LE PROFESSEUR - Valerio Zurlini

A PROPOS

3 bonnes raisons de (re)voir “Le Professeur”, chef-d’œuvre oublié avec Alain Delon
 
Dans ce film de Valerio Zurlini, Delon, ténébreux inconsolable, erre dans une Rimini froide et déserte. 
 
Tout juste dévoilée au festival de Cannes, la version longue du Professeur, dite aussi version italienne, n’était jamais sortie en France, où ce film de 1972 fit l’objet de coupes, demandées par l’acteur principal et coproducteur, Alain Delon, qui voulut aussi changer le titre original, très beau et emprunté à Goethe : La Première Nuit de quiétude. Celle où, enfin, on ne rêve plus, celle de la mort… Entre la star française et le réalisateur Valerio Zurlini, la mésentente fut cordiale. Ces deux grands ne perdirent pourtant rien de leur talent dans l’affrontement.
 
-Pour Alain Delon
Il a alors 37 ans et brille de mille feux : il est ce séducteur dont l’image, aujourd’hui, continue à faire vendre (dans les publicités pour un certain parfum) ; il est la légende qu’il deviendra. Mais le film de Zurlini ne lui offre pas un personnage resplendissant : Daniele Dominici est un professeur morose, surgi d’on ne sait quelle autre vie et déjà revenu de tout. Un pauvre hère qui ne quitte pas son manteau en poil de chameau et son col roulé vert. Et qui va concevoir pour une de ses élèves un amour beau et douloureux, tout en vivant dans l’amertume avec une femme qu’il n’arrive pas à quitter. A ce perdant, joueur de poker rarement chanceux, Delon offre une dimension magnifique : en interprétant le mendiant comme un prince, il raconte un homme appartenant à un autre monde, fascinant ceux qu’il rencontre par ses secrets, ses silences et sa force mystérieuse qu’il semble puiser dans le désespoir. Aujourd’hui réconcilié avec le film, l’acteur l’a présenté à Cannes, où il a reçu une palme d’honneur. Il sait que Le Professeur reste un des plus beaux témoignages de ce qu’il apporta au cinéma : un magnétisme froid, souvent poignant, une présence d’une intensité à couper le souffle.
 
-Pour la mélancolie de Rimini
Comme Fellini, qui y était né en 1920, Zurlini aime cette ville de la côte Adriatique lorsque le soleil n’y brille pas et que le désœuvrement y devient une belle tentation… De cette ambiance hors saison, Le Professeur fait des merveilles. La dérive des personnages s’y annonce avec un voilier anglais égaré, avec le brouillard, les maisons vides, les dancings tristes. Visuellement, le film est un superbe poème.
 
-Pour l’amour de l’art
Au cœur d’une histoire qui semble, comme le manteau de Delon, toujours prête à partir en lambeaux, Zurlini allume les feux de la beauté qui sauve : non pas celle de l’élève dont tombe amoureux le professeur, mais la beauté de son prénom, Vanina, qui évoque un roman de Stendhal. La peinture est là aussi, célébrée par une séquence tournée à Monterchi, dans l’église où Piero della Francesca peignit la Madonna del Parto. Face à un monde de plaisirs rustres, de brutalité charnelle, le professeur Dominici trouve un possible espoir dans l’art, les livres, la création qui élève. Pour Zurlini, le cinéma est également en jeu. Dans ce film d’une sombre délicatesse, il fait du septième art la clé d’une pureté perdue. Belle comme le « je t’aime » que murmure Delon sur le quai de la gare de Rimini. 
 
