ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

A PROPOS
Quand j’ai revu la copie de LA MORT EN DIRECT magnifiquement restaurée par Orange sous la supervision de Pierre William Glenn, j’ai éprouvé un grand bonheur, ressenti une vraie fierté.
Le bonheur de redécouvrir le vrai film que j’avais tourné et qui, au fil des années, avait été mis à mal dès sa sortie où le distributeur, paniqué, avait retiré toutes les versions originales en anglais pensant que la VF serait plus commerciale. Le format Scope avait été refusé le plus souvent à la télé, les copies que j’avais fait tirer s’étaient abimées, les couleurs s’étaient affadies. Là, j’ai retrouvé, intacts, tous les parti pris de lumière, le lyrisme des paysages, des ciels d’Ecosse magnifiquement photographiés par Pierre William Glenn qui font partie de la dramaturgie, les quatre ou cinq nuances de vert dans le même plan. Et en opposition, la masse sombre, austère, belle de Glasgow, sublime ville, avec ses bâtiments construits par Charles Mackintosh et qui à l’époque était ravagée par le chômage, la misère. Ville idéale pour évoquer un monde qui se désagrège. Et puis c’était original de faire un film de SF dans des décors victoriens.
La fierté de constater que tout ce que disait le film restait d’actualité et tristement prémonitoire. Ce qui se voulait une fable futuriste à la Orwell était pratiquement devenue une œuvre néo réaliste. Je ne parle pas seulement du traitement des médias, de la télé réalité (notion qui n’existait pas à l’époque), de la dictature de ces images où « tout est important et rien ne compte » de l’invasion de la vie privée mais toutes les autres touches qui montrent les SDF parqués dans une église, chassés des centre ville, les professeurs remplacés par les ordinateurs, les livres écrits par les ordinateurs. Toute cette dramaturgie de l’inquiétude qui me valut les éloges chaleureux de Paul Virilio.
Fierté devant la musique splendide d’Antoine Duhamel, devant les décors de Tony Pratt qui fit ensuite Excalibur et Hope and Glory : le marché aux puces créé de toutes pièces avec le premier plan au streadycam dans un film français.
Fierté devant l’interprétation tout d’abord de nombreux acteurs écossais qui n’avaient fait que peu de cinéma. Robbie Coltrane qui fait le chauffeur de Romy tournait pour la première fois, est devenu une star en Angleterre. Et bien sûr de Thérèse Liotard, de Harry Dean Stanton que j’arrachais, avant Paris Texas, à ses rôles de Cow Boy et de bouseux (« Si je pouvais au moins une fois dans ma vie, pendant un quart d’heure, être aussi juste et organique que Harry Dean, j’aurai l’impression d’avoir réussi ma vie d’acteur », disait Jack Nicholson). De Harvey Keitel, fils spirituel de John Garfield, qui n’a pas son pareil pour exprimer l’immaturité, le charme enfantin, la culpabilité. Je dus me battre deux ans pour l’imposer. Max Von Sydow qui enracine émotionnellement toute la fin du film et me bouleverse chaque fois qu’il parle du vent dans la prairie et des lions qui se reposent. Et bien sur Romy, divine Romy, qui m’apprit tant de choses (notamment à ne pas couper trop vite à la fin d’un plan car elle me faisait généralement des cadeaux inouïs, et aussi comment se débarrasser d’un producteur). Romy qui me disait « c’est bien plus qu’un rôle », Romy qui aidait à porter les rails de travellings, qui invitait sans cesse l’équipe à diner tellement elle était joyeuse sur ce tournage, Romy qui m’envoyait des poèmes de Brecht, de Heine, m’écrivait des dizaines de lettres dont la première disait : « Je serai ta Katherine, sans apitoiement ». Rien à ajouter, elle cernait le personnage. Sinon que toutes les lettres étaient signées Katherine.
