LES CHATOUILLES - Andréa Bescond & Eric Métayer

A PROPOS

Avec Eric Métayer, Andréa Bescond adapte son spectacle autobiographique, sur une jeune femme, abusée pendant son enfance par un ami de la famille, qui cherche à se reconstruire.  Une réussite.

C’est le titre le plus trompeur de ce festival. Il ne sera pas question de guili-guili dans ce premier long métrage, mais d’un sujet grave : les abus sexuels sur enfants. Sauf qu’Andréa Bescond et Eric Métayer, dont le film a vraiment enthousiasmé le public d’Un certain regard, ont choisi de le traiter avec une légèreté singulière, et un décalage psychanalytique bluffant, qui, à lui seul, est le meilleur manifeste de résilience. Andréa Bescond peut revendiquer le droit à ce parti pris : cette histoire est la sienne. Même si, après son livre et son spectacle, dansé et parlé, Les Chatouilles ou la danse de la colère, dont le film est un prolongement, elle choisit de rendre son propos plus universel.
Un type si sympathique…

Il était une fois la petite Odette, devenue jeune trentenaire, qui finit dans le bureau d’une psy – incarnée par Carole Franck, actrice décidément indispensable du cinéma français. Pour la première fois, devant cette praticienne qui ne se sent pas les épaules, mais c’est trop tard, Odette rompt la loi du silence et de la honte : elle a été abusée, violée, dans son enfance, par… le meilleur ami de ses parents, ce type si sympathique qui venait déjeuner le dimanche, et proposait toujours d’emmener la fillette en vacances avec ses propres enfants. Comment hurler que cet homme si apparemment normal, et admiré par le père et la mère d’Odette parce qu’il a bien réussi dans la vie, est un malade, une ordure, qui s’enferme avec vous dans la salle de bains, et vous culpabilise quand vous essayez de murmurer « non » ? La petite blonde au teint clair se tait, sage comme une image, mais son corps, son âme, se gonflent de rage.
L’imagination est au pouvoir contre la douleur

Au départ, le film inquiète un peu dans ses libertés de mise en scène, comme ce moment où Odette enfant, qui rêve de devenir danseuse étoile, se met à flotter au-dessus de la scène du cours de danse tenu par une Ariane Ascaride qui en fait des tonnes. Mais, soudain, la psy intervient, à notre place, au sein même de la séquence : « vous racontez n’importe quoi, Odette ». Traduction : vous filmez n’importe comment, Andréa. La réponse vient, aussi insolite qu’épatante : ceci est un fantasme nécessaire à la thérapie, un pas de côté, une distance vitale, et tout le film sera ainsi.

A partir de là, nous voilà complices de chaque petite trouvaille de mise en scène (ou en abyme). L’imagination est au pouvoir contre la douleur, les lieux et les époques s’emboîtent, les souvenirs passent par les portes du cabinet de la psy ou de la chambre d’Odette comme à travers les cloisons amovibles d’une maison de poupée. L’enfance garde son mot à dire, même si la réalisatrice-danseuse-actrice est devenue, adulte, une boule d’énergie, de rage solaire, de muscles tendus.
Face à la honte

Autour d’elle, Pierre Deladonchamps – glaçant – donne au pédophile d’odieux accents mielleux. En père trop doux pour envisager le pire, Clovis Cornillac est magnifique, et bouleversant de simplicité lors d’une scène, où, enfin, quelqu’un demande pardon à Odette. Et il y a Karin Viard. La mère. Celle qui, même une fois la vérité enfin crachée, ne peut se résoudre au scandale, à la honte, à « ce que diront les gens ». Une femme raide, cassante, peu sympathique, mais dont l’actrice fait un personnage ambigu, lourd, sans doute, d’un passé sur lequel elle ne s’est pas attardée : la vie est dure, alors elle l’est, elle aussi, devenue. Une femme de cette génération qui n’avait pas de temps à perdre chez un psy ou à demander réparation. Et c’est la grande réussite de ces Chatouilles de montrer à quel point il est bon et beau de se réparer.

