ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

GUERRE ET PAIX - GUERRE ET PAIX - L' INTÉGRALE - 2024-05-12

GUERRE ET PAIX - L' INTÉGRALE - dimanche 12 mai à 10h45

GUERRE ET PAIX de Sergueï Bondartchouk

CASINO - Plans Cultes - 2024-05-14

Plans Cultes - mardi 14 mai à 20h00

CASINO de Martin Scorsese

LE DEUXIÈME ACTE - Avant-première - 2024-05-14

Avant-première - mardi 14 mai à 20h00

LE DEUXIÈME ACTE de Quentin Dupieux

LE DEUXIÈME ACTE - Ciné Cosy - 2024-05-17

Ciné Cosy - vendredi 17 mai à 13h15

LE DEUXIÈME ACTE de Quentin Dupieux

LES CHOSES HUMAINES - Soirée Rencontre - 2024-05-21

Soirée Rencontre - mardi 21 mai à 20h00

LES CHOSES HUMAINES de Yvan Attal

ANGERS, TEXAS : TEN YEARS AFTER - Festival Levitation - 2024-05-25

Festival Levitation - samedi 25 mai à 11h00

ANGERS, TEXAS : TEN YEARS AFTER de Antony Bou

NOS QUARTIERS ONT DE LA GUEULE ! - Ciné Doc - 2024-05-28

Ciné Doc - mardi 28 mai à 20h00

NOS QUARTIERS ONT DE LA GUEULE ! de Mohand Koroghli

LA MÈRE DE TOUS LES MENSONGES - Ciné Doc - 2024-05-28

Ciné Doc - mardi 28 mai à 20h00

LA MÈRE DE TOUS LES MENSONGES de Asmae El Moudir

POURQUOI TU SOURIS ? - Avant-Première / Rencontre - 2024-06-03

Avant-Première / Rencontre - lundi 03 juin à 20h00

POURQUOI TU SOURIS ? de Christine Paillard & Chad Chenouga

20 JOURS A MARIOUPOL - Ciné Doc - 2024-06-04

Ciné Doc - mardi 04 juin à 20h00

20 JOURS A MARIOUPOL de Mstyslav Tchernov

JE NE SUIS PAS MORTE - Jean-Charles Fitoussi

A PROPOS

En 2014, la Cinémathèque française a consacré une rétrospective au grand cinéaste français Jean-Charles Fitoussi, aussi rare que prolifique. Auteur à 42 ans d’une petite douzaine de films – allant du haïku au (très) long métrage, des splendeurs crépusculaires du 35 mm aux pixels amniotiques du téléphone portable – Fitoussi a fait parler de lui au début de la décennie 2000 avec Les Jours où je n’existe pas – le seul de ses films sorti “commercialement” – au moment où Serge Bozon, Alain Guiraudie, ou Jean-Paul Civeyrac débutaient eux aussi leur carrière.
Mais alors que ces derniers bénéficiaient d’une renommée croissante, Fitoussi disparut progressivement des radars, ne donnant des nouvelles qu’à travers les festivals, les prix (son dernier long métrage, L’Enclos du temps, a remporté le Jean Vigo 2013 toujours inédit en salles), et la sortie confidentielle de ses superbes Nocturnes pour le roi de Rome.
Le cycle rétrospectif de la Cinémathèque – honneur peu fréquent pour un cinéaste de cet âge – va permettre de vérifier qu’il est un des cinéastes français contemporains qui comptent. Et surtout de découvrir, enfin, l’éblouissant Je ne suis pas morte, lauréat du grand prix au festival de Belfort 2008 mais quasi invisible depuis. Il est ardu de le résumer, tant il compte d’errements et d’embranchements, de parenthèses à l’intérieur desquels se déploient d’autres parenthèses… Disons simplement qu’on y croise une jeune femme inapte aux sentiments (lumineuse Alix Derouin), son chaperon bougon (le très bon Laurent Talon, déjà croisé chez Serge Bozon et Pierre Léon), un mari maussade (Frédéric Bonpart, particulièrement émouvant) et mille autres personnages réunis autour de l’âme divagante d’une femme dans le coma – celle-là même qui n’est pas morte.
Est-ce un rêve ? Non, un film. Un film de 3h10, gigantesque coq-à-l’âne réalisé entre 2004 et 2008, au gré de la pellicule disponible, de l’agenda des techniciens et des acteurs (la plupart non-professionnels), des rencontres et des voyages – bref du hasard, la grande affaire de Fitoussi. Hasard et programmation, pour être tout à fait exact, car celui-ci fait partie, à l’instar de Rohmer (ou de Balzac, qu’il cite plus volontiers comme modèle), des grands ordonnateurs, de ces artistes qui conçoivent leur œuvre comme un vaste ensemble dont chaque pièce communique. La sienne s’appelle Château de hasard, et Je ne suis pas morte pourrait en être la grande salle de bal, celle où les convives se croisent, se frôlent et s’entrechoquent dans un chaos organisé.
Faire communiquer ce qui est, et ce qui n’est pas
Dans ce bal, comme dans celui de La règle du jeu de Renoir, actuel et virtuel dansent ensemble, réunis par la grâce absolue de la mise en scène. L’ambition de Fitoussi est ainsi la plus belle qui soit, la plus essentiellement cinématographique : faire communiquer ce qui est, et ce qui n’est pas. Il n’y a là pas de mort ni de vivant, pas de rêve ni d’éveil, pas de réel ni d’imaginaire: tout est ramené au même plan. Ce qui est filmé est, et cela suffit.
Tout ceci pourrait être vaguement ennuyeux, théorique, pompeux : c’est au contraire le film le plus lumineux, le plus surprenant, le plus drôle qu’on puisse imaginer, même dans ses circonvolutions littéraires. Si vous n’êtes pas morts, foncez le voir.
Jacky Goldberg (Les Inrocks)

