ROUBAIX, UNE LUMIÈRE - Arnaud Desplechin

A PROPOS

On s'était tellement habitué aux péripéties bourgeoises et intellectuelles des films de Desplechin qu'on imaginait avec peine qu'il puisse un jour évoquer avec pertinence et justesse la société d'aujourd'hui. Tous ses films comportaient une dimension romanesque non négligeable, inspirée des romans d'espionnage et/ou d'apprentissage. Seule une séquence de Rois et Reine, le hold-up d'une épicerie, laissait entrevoir un côté social qui pousse Desplechin parfois à intervenir sur la place publique, cf. l'appel à la désobéissance civile contre les lois Debré ou l'affaire Léonarda. Roubaix, une lumière est donc l'aboutissement d'un long processus qui a fait abandonner (provisoirement) les répliques savoureusement littéraires d'un Mathieu Amalric pour le prosaïsme neutre et transparent d'un Roschdy Zem. Roubaix, une lumière est un peu le Police d'Arnaud Desplechin, un constat assez désespéré sur la société qui l'entoure et surtout la ville qui l'a vu naître et qui bat des records de pauvreté en France.   
 
Jamais les dialogues de Desplechin n'ont sonné de manière aussi peu sophistiquée. Jamais non plus il n'a tourné de manière aussi sobre, efficace et peu ostentatoire. Jamais ses personnages n'ont paru aussi terre-à-terre, sans préoccupations d'ordre intellectuel, en étant placés sous le sceau du malheur et de la misère. Comme le commissaire Daoud le dit, Roubaix est la ville la plus pauvre de France. Dans Roubaix, une lumière (dont le titre anglais, Oh Mercy, titre d'un album de Bob Dylan, c'est-à-dire Oh miséricorde, éclaire encore mieux les intentions de l'auteur), tous les faits et crimes sont réels ; toutes les victimes et tous les coupables existent ; rien n'est inventé.  
 
"Comprendre et ne pas juger" disait Simenon. Telle semble aussi être la devise du commissaire Daoud (un rôle en or pour Roschdy Zem qui devrait lui valoir quelques prix d'inteprétation). Daoud essaie de comprendre l'humanité assez pitoyable qui se présente sous ses yeux. Pour lui, l'humain est le plus important et sans narcissisme, Daoud le recherche chez les autres, y compris lorsque cet élément prend les aspects les plus sordides et les moins engageants. Les réintégrer dans l'humanité, telle est sa mission cachée, en-dehors d'arrêter les criminels. L'ensemble des affaires se coordonne de manière assez désordonnée dans le film mais il s'agit en fait d'un portrait peu reluisant, en réduction, de l'humanité. Progressivement l'une des affaires va prendre le pas sur toutes les autres : celle de l'assassinat de la vieille dame. En reconstituant le crime, Daoud va montrer la détresse humaine et sociale qui a présidé à ce meurtre. Dans le rôle de ces deux amoureuses, Léa Seydoux et Sara Forestier, le visage courageusement à nu, sans maquillage, forment un remarquable tandem meurtrier, équivalent à celui de La Cérémonie chabrolienne ou des Blessures assassines. Desplechin demande donc miséricorde pour tous ceux qui souffrent, en effectuant le constat désespéré d'un monde en complet désarroi qui ne sait plus écouter les autres.   
 
David Speranski (retro-hd.com)

Soirée rencontre
jeudi 22 août 2019 à 20h15

SÉANCE COMPLÈTE

en présence de Arnaud Desplechin, réalisateur

Roubaix, une lumière a été sélectionné cette année à Cannes en compétition officielle. Depuis 1991, où il a reçu 3 prix à Premiers Plans pour La Sentinelle et La Vie des morts, Arnaud Desplechin est revenu plusieurs fois à Angers pour présenter ses films et présider le jury en 2016.

