9 M2 POUR DEUX - José Césarini & Jimmy Glasberg

A PROPOS

Joseph Césarini et Jimmy Glasberg ont eu l’idée de proposer à des détenus de réaliser une expérience cinématographique en les invitant à filmer eux-mêmes de petites séquences dans lesquelles ils reconstitueraient leur vie en prison. Entre réflexion cinématographique et documentaire sur la vie carcérale, cette expérience, parfois peu concluante, montre tout de même qu’il n’y a pas de repentir possible dans 9m² pour deux, quand la raison peut à n’importe quel moment vous quitter et que le quotidien n’est qu’une lutte pour ne pas sombrer dans la démence pure et simple.

Avec l’avènement du numérique, le cinéma devient ludique. Tout le monde peut en faire. Tout le monde, avec quelques connaissances rudimentaires, peut s’emparer de ces nouvelles technologies pour réaliser des documents, des films. Légère, facile d’utilisation, la caméra devient familière, pénètre les petites choses du quotidien. Elle accompagne la vie de tous les jours, est au plus près de l’intime ou devient une arme de guerre souhaitant faire passer un message. Les expériences cinématographiques se multiplient, avec plus ou moins de réussite et de pertinence et la caméra va dans des lieux inédits, montrant le monde sous un nouvel angle.

Avec ce film, nous assistons à ce que l’on peut appeler un atelier ou, pour reprendre les mots des réalisateurs,

« une expérience cinématographique », ou comment des détenus cherchent à échapper à l’ennui de leur condition en participant à une activité qui les invite à penser à ce qu’ils sont et à la vie qu’ils mènent en prison. Mais pour cela, les réalisateurs ont eu l’idée intéressante de choisir la reconstitution en pensant préalablement aux scènes qui allaient être jouées, aux thèmes abordés, et ce en totale collaboration avec les détenus. De plus, les réalisateurs n’ont pas fait jouer ces scènes dans les cellules même des détenus, mais dans une fausse cellule reconstituée à partir du même schéma que les vraies. Les détenus ne sont pas amenés à mimer ce qu’ils sont dans le lieu même où ils vivent. Ils sont déplacés afin que le contexte pèse moins sur leurs épaules. Ce déplacement, aussi infime soit-il, est psychologiquement vital car, à l’instar de la promenade, il offre une poche d’air, une activité ludique qui les sort de leur vraie cellule. Cette expérience qui se veut réaliste permet tout de même aux détenus de prendre du recul sur ce qu’ils sont.

C’est pourquoi, inexorablement, le spectateur se trouve dans un entre-deux, se demandant ce que les réalisateurs cherchent véritablement à nous montrer, ce qu’il doit penser de ce qu’il voit et entend : témoignage sur la vie en prison ou simple exercice, atelier artistique dont les détenus s’emparent pour échapper à l’ennui de leur condition ou véritable approche sociologique. Que peut penser le spectateur de ce qu’il voit ? Et cette ambiguïté fait-elle la force ou la faiblesse du film ?

Car on peut rester perplexe face à certaines séquences, certains de ces dialogues, tant tout cela semble parfaitement, non pas écrit au mot près car les dialogues sont ceux des détenus, mais mis en place pour tracer leurs portraits, leur diversité, ce qu’ils sont et d’où ils viennent. Tous les prisonniers semblent hélas ressembler à des types et ce qu’ils disent ne nous apprend pas grand-chose et n’a qu’un intérêt relatif : le quartier d’où l’on est issu, une femme dehors qui attend, des mésententes et des conflits entre amateur de poésie et de rap, des bons trucs à savoir, les règles d’hygiène nécessaires à l’entente entre codétenus. Et les échanges, les scènes où nous sommes face à des conflits restent moins forts que les simples moments où un détenu en filme un autre en lui posant des questions, c’est-à-dire quand la caméra est fixe et focalise son attention sur la parole d’un homme. La simple parole du prisonnier est incomparablement la plus forte.

Enfin la prise en main de la caméra par les détenus ne se révèle pas fortement concluante. Si certains plans, certains mouvements sont intéressants, c’est qu’ils décrivent la cellule, nous faisant une visite des lieux. Mais quand les détenus cherchent à s’amuser et à faire on ne sait quoi avec la caméra, le spectateur, s’il peut comprendre leur amusement, est vite amené à se lasser, préférant malgré tout avoir plus d’informations sur un problème de société grave : les conditions de vie dans les prisons françaises.

Mais ce qui ressort de ce film, là où sa réussite est complète, c’est que nous sentons le terrible ennui de « vivre » en prison, et comment cet enfermement peut facilement vous rendre complètement dingue. La prison ne remet pas dans le droit chemin, ne punit pas les individus dangereux pour la société, mais rend tout simplement fou. (Critikat.com)

Soirée rencontre
jeudi 27 novembre 2014 à 20h15

en présence d'enseignants en milieu carcéral, de conseillers pénitentiaires d'insertion et probation, de la Protection judiciaire de la jeunesse, de l'EPIDE de Combrée (insertion de jeunes en difficulté)

dans le cadre des Journées Nationales Prison

Soirée organisée par le Groupe Angevin Concertation Prison 


9 M2 POUR DEUX

de José Césarini & Jimmy Glasberg

Documentaire
France - 2005 - 1h34

9 m², c'est la superficie d'une cellule que partagent deux détenus le temps de leur incarcération en maison d'arrêt. Tour à tour interprètes et filmeurs, dix d'entre eux vont mettre en scène leur vie quotidienne en une série de moments forts : amitié, indifférence, confrontation, solitude... Autant de fragments de la réalité carcérale.

