ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

CHAÎNES CONJUGALES -  Joseph L. Mankiewicz

A PROPOS

Ce film a reçu en 1950 l’oscar du meilleur scénario et du meilleur réalisateur. Il a été une des sources d’inspiration de la série Desperate housewives qui en a repris certaines idées (les caractères des personnages féminins, la voix off). Le film est passionnant à bien des égards. Au-delà du suspense vraiment prenant (on a envie de savoir avec qui la traîtresse est partie !), il propose une vision du couple très juste à travers 3 échantillons différents. Ce qui pourrait menacer la 1ere femme, c’est qu’elle ressent toujours un sentiment d’infériorité par rapport à son mari et à ses relations. La distance qui sépare la seconde femme de son mari (interprété par Kirk Douglas) est liée à leurs valeurs. Alors que lui est un idéaliste qui préférerait vivre sans le sou plutôt que de se compromettre, elle vend ses talents à la publicité. Elle voudrait bien convertir son mari à une approche plus pragmatique des choses. Enfin la 3ème femme est une beauté froide (en apparence) qui a séduit son patron pour gravir l’échelle sociale. On entre ainsi de plain-pied dans une réflexion sur ce qui fait le couple et le mariage. La construction de ce lien ne fait pas abstraction de certaines considérations sociales et pécuniaires. Sous cet angle le film est une critique de l’American way of life de l’après guerre et par-delà l’époque et le lieu, une critique du mariage en général. © Les Acacias
Les thèmes abordés sont toujours d’actualité. S’il en restait à cette critique, le film n’aurait rien de remarquable parce que la charge est assez facile. La force de l’histoire, c’est qu’elle dépasse cette vision négative du couple et du mariage pour en extraire une forme de grandeur. La menace est représentée par une femme libre qu’on ne voit jamais. On n’entend que sa voix. On comprend facilement l’attrait que peut représenter pour les hommes ce personnage. Alors qu’ils se sentent entravés par leurs chaînes conjugales, ils sont tentés par cette femme faisant fi de toute convention. On l’imagine séduisante, en tout cas elle attire les maris et chacune des femmes mariées la craint. Mais on se rend compte au fil du film que la liberté incarnée par ce personnage a sans doute quelque chose d’inhumain. Cette liberté est inaccessible, intimidante. Après tout, si on est vraiment libre, on n’a besoin de personne. De quoi se demander si l’amour ne naîtrait pas d’une insuffisance, d’une certaine fragilité (d’un manque à être diraient certains philosophes). A l’opposé, la liberté absolue serait liée à une forme d’auto-suffisance, une sécheresse des sentiments. Le film devient vraiment émouvant lorsqu’il déchire le voile et laisse entrevoir derrière les chaînes conjugales tous les sentiments inexprimés, l’amour qui lie chaque mari et chaque femme au sein de leurs couples respectifs. La femme libre n’agit que pour un certain goût du pouvoir. Le prix de la liberté est la solitude. En menacant de détruire le mariage des 3 femmes, elle révèle ce qui en fait tout le prix. Destruction/Révélation : on retrouve ici un diptyque classique de la fiction, schéma dont l’avatar le plus métaphysique serait Théorème de Pasolini et le plus récent Dans la maison d’Ozon. La femme libre du film de Mankiewicz est comme ces anges terribles de Rilke qui provoquent ce double mouvement. Il y a de la métaphysique chez Mankiewicz. C’est cette dimension en creux qui rend son oeuvre géniale.

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Le 7ème Art & la Manière
jeudi 5 février 2015 à 20h15

suivi d'une rencontre avec Jean Charles Fitoussi, cinéaste et critique




CHAÎNES CONJUGALES

de Joseph L. Mankiewicz

Avec Jeanne Crain, Linda Darnell, Ann Sothern, Kirk Douglas
USA - 1949 - 1h44 - version originale sous-titrée

Deborah Bishop, Rita Phipps et Laura May Hollingsway partent en croisière laissant leurs maris respectifs. Mais avant de partir, elles reçoivent une lettre d'une de leur amie commune, Addie Ross, dans laquelle elle prévient qu'elle part avec le mari de l'une d'entre elles. Mais lequel ?

https://www.facebook.com/pages/Cha%C3%AEnes-conjugales/107896149238279?fref=ts

A PROPOS

Ce film a reçu en 1950 l’oscar du meilleur scénario et du meilleur réalisateur. Il a été une des sources d’inspiration de la série Desperate housewives qui en a repris certaines idées (les caractères des personnages féminins, la voix off). Le film est passionnant à bien des égards. Au-delà du suspense vraiment prenant (on a envie de savoir avec qui la traîtresse est partie !), il propose une vision du couple très juste à travers 3 échantillons différents. Ce qui pourrait menacer la 1ere femme, c’est qu’elle ressent toujours un sentiment d’infériorité par rapport à son mari et à ses relations. La distance qui sépare la seconde femme de son mari (interprété par Kirk Douglas) est liée à leurs valeurs. Alors que lui est un idéaliste qui préférerait vivre sans le sou plutôt que de se compromettre, elle vend ses talents à la publicité. Elle voudrait bien convertir son mari à une approche plus pragmatique des choses. Enfin la 3ème femme est une beauté froide (en apparence) qui a séduit son patron pour gravir l’échelle sociale. On entre ainsi de plain-pied dans une réflexion sur ce qui fait le couple et le mariage. La construction de ce lien ne fait pas abstraction de certaines considérations sociales et pécuniaires. Sous cet angle le film est une critique de l’American way of life de l’après guerre et par-delà l’époque et le lieu, une critique du mariage en général. © Les Acacias
Les thèmes abordés sont toujours d’actualité. S’il en restait à cette critique, le film n’aurait rien de remarquable parce que la charge est assez facile. La force de l’histoire, c’est qu’elle dépasse cette vision négative du couple et du mariage pour en extraire une forme de grandeur. La menace est représentée par une femme libre qu’on ne voit jamais. On n’entend que sa voix. On comprend facilement l’attrait que peut représenter pour les hommes ce personnage. Alors qu’ils se sentent entravés par leurs chaînes conjugales, ils sont tentés par cette femme faisant fi de toute convention. On l’imagine séduisante, en tout cas elle attire les maris et chacune des femmes mariées la craint. Mais on se rend compte au fil du film que la liberté incarnée par ce personnage a sans doute quelque chose d’inhumain. Cette liberté est inaccessible, intimidante. Après tout, si on est vraiment libre, on n’a besoin de personne. De quoi se demander si l’amour ne naîtrait pas d’une insuffisance, d’une certaine fragilité (d’un manque à être diraient certains philosophes). A l’opposé, la liberté absolue serait liée à une forme d’auto-suffisance, une sécheresse des sentiments. Le film devient vraiment émouvant lorsqu’il déchire le voile et laisse entrevoir derrière les chaînes conjugales tous les sentiments inexprimés, l’amour qui lie chaque mari et chaque femme au sein de leurs couples respectifs. La femme libre n’agit que pour un certain goût du pouvoir. Le prix de la liberté est la solitude. En menacant de détruire le mariage des 3 femmes, elle révèle ce qui en fait tout le prix. Destruction/Révélation : on retrouve ici un diptyque classique de la fiction, schéma dont l’avatar le plus métaphysique serait Théorème de Pasolini et le plus récent Dans la maison d’Ozon. La femme libre du film de Mankiewicz est comme ces anges terribles de Rilke qui provoquent ce double mouvement. Il y a de la métaphysique chez Mankiewicz. C’est cette dimension en creux qui rend son oeuvre géniale.

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