LA BELLE - Arunas Zebriunas

A PROPOS

Rareté du cinéma lituanien réalisée en 1969, La Belle est l’un des premiers films d’Arūnas Žebriūnas, malheureusement peu connu dans nos contrées alors que sa carrière s’est tout de même étalée sur quatre décennies. À l’initiative d’ED Distribution, le film connaît aujourd’hui les faveurs d’une sortie en salles, ce qui permet d’introduire l’univers si singulier du cinéaste, entre naturalisme et onirisme. Le récit s’articule entièrement autour de la très jeune Inga, blonde espiègle qui vit seule avec sa mère dans un quartier ouvrier. Pour autant, dès la scène d’ouverture, La Belle ne prend pas la voie du film social : tournoyant au ralenti autour de la petite fille qui improvise une danse, la caméra célèbre d’entrée de jeu le pouvoir de l’imaginaire, la manière dont le personnage souhaite convertir le monde qui l’entoure à son regard. Si le film n’occulte jamais complètement l’arrière-plan social (une communauté d’individus vivant modestement, des immeubles vétustes sont détruits), le propos n’est empreint d’aucun discours politique et se veut davantage impressionniste. C’est que le cinéaste se met continuellement à hauteur de sa jeune héroïne dont les yeux – encore vierges de toute conscience – orientent la mise en scène : souples, les mouvements de caméra accompagnent à coups d’élégants travellings Inga dans ses déplacements tandis que les plans s’étirent pour mieux traduire ce sur quoi l’attention de l’enfant pleine d’interrogations se pose.
Que ce soit lorsqu’elle observe avec amour sa mère, dont la beauté masque à peine le chagrin, ou bien lorsqu’elle fait la connaissance d’un garçon nouveau venu dans le quartier – perçu par les autres enfants comme un étranger à rejeter –, la petite fille se confronte à un monde mouvant auquel elle tente de s’adapter tout en cultivant son sens de l’imagination. Cette dualité provoque deux régimes d’images : d’un côté, il y a celles qui s’inscrivent dans le réalisme du quotidien (le poids de la solitude, l’altérité qui s’exprime par les jeux ou la découverte de l’autre) et celles qui donnent l’impression d’un léger décalage avec cette même réalité en s’affranchissant de toute chronologie dramaturgique (les silences indéchiffrables, les figures inquiétantes, le chien au regard étonnamment fixe). C’est dans cet entre-deux qu’Inga se fraie un chemin, même si cette trajectoire n’a rien d’un récit d’apprentissage aux accents moralisateurs : la petite fille éprouve, ressent, se laisse porter, sans que cela se traduise pour autant par un sens particulier, faisant du film un poème libre et virtuose. Plutôt que de chercher à convertir son propos en mots, Arūnas Žebriūnas laisse la musique guider les émotions en s’attachant à offrir une expérience du sensible qui trouve son acmé lors d’une très belle scène au cours de laquelle la jeune héroïne rentre chez elle et laisse libre cours à son chagrin. Qu’il soit ici question d’une perception de soi défaillante (le titre du film vient d’un jeu qui consiste à rassurer la petite fille sur son physique soi-disant disgracieux) ou d’une perception en pleine mutation du monde, La Belle a, sous ses apparats d’une douceur infinie, les aspects d’une jolie revanche : celle du pouvoir de l’imaginaire capable de transfigurer la plus banale des réalités."
Clément Graminiès (Critikat)

Cinélégende
dimanche 14 octobre 2018 à 15h30

Cinéma et mythologie : Eternelle jeunesse
En présence de Philippe Grosbois, docteur en psychologie et Louis Mathieu, président de l'association Cinéma Parlant

Dans le cadre de la journée du cinéma européen (coopération Europa Cinemas / CICAE)

Séance organisée en collaboration avec l'association Cinélégende.