(...) La durée du film (3h10), si elle peut effrayer au début finit par se justifier pleinement et par éviter toute baisse de régime : il n'y a aucun moment où il faut particulièrement s'accrocher, on reste suspendu au film, à sa vigueur. C'est un film aimable, solaire et généreux.
(...)
La plus belle scène du film est celle du concert dans la petite chapelle, un je ne sais quoi qui tient au rythme, aux mouvements de caméra, à la durée du plan final sur le petit enfant qui a quelque chose d'un doux tremblement, d'une palpitation, comme si nous étions à l'écoute d'un pouls : c'est le tremblé des photos de famille où l'enfant gigote, n'arrive pas à se tenir tranquille et dans un même mouvement, se livre totalement. Il y a quelque chose dans cette scène qui tient quasiment de l'acupuncture tant elle secoue, fait frémir, s'intensifie mais on ne saurait dire par où et comment, on ressent simplement une sorte de dilatation progressive du sentiment, jusqu'à ce qu'il approche quelque chose d'océanique, un état liquide - la nécessité d'évacuer par les larmes.
(...)
Chez Terence Malick  comme chez Fitoussi c'est le même spiritualisme, la même transcendance affirmée par la lumière, cette lumière qui semble se matérialiser, à qui l'on désire dessiner un corps en jouant avec elle - les plans "brûlés" ou disons plutôt les coups de soleil de Je ne suis pas morte : c'est la lumière qui travaille le plan, pas l'inverse. Il y a chez Malick et Fitoussi, la même nostalgie des vivants portée par la voix off : l'oeil et la voix, comme si c'était ce qui pouvait rester de nous par-delà la mort. Si Fitoussi est une sorte de Malick français il faut comprendre tout ce qu'implique le fait d'être français : une limite dans les moyens, une rudesse, obligeant Fitoussi à filmer la transcendance avec les moyens d'un arte povera. Si le film plane il le fait ainsi à partir d'un prosaïsme très sec, bressonien qui, comme dit plus haut, lui sert finalement de tremplin, lui permet d'aller encore plus haut, plus loin. C'est l'univers dans le bol de café - choses précieuses et qui sont pour moi intimement liées au cinéma français ou alors au cinéma russe - d'ailleurs chez Fitoussi, Tarkovski n'est pas loin.
Muriel Joudet (Chronicart)

A ce terreau dans lequel fleurit le cinéma d'Eugène Green ou de Serge Bozon, appartiennent aussi quatre autres réalisateurs dont les films, présentés hors compétition, ont fait passer un souffle d'une belle vigueur sur Locarno.
Jean-Charles Fitoussi, 37 ans, est sans doute le plus excentrique et radical de tous. Auteur d'un remarquable premier long métrage (Les jours où je n'existe pas, 2002), ce séditieux érudit refuse obstinément de travailler à partir d'un scénario, ce qui équivaut aujourd'hui pour un cinéaste à se tirer directement une balle dans la tête. Mis en chantier depuis quatre ans, autoproduit et rejoint in extremis par une jeune société de production, Ecce Films, qui a permis le tirage d'une copie, Je ne suis pas morte est à donc à prendre, au genre près, au pied de la lettre.
Non seulement Fitoussi n'est pas mort, mais il renaît avec ce film gracieux et pétillant d'esprit dans une forme extravagante. La chose qui dispense une si grande joie est à peu près irracontable. On y croise Chantal, une femme dans le coma dont l'esprit vagabonde et nous parle, Alix, ingénue nymphomane créée ex nihilo à l'âge de 27 ans par le démiurge William Stein qui l'a privée de la possibilité d'aimer, Frédéric, inconsolable de sa rupture avec sa femme, et puis encore quelques émouvants fantômes, du Belmondo de chez Godard ou du Léaud de chez Truffaut.
Entre une sonate de Mozart et une chanson de Polnareff, entre la ville et la campagne, entre le présent et l'éternité, Je ne suis pas morte nous parle avec légèreté et élégance de choses graves, comme la solitude, l'abandon, le désamour, la quête désaccordée entre le temps du désir et celui de son accomplissement. C'est une précaire girandole qui fait danser ses personnages au-dessus du gouffre, et qui affirme la primauté de l'art et de l'esprit par la beauté et l'intensité de la présence des choses au monde.
Jacques Mandelbaum (Le Monde)

