ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

VOYAGE AU PÔLE SUD - Ciné Rencontre - 2024-04-29

Ciné Rencontre - lundi 29 avril à 20h00

VOYAGE AU PÔLE SUD de Luc Jacquet

CASINO - Plans Cultes - 2024-05-14

Plans Cultes - mardi 14 mai à 20h00

CASINO de Martin Scorsese

LE DEUXIÈME ACTE - Avant-première - 2024-05-14

Avant-première - mardi 14 mai à 20h00

LE DEUXIÈME ACTE de Quentin Dupieux

LE DEUXIÈME ACTE - Ciné Cosy - 2024-05-17

Ciné Cosy - vendredi 17 mai à 13h15

LE DEUXIÈME ACTE de Quentin Dupieux

LES CHOSES HUMAINES - Soirée Rencontre - 2024-05-21

Soirée Rencontre - mardi 21 mai à 20h00

LES CHOSES HUMAINES de Yvan Attal

ANGERS, TEXAS : TEN YEARS AFTER - Festival Levitation - 2024-05-25

Festival Levitation - samedi 25 mai à 11h00

ANGERS, TEXAS : TEN YEARS AFTER de Antony Bou

LES CAMARADES - Mario Monicelli

A PROPOS

Dans la riche carrière de Monicelli, pour l’essentiel consacrée à la comédie, Les camarades brille d’un éclat particulier, par son engagement politique, le film décrivant une longue grève dans une usine à la fin de dix-neuvième siècle. Tiré d’un fait authentique, il ne se borne pourtant ni au misérabilisme ni au pamphlet. Certes, le portrait des patrons est chargé : manipulateurs, insensibles, sournois, avides, ils font patienter les ouvriers une heure avant de les recevoir et les méprisent avec un paternalisme écœurant. Ainsi de cette scène où Martinetti (Bernard Blier) est invité à réparer un poêle à seule fin de lui tirer les vers du nez et de le faire céder. Quant au grand chef, vieillard handicapé, il fait preuve d’un auoritarisme permanent, même avec des riches insouciants qui jouent à colin-maillard.
Mais à vrai dire ce n’est pas ce qui intéresse Monicelli. Il préfère s’attacher aux petites gens sur qui il porte un regard attendri, malgré leurs défauts et leurs failles. C’est le jeune Omero, idéaliste au destin tragique, qui moleste son frère pour qu’il poursuive ses études ; c’est Pautasso, colosse généreux qui ne peut voir son bébé que quand sa mère l’emmène devant la grille ; c’est Raoul, joli cœur mal à l’aise avec les mots (deux belles scènes de déclaration quasi muettes) dont l’engagement prend forme ; c’est l’instituteur qui donne des cours d’alphabétisation parce que seuls ceux qui savent lire peuvent voter ; c’est un jeune militaire amoureux contraint de tirer sur les ouvriers. Eux, et d’autres, à peine esquissés, mais présents en quelques images ; car c’est le grand talent de Monicelli que de donner vie à une aussi grand nombre de personnages : sa caméra les traque dans des travellings soignés pour mieux donner à voir leur profonde humanité.
Le décor est planté des les premières minutes : le froid, l’humidité, la glace cassée pour se laver. Un peu plus tard ce sera les rues boueuses, la fumée ou le brouillard, à quoi s’ajoutent des résidus de neige. Partout les murs lépreux et les flaques. Si le film oppose le restaurant luxueux au reste de la ville, c’est par contraste, pour bien indiquer que les exploiteurs existent ailleurs, dans un monde qui profite.
Et puis il y a le « professeur », interprété par le nerveux et toujours brillant Marcello Mastroianni, le meneur qui peut retourner un auditoire par son discours enfiévré. Toujours en fuite (sa première apparition est une escapade d’un train), persécuté, il semble au départ simple manipulateur, indifférent aux gens qu’il pousse à la grève. Mais Monicelli lui accorde une épaisseur lors d’un monologue où il avoue sa solitude et il fait de lui un être torturé, en permanence aux aguets. S’il profite des autres, il sait par quelques mots donner à la prostituée une dignité nouvelle. C’est donc un portrait nuancé, plus complexe qu’il n’y paraît. On peut d’ailleurs considérer qu’il échoue, puisqu’il finit en prison et que la grève cesse. Mais la fin est plus ambivalente : le professeur éliminé, c’est Omero qui prend sa place, embarquant en cachette dans un train. En revanche, il ne fait pas de doute que la noirceur générale l’emporte : le frère arrête ses études, et les grilles se ferment au tout dernier plan.
Monicelli n’est pas un lyrique ; son film ne ressemble pas non plus à un tract habité par des personnages abstraits. Au contraire, il mêle les tons, passant sans transition du cocasse au dramatique (voir la bagarre burlesque qui se conclut par l’écrasement de Pautasso). De même son souci extrême du détail (le couteau qui ne s’ouvre pas, la chaussette trouée qui laisse passer l’œuf) donne-t-il l’impression que la vie ne cesse de s’infiltrer dans le récit. Et s’il se permet des travellings élégants (l’ascension d’Adèle, la marée de mains levées), c’est la plupart du temps une mise en scène discrète mais attentive qui fait des Camarades une œuvre constamment touchante et captivante, parsemée de belles idées, de beaux gestes (Omero qui mouche son frère). Bref, une réussite à voir et à revoir inlassablement.

