VIDEODROME - David Cronenberg

A PROPOS

Après une décennie d’œuvres de série B mélangeant étrangement le sexe, la violence, la biologie des corps en mutation (Frissons ou Rage), Cronenberg rencontre un joli succès avec Scanners et ses télépathes tueurs. De quoi donner envie à Universal de travailler avec le cinéaste canadien sur son projet Videodrome. Pourtant, les images de snuff, mêlant une fois de plus le sexe (on infiltre l’industrie de la pornographie) et la violence (images récurrentes de femmes torturées) ne sont pas du goût des pontes de la major qui décident de faire remonter le film. L’échec américain est sans appel et il faudra plus d’un an pour que les Français puissent découvrir cette œuvre désespérée sur leur grand écran. Une sortie finalement impulsée par le succès de Dead zone, l’adaptation du roman de Stephen King réalisée après Videodrome qui pourtant débarqua sur nos écrans quelques mois auparavant.

Avec le temps, Videodrome devint le paradigme de l’œuvre de Cronenberg. La forme la plus aboutie de sa carrière underground. Un budget plus confortable pour un résultat anti commercial au possible avant le futur triomphe de l’auteur sur le remake de La mouche, ce dernier étant pour le coup d’une efficacité commerciale imparable. Œuvre philosophique qui réfléchit sur la place de l’homme dans une société en perpétuelle mutation, Videodrome est abscons. Il déroute par son refus de suivre une narration rationnelle. Les fantasmes et les hallucinations cohabitent. Jeux sado-masos et tortures réelles se combinent pour remettre en question la stabilité de l’humain dans sa société contemporaine. Incapable d’exister par lui-même, il use et abuse de substituts visuels, grâce à l’avènement de la télévision câblée et de la vidéo, les deux phénomènes du début des années 80 aux USA. Son addiction aux nouveaux médias transforme son esprit et son corps ; l’homme, par sa féconde rétine, finit par s’assimiler au matériel vidéo. Il devient ainsi une matrice vaginale digérant des vidéos de chair. Un magnétoscope humain en quelque sorte, qui enregistre les images, s’en nourrit et les enrichit de son expérience personnelle (ses émotions, son mental). Ces images génèrent un déséquilibre forcément malsain. En s’insinuant dans ses fonctions vitales, elles deviennent maladie, tumeur : videodrome, un programme tentaculaire qui cherche à répandre sa philosophie nihiliste via le petit écran.

La télé devient devant la caméra de Cronenberg une religion sans laquelle l’homme ne peut plus exister, de peur de s’oublier lui-même (l’un des personnages s’appelle judicieusement « O’blivion », c’est-à-dire l’oubli). Dans les dispensaires (« le secours cathodique » !), l’on noie les indigents d’images télévisuelles pour leur donner l’illusion d’exister. Et pour les contrôler. Le discours sur les médias devient économique, politique. La nécessité de modifier les habitudes de l’homme en manipulant son esprit implique sa modification physiologique, mais peu importe les conséquences du moment que cela paie. Videodrome met ainsi en scène le lancement de la globalisation - la chaîne câblée de John Woods spécialisée dans le porno n’est-elle pas convoitée par ses obscurs dirigeants pour toucher le plus de monde possible ? L’intelligence du métrage est d’autant plus remarquable qu’aujourd’hui à l’heure de la grande récession et de la remise en question du capitalisme agressif des années 90-2000, à l’heure où l’on nourrit le spectateur de télé réalité au contenu outrancier quasi pornographique, la prophétie Videodrome semble s’être réalisée et l’aliénation est totale. L’internet ayant supplanté les téléviseurs, complétant l’arborescence du câble qui relie des millions de foyers sur la planète.
Au-delà du discours moderne, Videodrome demeure une œuvre magistrale, méticuleusement réalisée par un Cronenberg maître de ses propres images. Il livre également un film d’épouvante fort, nourri par des effets spéciaux viscéraux - qui donnent de la matière au genre -, et par la musique d’Howard Shore d’une religiosité électronique magistrale ; elle plombe l’atmosphère. L’interprétation hallucinée de James Woods et les prises de risque de Déborah Harry - alors icône vivante de la pop rock britannique, numéro 1 dans le monde avec son groupe Blondie - qui se laisse aller aux délires sado-masos du script font de cette série B un spectacle unique, pur produit dégénéré de son époque, que Cronenberg tenta de reproduire avec l’univers des jeux vidéo d’Existenz en 1999 mais avec un succès moindre.

L'épouvantable soirée
vendredi 31 octobre 2014 à 20h15

2 films cultes en version restaurée
20h15 VIDEODROME  
22h15 MASSACRE A LA TRONCONNEUSE


VIDEODROME

de David Cronenberg

Avec James Woods, Sonja Smits, Deborah Harry
CANADA - 1984 - 1h28 - Version restaurée - version originale sous titrée - Interdit aux moins de 12 ans

Le patron d'une petite chaîne érotique sur le câble capte par hasard un mystérieux programme-pirate dénommé Vidéodrome, qui met en scène tortures et sévices sexuels. Son visionnage provoque peu à peu des hallucinations et autres altérations physiques. La frontière entre réalité et univers télévisuel devient bien mince, et la folie guette... 

