ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

LES ANNEES DE PLOMB - Margarethe Von Trotta

A PROPOS

Quelques mouvements marquants de l'Allemagne de l'après-guerre, comme la découverte des camps d'extermination et la présentation de ce fait aux générations futures, ainsi que le militantisme féministe et l'action terroriste, forment seulement la toile de fond de ce drame familial intense. La relation entre les deux soeurs, égales dans leurs convictions et leur engagement, mais profondément opposées sur la marche à suivre pour parvenir à plus de justice sociale, en est le fil rouge tendu et malmené. Ce sont néanmoins les divergences qui font la force de leur attachement de soeur, de cette solidarité désespérée face à un monde qu'elles ne peuvent pas changer, qui les consumera toutes les deux.
La narration astucieuse de Margarethe von Trotta, qui dévoile de plus en plus de la jeunesse de ses personnages, au fur et à mesure que leurs rencontres à la prison donnent un sens illusoire à leur existence, accroît progressivement la tension. A partir de moments relativement anodins, qui en disent pourtant long sur l'état d'esprit de Juliane et de Marianne, elle nous fait rentrer dans la névrose de la première et le fanatisme aveugle de la deuxième. Le ton qu'elle adopte pour rendre compte d'une réaction de rejet de la génération paternelle et de l'impossibilité d'exprimer cette opposition d'une façon efficace, ce ton reste remarquablement lucide, pour une oeuvre qui aurait très bien pu sombrer dans le féminisme réducteur ou l'activisme radical sans fondement.
Plutôt que d'une leçon de contestation réussie, il s'agit ici d'une leçon de vie pleine de sagesse et de vestiges salutaires d'une jeunesse idéaliste. L'obsession pour le sort de sa soeur, à laquelle Juliane succombe de plus en plus, lui voile les yeux sur ce qui est toujours plus important dans la vie : les gens qui sont présents et vivants et qui ont plus besoin de nous que la préservation ou la rectification d'une mémoire. Arrivée à la fin du film, qui rappelle magistralement son début, Juliane ne s'est peut-être pas encore entièrement rendu compte de cette nécessité vitale, puisqu'elle tente une fois de plus le grand écart impossible, entre la correction bienveillante de son neveu traumatisé et la défense du souvenir de sa soeur, qui lui est finalement propre et exclusivement personnel. Grâce à la subtilité de la mise en scène, cette contradiction permanente devient pourtant claire et émotionnellement déchirante.
Enfin, Les Années de plomb, récompensé à l'époque par le Lion d'or de Venise, est un formidable tour de force d'actrice. Et Jutta Lampe et Barbara Sukowa excellent pour dresser un portrait au féminin de l'Allemagne, qui remplace la simplicité idéologique par une rage de la contestation existentielle, qui ne s'avère finalement pas plus satisfaisante pour les personnages
mulderville.net

Ciné classique
dimanche 2 avril 2023 à 17h45

présenté par Andrea Brünig, Maîtresse de conférences au département d'Etudes germaniques à l'Université d'Angers

Séance organisée en collaboration avec l'Université d'Angers et Cinéma Parlant dans le cadre de la semaine de cinéma de langue allemande


LES ANNEES DE PLOMB

de Margarethe Von Trotta

avec Barbara Sukowa, Luc Bondy, Doris Schade
ALLEMAGNE - 1981 - 1h46 - Version originale sous titrée - Lion d'or Venise 1981 - Réédition - Version restaurée 4K

Elles ont été élevées dans l’Allemagne de l’immédiat après-guerre. Juliane la révoltée est devenue journaliste. Sa sœur Marianne, jadis la plus soumise, s'est engagée dans la lutte armée…
http://www.splendor-films.com/items/item/733

A PROPOS

Quelques mouvements marquants de l'Allemagne de l'après-guerre, comme la découverte des camps d'extermination et la présentation de ce fait aux générations futures, ainsi que le militantisme féministe et l'action terroriste, forment seulement la toile de fond de ce drame familial intense. La relation entre les deux soeurs, égales dans leurs convictions et leur engagement, mais profondément opposées sur la marche à suivre pour parvenir à plus de justice sociale, en est le fil rouge tendu et malmené. Ce sont néanmoins les divergences qui font la force de leur attachement de soeur, de cette solidarité désespérée face à un monde qu'elles ne peuvent pas changer, qui les consumera toutes les deux.
La narration astucieuse de Margarethe von Trotta, qui dévoile de plus en plus de la jeunesse de ses personnages, au fur et à mesure que leurs rencontres à la prison donnent un sens illusoire à leur existence, accroît progressivement la tension. A partir de moments relativement anodins, qui en disent pourtant long sur l'état d'esprit de Juliane et de Marianne, elle nous fait rentrer dans la névrose de la première et le fanatisme aveugle de la deuxième. Le ton qu'elle adopte pour rendre compte d'une réaction de rejet de la génération paternelle et de l'impossibilité d'exprimer cette opposition d'une façon efficace, ce ton reste remarquablement lucide, pour une oeuvre qui aurait très bien pu sombrer dans le féminisme réducteur ou l'activisme radical sans fondement.
Plutôt que d'une leçon de contestation réussie, il s'agit ici d'une leçon de vie pleine de sagesse et de vestiges salutaires d'une jeunesse idéaliste. L'obsession pour le sort de sa soeur, à laquelle Juliane succombe de plus en plus, lui voile les yeux sur ce qui est toujours plus important dans la vie : les gens qui sont présents et vivants et qui ont plus besoin de nous que la préservation ou la rectification d'une mémoire. Arrivée à la fin du film, qui rappelle magistralement son début, Juliane ne s'est peut-être pas encore entièrement rendu compte de cette nécessité vitale, puisqu'elle tente une fois de plus le grand écart impossible, entre la correction bienveillante de son neveu traumatisé et la défense du souvenir de sa soeur, qui lui est finalement propre et exclusivement personnel. Grâce à la subtilité de la mise en scène, cette contradiction permanente devient pourtant claire et émotionnellement déchirante.
Enfin, Les Années de plomb, récompensé à l'époque par le Lion d'or de Venise, est un formidable tour de force d'actrice. Et Jutta Lampe et Barbara Sukowa excellent pour dresser un portrait au féminin de l'Allemagne, qui remplace la simplicité idéologique par une rage de la contestation existentielle, qui ne s'avère finalement pas plus satisfaisante pour les personnages
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