François Bonini (avoiralire.com)

Ciné classique
dimanche 17 février 2019 à 17h45

présenté par Jean Pierre Bleys, spécialiste en histoire du cinéma


LES CAMARADES

de Mario Monicelli

avec Marcello Mastroianni, Renato Salvatori, Bernard Blier
ITALIE - FRANCE - 1963 - 2h10 - VOST

A la fin du XIXème siècle, dans une fabrique textile de Turin, les ouvriers, soumis à un rythme de travail infernal, voient se multiplier les accidents. Trois d’entre eux entrent en conflit avec le contremaître à la suite d’un nouveau drame. Il est alors décidé, en guise de protestation, que tous partiront une heure plus tôt ce soir-là. Mais cette action n’est pas du goût des patrons, qui profitent de l’inexpérience de ces hommes simples pour les berner. Les sanctions tombent. L’instituteur Sinigaglia, un militant socialiste, fraîchement débarqué de Gênes, pousse les ouvriers à s’organiser…
https://www.acaciasfilms.com/film/les-camarades/

A PROPOS

Dans la riche carrière de Monicelli, pour l’essentiel consacrée à la comédie, Les camarades brille d’un éclat particulier, par son engagement politique, le film décrivant une longue grève dans une usine à la fin de dix-neuvième siècle. Tiré d’un fait authentique, il ne se borne pourtant ni au misérabilisme ni au pamphlet. Certes, le portrait des patrons est chargé : manipulateurs, insensibles, sournois, avides, ils font patienter les ouvriers une heure avant de les recevoir et les méprisent avec un paternalisme écœurant. Ainsi de cette scène où Martinetti (Bernard Blier) est invité à réparer un poêle à seule fin de lui tirer les vers du nez et de le faire céder. Quant au grand chef, vieillard handicapé, il fait preuve d’un auoritarisme permanent, même avec des riches insouciants qui jouent à colin-maillard.
Mais à vrai dire ce n’est pas ce qui intéresse Monicelli. Il préfère s’attacher aux petites gens sur qui il porte un regard attendri, malgré leurs défauts et leurs failles. C’est le jeune Omero, idéaliste au destin tragique, qui moleste son frère pour qu’il poursuive ses études ; c’est Pautasso, colosse généreux qui ne peut voir son bébé que quand sa mère l’emmène devant la grille ; c’est Raoul, joli cœur mal à l’aise avec les mots (deux belles scènes de déclaration quasi muettes) dont l’engagement prend forme ; c’est l’instituteur qui donne des cours d’alphabétisation parce que seuls ceux qui savent lire peuvent voter ; c’est un jeune militaire amoureux contraint de tirer sur les ouvriers. Eux, et d’autres, à peine esquissés, mais présents en quelques images ; car c’est le grand talent de Monicelli que de donner vie à une aussi grand nombre de personnages : sa caméra les traque dans des travellings soignés pour mieux donner à voir leur profonde humanité.
Le décor est planté des les premières minutes : le froid, l’humidité, la glace cassée pour se laver. Un peu plus tard ce sera les rues boueuses, la fumée ou le brouillard, à quoi s’ajoutent des résidus de neige. Partout les murs lépreux et les flaques. Si le film oppose le restaurant luxueux au reste de la ville, c’est par contraste, pour bien indiquer que les exploiteurs existent ailleurs, dans un monde qui profite.
Et puis il y a le « professeur », interprété par le nerveux et toujours brillant Marcello Mastroianni, le meneur qui peut retourner un auditoire par son discours enfiévré. Toujours en fuite (sa première apparition est une escapade d’un train), persécuté, il semble au départ simple manipulateur, indifférent aux gens qu’il pousse à la grève. Mais Monicelli lui accorde une épaisseur lors d’un monologue où il avoue sa solitude et il fait de lui un être torturé, en permanence aux aguets. S’il profite des autres, il sait par quelques mots donner à la prostituée une dignité nouvelle. C’est donc un portrait nuancé, plus complexe qu’il n’y paraît. On peut d’ailleurs considérer qu’il échoue, puisqu’il finit en prison et que la grève cesse. Mais la fin est plus ambivalente : le professeur éliminé, c’est Omero qui prend sa place, embarquant en cachette dans un train. En revanche, il ne fait pas de doute que la noirceur générale l’emporte : le frère arrête ses études, et les grilles se ferment au tout dernier plan.
Monicelli n’est pas un lyrique ; son film ne ressemble pas non plus à un tract habité par des personnages abstraits. Au contraire, il mêle les tons, passant sans transition du cocasse au dramatique (voir la bagarre burlesque qui se conclut par l’écrasement de Pautasso). De même son souci extrême du détail (le couteau qui ne s’ouvre pas, la chaussette trouée qui laisse passer l’œuf) donne-t-il l’impression que la vie ne cesse de s’infiltrer dans le récit. Et s’il se permet des travellings élégants (l’ascension d’Adèle, la marée de mains levées), c’est la plupart du temps une mise en scène discrète mais attentive qui fait des Camarades une œuvre constamment touchante et captivante, parsemée de belles idées, de beaux gestes (Omero qui mouche son frère). Bref, une réussite à voir et à revoir inlassablement.

François Bonini (avoiralire.com)