A PROPOS

Joseph Césarini et Jimmy Glasberg ont eu l’idée de proposer à des détenus de réaliser une expérience cinématographique en les invitant à filmer eux-mêmes de petites séquences dans lesquelles ils reconstitueraient leur vie en prison. Entre réflexion cinématographique et documentaire sur la vie carcérale, cette expérience, parfois peu concluante, montre tout de même qu’il n’y a pas de repentir possible dans 9m² pour deux, quand la raison peut à n’importe quel moment vous quitter et que le quotidien n’est qu’une lutte pour ne pas sombrer dans la démence pure et simple.

Avec l’avènement du numérique, le cinéma devient ludique. Tout le monde peut en faire. Tout le monde, avec quelques connaissances rudimentaires, peut s’emparer de ces nouvelles technologies pour réaliser des documents, des films. Légère, facile d’utilisation, la caméra devient familière, pénètre les petites choses du quotidien. Elle accompagne la vie de tous les jours, est au plus près de l’intime ou devient une arme de guerre souhaitant faire passer un message. Les expériences cinématographiques se multiplient, avec plus ou moins de réussite et de pertinence et la caméra va dans des lieux inédits, montrant le monde sous un nouvel angle.

Avec ce film, nous assistons à ce que l’on peut appeler un atelier ou, pour reprendre les mots des réalisateurs,

« une expérience cinématographique », ou comment des détenus cherchent à échapper à l’ennui de leur condition en participant à une activité qui les invite à penser à ce qu’ils sont et à la vie qu’ils mènent en prison. Mais pour cela, les réalisateurs ont eu l’idée intéressante de choisir la reconstitution en pensant préalablement aux scènes qui allaient être jouées, aux thèmes abordés, et ce en totale collaboration avec les détenus. De plus, les réalisateurs n’ont pas fait jouer ces scènes dans les cellules même des détenus, mais dans une fausse cellule reconstituée à partir du même schéma que les vraies. Les détenus ne sont pas amenés à mimer ce qu’ils sont dans le lieu même où ils vivent. Ils sont déplacés afin que le contexte pèse moins sur leurs épaules. Ce déplacement, aussi infime soit-il, est psychologiquement vital car, à l’instar de la promenade, il offre une poche d’air, une activité ludique qui les sort de leur vraie cellule. Cette expérience qui se veut réaliste permet tout de même aux détenus de prendre du recul sur ce qu’ils sont.

C’est pourquoi, inexorablement, le spectateur se trouve dans un entre-deux, se demandant ce que les réalisateurs cherchent véritablement à nous montrer, ce qu’il doit penser de ce qu’il voit et entend : témoignage sur la vie en prison ou simple exercice, atelier artistique dont les détenus s’emparent pour échapper à l’ennui de leur condition ou véritable approche sociologique. Que peut penser le spectateur de ce qu’il voit ? Et cette ambiguïté fait-elle la force ou la faiblesse du film ?

Car on peut rester perplexe face à certaines séquences, certains de ces dialogues, tant tout cela semble parfaitement, non pas écrit au mot près car les dialogues sont ceux des détenus, mais mis en place pour tracer leurs portraits, leur diversité, ce qu’ils sont et d’où ils viennent. Tous les prisonniers semblent hélas ressembler à des types et ce qu’ils disent ne nous apprend pas grand-chose et n’a qu’un intérêt relatif : le quartier d’où l’on est issu, une femme dehors qui attend, des mésententes et des conflits entre amateur de poésie et de rap, des bons trucs à savoir, les règles d’hygiène nécessaires à l’entente entre codétenus. Et les échanges, les scènes où nous sommes face à des conflits restent moins forts que les simples moments où un détenu en filme un autre en lui posant des questions, c’est-à-dire quand la caméra est fixe et focalise son attention sur la parole d’un homme. La simple parole du prisonnier est incomparablement la plus forte.

Enfin la prise en main de la caméra par les détenus ne se révèle pas fortement concluante. Si certains plans, certains mouvements sont intéressants, c’est qu’ils décrivent la cellule, nous faisant une visite des lieux. Mais quand les détenus cherchent à s’amuser et à faire on ne sait quoi avec la caméra, le spectateur, s’il peut comprendre leur amusement, est vite amené à se lasser, préférant malgré tout avoir plus d’informations sur un problème de société grave : les conditions de vie dans les prisons françaises.

Mais ce qui ressort de ce film, là où sa réussite est complète, c’est que nous sentons le terrible ennui de « vivre » en prison, et comment cet enfermement peut facilement vous rendre complètement dingue. La prison ne remet pas dans le droit chemin, ne punit pas les individus dangereux pour la société, mais rend tout simplement fou. (Critikat.com)