A PROPOS

Après une décennie d’œuvres de série B mélangeant étrangement le sexe, la violence, la biologie des corps en mutation (Frissons ou Rage), Cronenberg rencontre un joli succès avec Scanners et ses télépathes tueurs. De quoi donner envie à Universal de travailler avec le cinéaste canadien sur son projet Videodrome. Pourtant, les images de snuff, mêlant une fois de plus le sexe (on infiltre l’industrie de la pornographie) et la violence (images récurrentes de femmes torturées) ne sont pas du goût des pontes de la major qui décident de faire remonter le film. L’échec américain est sans appel et il faudra plus d’un an pour que les Français puissent découvrir cette œuvre désespérée sur leur grand écran. Une sortie finalement impulsée par le succès de Dead zone, l’adaptation du roman de Stephen King réalisée après Videodrome qui pourtant débarqua sur nos écrans quelques mois auparavant.

Avec le temps, Videodrome devint le paradigme de l’œuvre de Cronenberg. La forme la plus aboutie de sa carrière underground. Un budget plus confortable pour un résultat anti commercial au possible avant le futur triomphe de l’auteur sur le remake de La mouche, ce dernier étant pour le coup d’une efficacité commerciale imparable. Œuvre philosophique qui réfléchit sur la place de l’homme dans une société en perpétuelle mutation, Videodrome est abscons. Il déroute par son refus de suivre une narration rationnelle. Les fantasmes et les hallucinations cohabitent. Jeux sado-masos et tortures réelles se combinent pour remettre en question la stabilité de l’humain dans sa société contemporaine. Incapable d’exister par lui-même, il use et abuse de substituts visuels, grâce à l’avènement de la télévision câblée et de la vidéo, les deux phénomènes du début des années 80 aux USA. Son addiction aux nouveaux médias transforme son esprit et son corps ; l’homme, par sa féconde rétine, finit par s’assimiler au matériel vidéo. Il devient ainsi une matrice vaginale digérant des vidéos de chair. Un magnétoscope humain en quelque sorte, qui enregistre les images, s’en nourrit et les enrichit de son expérience personnelle (ses émotions, son mental). Ces images génèrent un déséquilibre forcément malsain. En s’insinuant dans ses fonctions vitales, elles deviennent maladie, tumeur : videodrome, un programme tentaculaire qui cherche à répandre sa philosophie nihiliste via le petit écran.

La télé devient devant la caméra de Cronenberg une religion sans laquelle l’homme ne peut plus exister, de peur de s’oublier lui-même (l’un des personnages s’appelle judicieusement « O’blivion », c’est-à-dire l’oubli). Dans les dispensaires (« le secours cathodique » !), l’on noie les indigents d’images télévisuelles pour leur donner l’illusion d’exister. Et pour les contrôler. Le discours sur les médias devient économique, politique. La nécessité de modifier les habitudes de l’homme en manipulant son esprit implique sa modification physiologique, mais peu importe les conséquences du moment que cela paie. Videodrome met ainsi en scène le lancement de la globalisation - la chaîne câblée de John Woods spécialisée dans le porno n’est-elle pas convoitée par ses obscurs dirigeants pour toucher le plus de monde possible ? L’intelligence du métrage est d’autant plus remarquable qu’aujourd’hui à l’heure de la grande récession et de la remise en question du capitalisme agressif des années 90-2000, à l’heure où l’on nourrit le spectateur de télé réalité au contenu outrancier quasi pornographique, la prophétie Videodrome semble s’être réalisée et l’aliénation est totale. L’internet ayant supplanté les téléviseurs, complétant l’arborescence du câble qui relie des millions de foyers sur la planète.
Au-delà du discours moderne, Videodrome demeure une œuvre magistrale, méticuleusement réalisée par un Cronenberg maître de ses propres images. Il livre également un film d’épouvante fort, nourri par des effets spéciaux viscéraux - qui donnent de la matière au genre -, et par la musique d’Howard Shore d’une religiosité électronique magistrale ; elle plombe l’atmosphère. L’interprétation hallucinée de James Woods et les prises de risque de Déborah Harry - alors icône vivante de la pop rock britannique, numéro 1 dans le monde avec son groupe Blondie - qui se laisse aller aux délires sado-masos du script font de cette série B un spectacle unique, pur produit dégénéré de son époque, que Cronenberg tenta de reproduire avec l’univers des jeux vidéo d’Existenz en 1999 mais avec un succès moindre.

MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE - Tobe Hooper

A PROPOS

Réalisé en 1974 par le cinéaste américain Tobe Hooper, Massacre à la tronçonneuse s’inspire en partie de la vie du meurtrier Ed Gein, connu pour avoir profané de nombreuses sépultures et collectionné des restes humains – Alfred Hitchcock s’en est également inspiré pour son personnage de Norman Bates dans Psychose (1960). Le tournage du film est particulièrement éprouvant : les acteurs – pour la plupart des inconnus originaires du Texas – et les techniciens sont contraints de travailler à un rythme effréné durant trente-deux jours afin de ne pas dépasser le budget alloué de 65 000 dollars. Tobe Hooper livre ici un incroyable chef-d’oeuvre d’épouvante tourné en 16 mm, dénonçant tout à la fois la famille traditionnelle américaine, le « capitalisme cannibale » et les mensonges répétés du gouvernement face à la débâcle de la guerre du Vietnam. Le film sort en octobre 1974 aux États-Unis avec la mention « R – Restricted », interdisant son visionnage aux mineurs de moins de 17 ans non accompagnés d’un adulte. Sa carrière internationale est encore plus compliquée puisque le film est rapidement interdit de projection dans de nombreux pays – dont la France – durant de longues années. Les attaques répétées de la censure contribuent en grande partie à l’énorme succès de Massacre à la tronçonneuse, unanimement considéré comme l’un des meilleurs films d’horreur de tous les temps.
Avec ses compatriotes George A. Romero (La Nuit des morts-vivants, 1968) et Wes Craven (La Dernière Maison sur la gauche, 1972), Tobe Hooper est l’un des précurseurs du slasher : leurs films font figure de modèles d’un genre cinématographique ultra-influent (Souviens-toi… l’été dernier de Jim Gillespie en 1997, La Colline a des yeux d’Alexandre Aja en 2006), à l’origine de nombreuses franchises comme Halloween ou Vendredi 13. Quarante ans plus tard, Massacre à la tronçonneuse est enfin de retour au cinéma dans une sublime restauration 4K supervisée par le réalisateur !

MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE

de Tobe Hooper

Avec Marilyn Burns, Allen Danziger, Teri McMinn
USA - 1974 - 1h23 - Version restaurée inédite - version originale sous titrée - Interdit aux moins de 16 ans

Jeunes et insouciants, cinq amis traversent le Texas à bord d'un minibus. Ils s'aperçoivent bien vite qu'ils sont entrés dans un territoire étrange et malsain, à l'image du personnage qu'ils ont pris en stop, un être vicieux en proie à des obsessions morbides. Ce dernier ne tarde pas à se faire menaçant. Mais les cinq amis parviennent à s'en débarrasser.
Peu de temps après, une panne d'essence contraint le groupe à s'arrêter à une station-service. Non loin de là, une maison isolée attire leur attention. Deux d'entre eux décident de s'y aventurer, mais lorsqu'ils tentent de pénétrer à l'intérieur, un boucher masqué surgit et massacre les deux adolescents avec une tronçonneuse. Un de leur camarade, parti à leur recherche, subit le même sort. Il ne reste alors plus que deux survivants, et la nuit commence à tomber... 

A PROPOS

Réalisé en 1974 par le cinéaste américain Tobe Hooper, Massacre à la tronçonneuse s’inspire en partie de la vie du meurtrier Ed Gein, connu pour avoir profané de nombreuses sépultures et collectionné des restes humains – Alfred Hitchcock s’en est également inspiré pour son personnage de Norman Bates dans Psychose (1960). Le tournage du film est particulièrement éprouvant : les acteurs – pour la plupart des inconnus originaires du Texas – et les techniciens sont contraints de travailler à un rythme effréné durant trente-deux jours afin de ne pas dépasser le budget alloué de 65 000 dollars. Tobe Hooper livre ici un incroyable chef-d’oeuvre d’épouvante tourné en 16 mm, dénonçant tout à la fois la famille traditionnelle américaine, le « capitalisme cannibale » et les mensonges répétés du gouvernement face à la débâcle de la guerre du Vietnam. Le film sort en octobre 1974 aux États-Unis avec la mention « R – Restricted », interdisant son visionnage aux mineurs de moins de 17 ans non accompagnés d’un adulte. Sa carrière internationale est encore plus compliquée puisque le film est rapidement interdit de projection dans de nombreux pays – dont la France – durant de longues années. Les attaques répétées de la censure contribuent en grande partie à l’énorme succès de Massacre à la tronçonneuse, unanimement considéré comme l’un des meilleurs films d’horreur de tous les temps.
Avec ses compatriotes George A. Romero (La Nuit des morts-vivants, 1968) et Wes Craven (La Dernière Maison sur la gauche, 1972), Tobe Hooper est l’un des précurseurs du slasher : leurs films font figure de modèles d’un genre cinématographique ultra-influent (Souviens-toi… l’été dernier de Jim Gillespie en 1997, La Colline a des yeux d’Alexandre Aja en 2006), à l’origine de nombreuses franchises comme Halloween ou Vendredi 13. Quarante ans plus tard, Massacre à la tronçonneuse est enfin de retour au cinéma dans une sublime restauration 4K supervisée par le réalisateur !