Soirée rencontre
jeudi 19 janvier 2017 à 18h30

en présence de Jean-Charles Fitoussi, réalisateur

Soirée organisée à l'occasion des 15 ans de l'association Foi et Culture


JE NE SUIS PAS MORTE

de Jean-Charles Fitoussi

avec Frédéric Bonpart, Alexis Loret, Alix Derouin
FRANCE - 2008 - 3h10

Alix, créée par le grand William Stein, entre dans l'existence à vingt-sept ans et part en quête de la seule chose qu'elle est sensée ne jamais pouvoir éprouver : le (fichu) sentiment amoureux. Passant de garçons en garçons, elle finit par tomber sur Raphaël, petit maquereau oeuvrant à Rome et Saint-Ouen, qui lui promet bien mieux que l'amour. Quant à ce qui l'attend auprès de Frédéric, à peine remis de sa séparation d'avec sa femme, et surtout d'Hélène, jeune fille prenant soin de sa mère dans le coma, mieux vaut n'en rien dire ici. 

A PROPOS

En 2014, la Cinémathèque française a consacré une rétrospective au grand cinéaste français Jean-Charles Fitoussi, aussi rare que prolifique. Auteur à 42 ans d’une petite douzaine de films – allant du haïku au (très) long métrage, des splendeurs crépusculaires du 35 mm aux pixels amniotiques du téléphone portable – Fitoussi a fait parler de lui au début de la décennie 2000 avec Les Jours où je n’existe pas – le seul de ses films sorti “commercialement” – au moment où Serge Bozon, Alain Guiraudie, ou Jean-Paul Civeyrac débutaient eux aussi leur carrière.
Mais alors que ces derniers bénéficiaient d’une renommée croissante, Fitoussi disparut progressivement des radars, ne donnant des nouvelles qu’à travers les festivals, les prix (son dernier long métrage, L’Enclos du temps, a remporté le Jean Vigo 2013 toujours inédit en salles), et la sortie confidentielle de ses superbes Nocturnes pour le roi de Rome.
Le cycle rétrospectif de la Cinémathèque – honneur peu fréquent pour un cinéaste de cet âge – va permettre de vérifier qu’il est un des cinéastes français contemporains qui comptent. Et surtout de découvrir, enfin, l’éblouissant Je ne suis pas morte, lauréat du grand prix au festival de Belfort 2008 mais quasi invisible depuis. Il est ardu de le résumer, tant il compte d’errements et d’embranchements, de parenthèses à l’intérieur desquels se déploient d’autres parenthèses… Disons simplement qu’on y croise une jeune femme inapte aux sentiments (lumineuse Alix Derouin), son chaperon bougon (le très bon Laurent Talon, déjà croisé chez Serge Bozon et Pierre Léon), un mari maussade (Frédéric Bonpart, particulièrement émouvant) et mille autres personnages réunis autour de l’âme divagante d’une femme dans le coma – celle-là même qui n’est pas morte.
Est-ce un rêve ? Non, un film. Un film de 3h10, gigantesque coq-à-l’âne réalisé entre 2004 et 2008, au gré de la pellicule disponible, de l’agenda des techniciens et des acteurs (la plupart non-professionnels), des rencontres et des voyages – bref du hasard, la grande affaire de Fitoussi. Hasard et programmation, pour être tout à fait exact, car celui-ci fait partie, à l’instar de Rohmer (ou de Balzac, qu’il cite plus volontiers comme modèle), des grands ordonnateurs, de ces artistes qui conçoivent leur œuvre comme un vaste ensemble dont chaque pièce communique. La sienne s’appelle Château de hasard, et Je ne suis pas morte pourrait en être la grande salle de bal, celle où les convives se croisent, se frôlent et s’entrechoquent dans un chaos organisé.
Faire communiquer ce qui est, et ce qui n’est pas
Dans ce bal, comme dans celui de La règle du jeu de Renoir, actuel et virtuel dansent ensemble, réunis par la grâce absolue de la mise en scène. L’ambition de Fitoussi est ainsi la plus belle qui soit, la plus essentiellement cinématographique : faire communiquer ce qui est, et ce qui n’est pas. Il n’y a là pas de mort ni de vivant, pas de rêve ni d’éveil, pas de réel ni d’imaginaire: tout est ramené au même plan. Ce qui est filmé est, et cela suffit.
Tout ceci pourrait être vaguement ennuyeux, théorique, pompeux : c’est au contraire le film le plus lumineux, le plus surprenant, le plus drôle qu’on puisse imaginer, même dans ses circonvolutions littéraires. Si vous n’êtes pas morts, foncez le voir.
Jacky Goldberg (Les Inrocks)