Guillemette Odicino (Télérama)

Soirée rencontre
lundi 26 novembre 2018 à 20h00

en présence de Catherine Deroche, sénatrice du Maine-et-Loire, présidente de la Mission sénatoriale sur les abus sexuels sur mineurs, Corinne Bouchoux, ancienne sénatrice du Maine-et-Loire, Yves Denéchère, directeur du programme régional EnJeu[x], Enfance & Jeunesse et Marie Laurendeau-Petit, présidente de l'antenne locale "stop aux violences sexuelles"

Soirée organisée en collaboration avec la coordination EnJeu[x] Enfance et Jeunesse, Université d'Angers


LES CHATOUILLES

de Andréa Bescond & Eric Métayer

avec Andréa Bescond, Karin Viard, Clovis Cornillac, Pierre Deladonchamps
FRANCE - 2018 - 1h43

Odette a huit ans, elle aime danser et dessiner.
Pourquoi se méfierait-elle d'un ami de ses parents qui lui propose de « jouer aux chatouilles »?
Une fois devenue adulte, Odette libère sa parole, et se plonge corps et âme dans sa carrière de danseuse, dans le tourbillon de la vie…

A PROPOS

Avec Eric Métayer, Andréa Bescond adapte son spectacle autobiographique, sur une jeune femme, abusée pendant son enfance par un ami de la famille, qui cherche à se reconstruire.  Une réussite.

C’est le titre le plus trompeur de ce festival. Il ne sera pas question de guili-guili dans ce premier long métrage, mais d’un sujet grave : les abus sexuels sur enfants. Sauf qu’Andréa Bescond et Eric Métayer, dont le film a vraiment enthousiasmé le public d’Un certain regard, ont choisi de le traiter avec une légèreté singulière, et un décalage psychanalytique bluffant, qui, à lui seul, est le meilleur manifeste de résilience. Andréa Bescond peut revendiquer le droit à ce parti pris : cette histoire est la sienne. Même si, après son livre et son spectacle, dansé et parlé, Les Chatouilles ou la danse de la colère, dont le film est un prolongement, elle choisit de rendre son propos plus universel.
Un type si sympathique…

Il était une fois la petite Odette, devenue jeune trentenaire, qui finit dans le bureau d’une psy – incarnée par Carole Franck, actrice décidément indispensable du cinéma français. Pour la première fois, devant cette praticienne qui ne se sent pas les épaules, mais c’est trop tard, Odette rompt la loi du silence et de la honte : elle a été abusée, violée, dans son enfance, par… le meilleur ami de ses parents, ce type si sympathique qui venait déjeuner le dimanche, et proposait toujours d’emmener la fillette en vacances avec ses propres enfants. Comment hurler que cet homme si apparemment normal, et admiré par le père et la mère d’Odette parce qu’il a bien réussi dans la vie, est un malade, une ordure, qui s’enferme avec vous dans la salle de bains, et vous culpabilise quand vous essayez de murmurer « non » ? La petite blonde au teint clair se tait, sage comme une image, mais son corps, son âme, se gonflent de rage.
L’imagination est au pouvoir contre la douleur

Au départ, le film inquiète un peu dans ses libertés de mise en scène, comme ce moment où Odette enfant, qui rêve de devenir danseuse étoile, se met à flotter au-dessus de la scène du cours de danse tenu par une Ariane Ascaride qui en fait des tonnes. Mais, soudain, la psy intervient, à notre place, au sein même de la séquence : « vous racontez n’importe quoi, Odette ». Traduction : vous filmez n’importe comment, Andréa. La réponse vient, aussi insolite qu’épatante : ceci est un fantasme nécessaire à la thérapie, un pas de côté, une distance vitale, et tout le film sera ainsi.

A partir de là, nous voilà complices de chaque petite trouvaille de mise en scène (ou en abyme). L’imagination est au pouvoir contre la douleur, les lieux et les époques s’emboîtent, les souvenirs passent par les portes du cabinet de la psy ou de la chambre d’Odette comme à travers les cloisons amovibles d’une maison de poupée. L’enfance garde son mot à dire, même si la réalisatrice-danseuse-actrice est devenue, adulte, une boule d’énergie, de rage solaire, de muscles tendus.
Face à la honte

Autour d’elle, Pierre Deladonchamps – glaçant – donne au pédophile d’odieux accents mielleux. En père trop doux pour envisager le pire, Clovis Cornillac est magnifique, et bouleversant de simplicité lors d’une scène, où, enfin, quelqu’un demande pardon à Odette. Et il y a Karin Viard. La mère. Celle qui, même une fois la vérité enfin crachée, ne peut se résoudre au scandale, à la honte, à « ce que diront les gens ». Une femme raide, cassante, peu sympathique, mais dont l’actrice fait un personnage ambigu, lourd, sans doute, d’un passé sur lequel elle ne s’est pas attardée : la vie est dure, alors elle l’est, elle aussi, devenue. Une femme de cette génération qui n’avait pas de temps à perdre chez un psy ou à demander réparation. Et c’est la grande réussite de ces Chatouilles de montrer à quel point il est bon et beau de se réparer.

Guillemette Odicino (Télérama)