LA BELLE

de Arunas Zebriunas

avec Inga Mickyte, Lilija Zhadeikyte, Arvidas Samukas
LITUANIE - 1969 - 1h05 - VOST - Exclusivité

Les enfants du quartier jouent souvent à un jeu: ils forment un cercle au centre duquel l'un d'entre eux danse pendant que les autres lui adressent des compliments. Inga, une petite fille sympathique et honnête qui vit avec sa mère célibataire, en reçoit en général beaucoup. Pour cette raison, on la surnomme « la belle ». Mais cela ne va pas durer : un nouveau garçon s'installe dans le quartier. Malpoli, il ne s'intègre pas bien. Et comme il n'aime pas les taches de rousseur d'Inga, il lui dit qu'elle est laide, ce qui la blesse profondément. Elle part à la recherche de la vraie beauté...
https://www.eddistribution.com/la-belle-grazuole/

A PROPOS

Rareté du cinéma lituanien réalisée en 1969, La Belle est l’un des premiers films d’Arūnas Žebriūnas, malheureusement peu connu dans nos contrées alors que sa carrière s’est tout de même étalée sur quatre décennies. À l’initiative d’ED Distribution, le film connaît aujourd’hui les faveurs d’une sortie en salles, ce qui permet d’introduire l’univers si singulier du cinéaste, entre naturalisme et onirisme. Le récit s’articule entièrement autour de la très jeune Inga, blonde espiègle qui vit seule avec sa mère dans un quartier ouvrier. Pour autant, dès la scène d’ouverture, La Belle ne prend pas la voie du film social : tournoyant au ralenti autour de la petite fille qui improvise une danse, la caméra célèbre d’entrée de jeu le pouvoir de l’imaginaire, la manière dont le personnage souhaite convertir le monde qui l’entoure à son regard. Si le film n’occulte jamais complètement l’arrière-plan social (une communauté d’individus vivant modestement, des immeubles vétustes sont détruits), le propos n’est empreint d’aucun discours politique et se veut davantage impressionniste. C’est que le cinéaste se met continuellement à hauteur de sa jeune héroïne dont les yeux – encore vierges de toute conscience – orientent la mise en scène : souples, les mouvements de caméra accompagnent à coups d’élégants travellings Inga dans ses déplacements tandis que les plans s’étirent pour mieux traduire ce sur quoi l’attention de l’enfant pleine d’interrogations se pose.
Que ce soit lorsqu’elle observe avec amour sa mère, dont la beauté masque à peine le chagrin, ou bien lorsqu’elle fait la connaissance d’un garçon nouveau venu dans le quartier – perçu par les autres enfants comme un étranger à rejeter –, la petite fille se confronte à un monde mouvant auquel elle tente de s’adapter tout en cultivant son sens de l’imagination. Cette dualité provoque deux régimes d’images : d’un côté, il y a celles qui s’inscrivent dans le réalisme du quotidien (le poids de la solitude, l’altérité qui s’exprime par les jeux ou la découverte de l’autre) et celles qui donnent l’impression d’un léger décalage avec cette même réalité en s’affranchissant de toute chronologie dramaturgique (les silences indéchiffrables, les figures inquiétantes, le chien au regard étonnamment fixe). C’est dans cet entre-deux qu’Inga se fraie un chemin, même si cette trajectoire n’a rien d’un récit d’apprentissage aux accents moralisateurs : la petite fille éprouve, ressent, se laisse porter, sans que cela se traduise pour autant par un sens particulier, faisant du film un poème libre et virtuose. Plutôt que de chercher à convertir son propos en mots, Arūnas Žebriūnas laisse la musique guider les émotions en s’attachant à offrir une expérience du sensible qui trouve son acmé lors d’une très belle scène au cours de laquelle la jeune héroïne rentre chez elle et laisse libre cours à son chagrin. Qu’il soit ici question d’une perception de soi défaillante (le titre du film vient d’un jeu qui consiste à rassurer la petite fille sur son physique soi-disant disgracieux) ou d’une perception en pleine mutation du monde, La Belle a, sous ses apparats d’une douceur infinie, les aspects d’une jolie revanche : celle du pouvoir de l’imaginaire capable de transfigurer la plus banale des réalités."
Clément Graminiès (Critikat)



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lundi 1 janvier à 20h00
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