Frédéric Strauss (Télérama)

Ciné classique
dimanche 10 novembre 2019 à 17h45

présenté par Jean Pierre Bleys, spécialiste en histoire du cinéma

Places en vente à partir du 1er novembre

Soirée organisée en collaboration avec Cinéma Parlant dans le cadre de la semaine de cinéma de langue italienne


LE PROFESSEUR

de Valerio Zurlini

avec Alain Delon, Sonia Petrova, Alida Valli
ITALIE - 1972 - 2h07 - Réédition - Version intégrale restaurée 4K

Daniele, un professeur de littérature remplaçant est nommé pour quelques mois dans un lycée de Rimini. Passionné de lettres mais peu soucieux des convenances de sa profession, il s'adonne à sa tâche sans grand entrain. Il remarque vite Vanina, l'une de ses élèves, aussi fragile qu'attirante, et décèle en elle une blessure secrète. Intrigué et séduit par la jeune femme, Daniele délaisse sa femme Monica, se précipitant sans le savoir vers un destin tragique...
https://lesfilmsducamelia.com/leprofesseur/

A PROPOS

3 bonnes raisons de (re)voir “Le Professeur”, chef-d’œuvre oublié avec Alain Delon
 
Dans ce film de Valerio Zurlini, Delon, ténébreux inconsolable, erre dans une Rimini froide et déserte. 
 
Tout juste dévoilée au festival de Cannes, la version longue du Professeur, dite aussi version italienne, n’était jamais sortie en France, où ce film de 1972 fit l’objet de coupes, demandées par l’acteur principal et coproducteur, Alain Delon, qui voulut aussi changer le titre original, très beau et emprunté à Goethe : La Première Nuit de quiétude. Celle où, enfin, on ne rêve plus, celle de la mort… Entre la star française et le réalisateur Valerio Zurlini, la mésentente fut cordiale. Ces deux grands ne perdirent pourtant rien de leur talent dans l’affrontement.
 
-Pour Alain Delon
Il a alors 37 ans et brille de mille feux : il est ce séducteur dont l’image, aujourd’hui, continue à faire vendre (dans les publicités pour un certain parfum) ; il est la légende qu’il deviendra. Mais le film de Zurlini ne lui offre pas un personnage resplendissant : Daniele Dominici est un professeur morose, surgi d’on ne sait quelle autre vie et déjà revenu de tout. Un pauvre hère qui ne quitte pas son manteau en poil de chameau et son col roulé vert. Et qui va concevoir pour une de ses élèves un amour beau et douloureux, tout en vivant dans l’amertume avec une femme qu’il n’arrive pas à quitter. A ce perdant, joueur de poker rarement chanceux, Delon offre une dimension magnifique : en interprétant le mendiant comme un prince, il raconte un homme appartenant à un autre monde, fascinant ceux qu’il rencontre par ses secrets, ses silences et sa force mystérieuse qu’il semble puiser dans le désespoir. Aujourd’hui réconcilié avec le film, l’acteur l’a présenté à Cannes, où il a reçu une palme d’honneur. Il sait que Le Professeur reste un des plus beaux témoignages de ce qu’il apporta au cinéma : un magnétisme froid, souvent poignant, une présence d’une intensité à couper le souffle.
 
-Pour la mélancolie de Rimini
Comme Fellini, qui y était né en 1920, Zurlini aime cette ville de la côte Adriatique lorsque le soleil n’y brille pas et que le désœuvrement y devient une belle tentation… De cette ambiance hors saison, Le Professeur fait des merveilles. La dérive des personnages s’y annonce avec un voilier anglais égaré, avec le brouillard, les maisons vides, les dancings tristes. Visuellement, le film est un superbe poème.
 
-Pour l’amour de l’art
Au cœur d’une histoire qui semble, comme le manteau de Delon, toujours prête à partir en lambeaux, Zurlini allume les feux de la beauté qui sauve : non pas celle de l’élève dont tombe amoureux le professeur, mais la beauté de son prénom, Vanina, qui évoque un roman de Stendhal. La peinture est là aussi, célébrée par une séquence tournée à Monterchi, dans l’église où Piero della Francesca peignit la Madonna del Parto. Face à un monde de plaisirs rustres, de brutalité charnelle, le professeur Dominici trouve un possible espoir dans l’art, les livres, la création qui élève. Pour Zurlini, le cinéma est également en jeu. Dans ce film d’une sombre délicatesse, il fait du septième art la clé d’une pureté perdue. Belle comme le « je t’aime » que murmure Delon sur le quai de la gare de Rimini. 
 
Frédéric Strauss (Télérama)