Bertrand Tavernier - Novembre 2012
Soirée rencontre
jeudi 30 mai
2013 à 20h15
suivi d'une rencontre avec Bertrand Tavernier
Soirée organisée en collaboration avec Cinéma Parlant et la librairie Contact
LA MORT EN DIRECT
de Bertrand Tavernier
avec Romy Schneider, Harvey Keitel, Harry Dean Stanton
FRANCE - GRANDE BRETAGNE - ALLEMAGNE - 1980 - 2h08 - Version originale sous titrée
C’est l’histoire d’un homme qui a une caméra greffée dans le cerveau et qui filme donc tout ce qu’il regarde. C’est l’histoire d’une femme, Katherine Mortenhoe, qui s’enfuit pour "mourir libre". Voulant échapper aux médias, en l’occurrence une émission de télévision, elle ne sait pas qu’elle est aidée dans sa fuite par celui-là même qui la filme.
http://www.tamasadiffusion.com/sitesofficiels/mortendirect/mortendirect-index.html
A PROPOS
Quand j’ai revu la copie de LA MORT EN DIRECT magnifiquement restaurée par Orange sous la supervision de Pierre William Glenn, j’ai éprouvé un grand bonheur, ressenti une vraie fierté.
Le bonheur de redécouvrir le vrai film que j’avais tourné et qui, au fil des années, avait été mis à mal dès sa sortie où le distributeur, paniqué, avait retiré toutes les versions originales en anglais pensant que la VF serait plus commerciale. Le format Scope avait été refusé le plus souvent à la télé, les copies que j’avais fait tirer s’étaient abimées, les couleurs s’étaient affadies. Là, j’ai retrouvé, intacts, tous les parti pris de lumière, le lyrisme des paysages, des ciels d’Ecosse magnifiquement photographiés par Pierre William Glenn qui font partie de la dramaturgie, les quatre ou cinq nuances de vert dans le même plan. Et en opposition, la masse sombre, austère, belle de Glasgow, sublime ville, avec ses bâtiments construits par Charles Mackintosh et qui à l’époque était ravagée par le chômage, la misère. Ville idéale pour évoquer un monde qui se désagrège. Et puis c’était original de faire un film de SF dans des décors victoriens.
La fierté de constater que tout ce que disait le film restait d’actualité et tristement prémonitoire. Ce qui se voulait une fable futuriste à la Orwell était pratiquement devenue une œuvre néo réaliste. Je ne parle pas seulement du traitement des médias, de la télé réalité (notion qui n’existait pas à l’époque), de la dictature de ces images où « tout est important et rien ne compte » de l’invasion de la vie privée mais toutes les autres touches qui montrent les SDF parqués dans une église, chassés des centre ville, les professeurs remplacés par les ordinateurs, les livres écrits par les ordinateurs. Toute cette dramaturgie de l’inquiétude qui me valut les éloges chaleureux de Paul Virilio.
Fierté devant la musique splendide d’Antoine Duhamel, devant les décors de Tony Pratt qui fit ensuite Excalibur et Hope and Glory : le marché aux puces créé de toutes pièces avec le premier plan au streadycam dans un film français.
Fierté devant l’interprétation tout d’abord de nombreux acteurs écossais qui n’avaient fait que peu de cinéma. Robbie Coltrane qui fait le chauffeur de Romy tournait pour la première fois, est devenu une star en Angleterre. Et bien sûr de Thérèse Liotard, de Harry Dean Stanton que j’arrachais, avant Paris Texas, à ses rôles de Cow Boy et de bouseux (« Si je pouvais au moins une fois dans ma vie, pendant un quart d’heure, être aussi juste et organique que Harry Dean, j’aurai l’impression d’avoir réussi ma vie d’acteur », disait Jack Nicholson). De Harvey Keitel, fils spirituel de John Garfield, qui n’a pas son pareil pour exprimer l’immaturité, le charme enfantin, la culpabilité. Je dus me battre deux ans pour l’imposer. Max Von Sydow qui enracine émotionnellement toute la fin du film et me bouleverse chaque fois qu’il parle du vent dans la prairie et des lions qui se reposent. Et bien sur Romy, divine Romy, qui m’apprit tant de choses (notamment à ne pas couper trop vite à la fin d’un plan car elle me faisait généralement des cadeaux inouïs, et aussi comment se débarrasser d’un producteur). Romy qui me disait « c’est bien plus qu’un rôle », Romy qui aidait à porter les rails de travellings, qui invitait sans cesse l’équipe à diner tellement elle était joyeuse sur ce tournage, Romy qui m’envoyait des poèmes de Brecht, de Heine, m’écrivait des dizaines de lettres dont la première disait : « Je serai ta Katherine, sans apitoiement ». Rien à ajouter, elle cernait le personnage. Sinon que toutes les lettres étaient signées Katherine.
Bertrand Tavernier - Novembre 2012