(...) La durée du film (3h10), si elle peut effrayer au début finit par se justifier pleinement et par éviter toute baisse de régime : il n'y a aucun moment où il faut particulièrement s'accrocher, on reste suspendu au film, à sa vigueur. C'est un film aimable, solaire et généreux.
(...)
La plus belle scène du film est celle du concert dans la petite chapelle, un je ne sais quoi qui tient au rythme, aux mouvements de caméra, à la durée du plan final sur le petit enfant qui a quelque chose d'un doux tremblement, d'une palpitation, comme si nous étions à l'écoute d'un pouls : c'est le tremblé des photos de famille où l'enfant gigote, n'arrive pas à se tenir tranquille et dans un même mouvement, se livre totalement. Il y a quelque chose dans cette scène qui tient quasiment de l'acupuncture tant elle secoue, fait frémir, s'intensifie mais on ne saurait dire par où et comment, on ressent simplement une sorte de dilatation progressive du sentiment, jusqu'à ce qu'il approche quelque chose d'océanique, un état liquide - la nécessité d'évacuer par les larmes.
(...)
Chez Terence Malick  comme chez Fitoussi c'est le même spiritualisme, la même transcendance affirmée par la lumière, cette lumière qui semble se matérialiser, à qui l'on désire dessiner un corps en jouant avec elle - les plans "brûlés" ou disons plutôt les coups de soleil de Je ne suis pas morte : c'est la lumière qui travaille le plan, pas l'inverse. Il y a chez Malick et Fitoussi, la même nostalgie des vivants portée par la voix off : l'oeil et la voix, comme si c'était ce qui pouvait rester de nous par-delà la mort. Si Fitoussi est une sorte de Malick français il faut comprendre tout ce qu'implique le fait d'être français : une limite dans les moyens, une rudesse, obligeant Fitoussi à filmer la transcendance avec les moyens d'un arte povera. Si le film plane il le fait ainsi à partir d'un prosaïsme très sec, bressonien qui, comme dit plus haut, lui sert finalement de tremplin, lui permet d'aller encore plus haut, plus loin. C'est l'univers dans le bol de café - choses précieuses et qui sont pour moi intimement liées au cinéma français ou alors au cinéma russe - d'ailleurs chez Fitoussi, Tarkovski n'est pas loin.
Muriel Joudet (Chronicart)

A ce terreau dans lequel fleurit le cinéma d'Eugène Green ou de Serge Bozon, appartiennent aussi quatre autres réalisateurs dont les films, présentés hors compétition, ont fait passer un souffle d'une belle vigueur sur Locarno.
Jean-Charles Fitoussi, 37 ans, est sans doute le plus excentrique et radical de tous. Auteur d'un remarquable premier long métrage (Les jours où je n'existe pas, 2002), ce séditieux érudit refuse obstinément de travailler à partir d'un scénario, ce qui équivaut aujourd'hui pour un cinéaste à se tirer directement une balle dans la tête. Mis en chantier depuis quatre ans, autoproduit et rejoint in extremis par une jeune société de production, Ecce Films, qui a permis le tirage d'une copie, Je ne suis pas morte est à donc à prendre, au genre près, au pied de la lettre.
Non seulement Fitoussi n'est pas mort, mais il renaît avec ce film gracieux et pétillant d'esprit dans une forme extravagante. La chose qui dispense une si grande joie est à peu près irracontable. On y croise Chantal, une femme dans le coma dont l'esprit vagabonde et nous parle, Alix, ingénue nymphomane créée ex nihilo à l'âge de 27 ans par le démiurge William Stein qui l'a privée de la possibilité d'aimer, Frédéric, inconsolable de sa rupture avec sa femme, et puis encore quelques émouvants fantômes, du Belmondo de chez Godard ou du Léaud de chez Truffaut.
Entre une sonate de Mozart et une chanson de Polnareff, entre la ville et la campagne, entre le présent et l'éternité, Je ne suis pas morte nous parle avec légèreté et élégance de choses graves, comme la solitude, l'abandon, le désamour, la quête désaccordée entre le temps du désir et celui de son accomplissement. C'est une précaire girandole qui fait danser ses personnages au-dessus du gouffre, et qui affirme la primauté de l'art et de l'esprit par la beauté et l'intensité de la présence des choses au monde.
Jacques Mandelbaum (Le Monde)