ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES
A PROPOS
En s’emparant de l’histoire vraie de Nevenka Fernández, qui gagna le premier procès pour harcèlement sexuel intenté contre un homme politique en Espagne, la réalisatrice Icíar Bollaín (« Ne dis rien », « Les Repentis ») livre une anatomie quasi chirurgicale de l’emprise morale et de ses mécanismes insidieux.
L’Affaire Nevenka brille d’abord par une forme d’anachronisme. Il raconte l’histoire vraie de Nevenka Fernández, élue à 25 ans conseillère municipale auprès du maire de Ponferrada, le charismatique et séducteur Ismael Álvarez. Après une brève relation, qu’on devine asymétrique et forcée, Nevenka rompt. C’est le début de son enfer : manipulation émotionnelle, rabaissement, agressions sexuelles. Nevenka finira par porter plainte, après avoir bravé le jugement de ses parents et l’opinion populaire acquise à Ismael, figure politique paternaliste au bras long.
L’affaire judiciaire date de 25 ans. À l’époque, elle a secoué l’Espagne, donné naissance à un documentaire - Nevenka Fernández brise le silence, dispo sur Netflix – et un livre, Une histoire de harcèlement : l'affaire Nevenka de Juan José Millás. Pourquoi en faire un film aujourd’hui ? Parce qu’il est vertigineux de s’apercevoir que la trajectoire de Nevenka est un cas d’école exemplaire en matière de harcèlement sexuel dans la sphère publique, des années avant que MeToo n’exhibe ces violences.
Avec patience, Icíar Bollaín, également actrice engagée vue chez Victor Erice (Le Sud) et Ken Loach (Land and Freedom) et cofondatrice de l'Association de Femmes cinéastes et des médias audiovisuels en Espagne, déplie des concepts aujourd’hui vulgarisés, mais inaudibles au début du siècle : l’oubli de soi, la dépersonnalisation, la dissociation, la coercition… Collée au visage lumineux puis défait de son héroïne, la caméra enregistre sa déchéance progressive, sa paralysie, jusqu’au sursaut de révolte.
Dans une escalade de violence, l’avocat général s’emporte au procès contre Nevenska, renversant la charge de la culpabilité (« Pourquoi n’avez-vous pas fui ? Pourquoi n’avez-vous pas résisté ? »). L’avocat de la jeune fille, qui a laissé se dérouler la vindicte sans objection, justifiera plus tard sa stratégie : « Nous venons là d’assister à la démonstration même de ce qu’est le harcèlement ». Le film entier, tendu et revêche, procède de cette mécanique de la démonstration.
Dans sa rhétorique, sa plaidoirie implacable contre l’abus de pouvoir, il ne cherche jamais l’amabilité, la complaisance, ni la nuance. C’est ce qui fait de cette Affaire Nebreska un objet légèrement désincarné, un film à thèse un peu trop scolaire. On y guette l’ombre d’une aspérité dans l’écriture, d’une rugosité dans la mise scène, qui aurait rendu son propos plus frappant. Mais la sobriété était sans doute le geste de cinéma le plus approprié pour rendre à cette héroïne exemplaire ce qu’on lui a volé, et qu’elle arrachera finalement aux mains de son agresseur : sa dignité.
Léa André-Sarreau (Trois couleurs)
Séance spéciale
mercredi 6 novembre
2024 à 20h45
Séance présentée par des membres du comité local de l'association NOUS TOUTES 49
Soirée organisée en collaboration avec l'Association NOUS TOUTES
L'AFFAIRE NEVENKA
de Icíar Bollaín
Avec Mireia Oriol, Urko Olazabal, Ricardo Gómez
ESPAGNE - 2024 - 1h57 - VOST
À la fin des années 90, Nevenka Fernández, est élue à 25 ans conseillère municipale auprès du maire de Ponferrada, le charismatique et populaire Ismael Alvarez. C'est le début d'une descente aux enfers pour Nevenka, manipulée et harcelée pendant des mois par le maire. Pour s'en sortir, elle décide de dénoncer ses agissements et lui intente un procès.
https://www.epicentrefilms.com/film/im-nevenka/
A PROPOS
En s’emparant de l’histoire vraie de Nevenka Fernández, qui gagna le premier procès pour harcèlement sexuel intenté contre un homme politique en Espagne, la réalisatrice Icíar Bollaín (« Ne dis rien », « Les Repentis ») livre une anatomie quasi chirurgicale de l’emprise morale et de ses mécanismes insidieux.
L’Affaire Nevenka brille d’abord par une forme d’anachronisme. Il raconte l’histoire vraie de Nevenka Fernández, élue à 25 ans conseillère municipale auprès du maire de Ponferrada, le charismatique et séducteur Ismael Álvarez. Après une brève relation, qu’on devine asymétrique et forcée, Nevenka rompt. C’est le début de son enfer : manipulation émotionnelle, rabaissement, agressions sexuelles. Nevenka finira par porter plainte, après avoir bravé le jugement de ses parents et l’opinion populaire acquise à Ismael, figure politique paternaliste au bras long.
L’affaire judiciaire date de 25 ans. À l’époque, elle a secoué l’Espagne, donné naissance à un documentaire - Nevenka Fernández brise le silence, dispo sur Netflix – et un livre, Une histoire de harcèlement : l'affaire Nevenka de Juan José Millás. Pourquoi en faire un film aujourd’hui ? Parce qu’il est vertigineux de s’apercevoir que la trajectoire de Nevenka est un cas d’école exemplaire en matière de harcèlement sexuel dans la sphère publique, des années avant que MeToo n’exhibe ces violences.
Avec patience, Icíar Bollaín, également actrice engagée vue chez Victor Erice (Le Sud) et Ken Loach (Land and Freedom) et cofondatrice de l'Association de Femmes cinéastes et des médias audiovisuels en Espagne, déplie des concepts aujourd’hui vulgarisés, mais inaudibles au début du siècle : l’oubli de soi, la dépersonnalisation, la dissociation, la coercition… Collée au visage lumineux puis défait de son héroïne, la caméra enregistre sa déchéance progressive, sa paralysie, jusqu’au sursaut de révolte.
Dans une escalade de violence, l’avocat général s’emporte au procès contre Nevenska, renversant la charge de la culpabilité (« Pourquoi n’avez-vous pas fui ? Pourquoi n’avez-vous pas résisté ? »). L’avocat de la jeune fille, qui a laissé se dérouler la vindicte sans objection, justifiera plus tard sa stratégie : « Nous venons là d’assister à la démonstration même de ce qu’est le harcèlement ». Le film entier, tendu et revêche, procède de cette mécanique de la démonstration.
Dans sa rhétorique, sa plaidoirie implacable contre l’abus de pouvoir, il ne cherche jamais l’amabilité, la complaisance, ni la nuance. C’est ce qui fait de cette Affaire Nebreska un objet légèrement désincarné, un film à thèse un peu trop scolaire. On y guette l’ombre d’une aspérité dans l’écriture, d’une rugosité dans la mise scène, qui aurait rendu son propos plus frappant. Mais la sobriété était sans doute le geste de cinéma le plus approprié pour rendre à cette héroïne exemplaire ce qu’on lui a volé, et qu’elle arrachera finalement aux mains de son agresseur : sa dignité.
Léa André-Sarreau (Trois couleurs)