simplement lubriques. Il est également aisé de voir qu’un film comme L’EXORCISTE ne trouve pas ses racines uniquement chez William Peter Blatty.
Au final, qu’il s’agisse de l’expression du refus de l’autorité, de la moquerie pure et simple (les nonnes tournoient sur elles-mêmes en pleine cérémonie d’exorcisme ! ), il est difficile de catégoriser MERE JEANNE DES ANGES, tant il se trouve à la croisée de bien des genres. Cet opus de Jerzy Kawalerowicz adopte ainsi un fantastique ancré dans le réel, admis comme tel. Un fantastique qui s’immisce insidieusement et provoque une atmosphère étrange, à la limite du malaise et de la curiosité. En tous cas une œuvre inquiétante, sombre, radicale, indispensable...
Francis Barbier (devildead.com)