Soirée organisée dans le cadre des Ateliers d'Angers en collaboration avec l'association "Premiers Plans"


PAS DE VENTE EN LIGNE


ROUBAIX, UNE LUMIÈRE

de Arnaud Desplechin

avec Roschdy Zem, Léa Seydoux, Sara Forestier
FRANCE - 2019 - 1h59 - Cannes 2019

À Roubaix, un soir de Noël, Daoud le chef de la police locale et Louis, fraîchement diplômé, font face au meurtre d’une vieille femme. Les voisines de la victime, deux jeunes femmes, Claude et Marie, sont arrêtées. Elles sont toxicomanes, alcooliques, amantes…
http://www.le-pacte.com/france/prochainement/detail/roubaix-une-lumiere/

A PROPOS

On s'était tellement habitué aux péripéties bourgeoises et intellectuelles des films de Desplechin qu'on imaginait avec peine qu'il puisse un jour évoquer avec pertinence et justesse la société d'aujourd'hui. Tous ses films comportaient une dimension romanesque non négligeable, inspirée des romans d'espionnage et/ou d'apprentissage. Seule une séquence de Rois et Reine, le hold-up d'une épicerie, laissait entrevoir un côté social qui pousse Desplechin parfois à intervenir sur la place publique, cf. l'appel à la désobéissance civile contre les lois Debré ou l'affaire Léonarda. Roubaix, une lumière est donc l'aboutissement d'un long processus qui a fait abandonner (provisoirement) les répliques savoureusement littéraires d'un Mathieu Amalric pour le prosaïsme neutre et transparent d'un Roschdy Zem. Roubaix, une lumière est un peu le Police d'Arnaud Desplechin, un constat assez désespéré sur la société qui l'entoure et surtout la ville qui l'a vu naître et qui bat des records de pauvreté en France.   
 
Jamais les dialogues de Desplechin n'ont sonné de manière aussi peu sophistiquée. Jamais non plus il n'a tourné de manière aussi sobre, efficace et peu ostentatoire. Jamais ses personnages n'ont paru aussi terre-à-terre, sans préoccupations d'ordre intellectuel, en étant placés sous le sceau du malheur et de la misère. Comme le commissaire Daoud le dit, Roubaix est la ville la plus pauvre de France. Dans Roubaix, une lumière (dont le titre anglais, Oh Mercy, titre d'un album de Bob Dylan, c'est-à-dire Oh miséricorde, éclaire encore mieux les intentions de l'auteur), tous les faits et crimes sont réels ; toutes les victimes et tous les coupables existent ; rien n'est inventé.  
 
"Comprendre et ne pas juger" disait Simenon. Telle semble aussi être la devise du commissaire Daoud (un rôle en or pour Roschdy Zem qui devrait lui valoir quelques prix d'inteprétation). Daoud essaie de comprendre l'humanité assez pitoyable qui se présente sous ses yeux. Pour lui, l'humain est le plus important et sans narcissisme, Daoud le recherche chez les autres, y compris lorsque cet élément prend les aspects les plus sordides et les moins engageants. Les réintégrer dans l'humanité, telle est sa mission cachée, en-dehors d'arrêter les criminels. L'ensemble des affaires se coordonne de manière assez désordonnée dans le film mais il s'agit en fait d'un portrait peu reluisant, en réduction, de l'humanité. Progressivement l'une des affaires va prendre le pas sur toutes les autres : celle de l'assassinat de la vieille dame. En reconstituant le crime, Daoud va montrer la détresse humaine et sociale qui a présidé à ce meurtre. Dans le rôle de ces deux amoureuses, Léa Seydoux et Sara Forestier, le visage courageusement à nu, sans maquillage, forment un remarquable tandem meurtrier, équivalent à celui de La Cérémonie chabrolienne ou des Blessures assassines. Desplechin demande donc miséricorde pour tous ceux qui souffrent, en effectuant le constat désespéré d'un monde en complet désarroi qui ne sait plus écouter les autres.   
 
David Speranski (retro-hd.com)