EUFORIA - Valeria Golino

A PROPOS

Flamboyant : c’est sans doute l’adjectif qui convient le mieux à Matteo, quand on le découvre, pressé de vivre et de jouir. Organisateur d’événement chics et culturels, amateur d’art, d’hommes, d’excès, de luxe et de fêtes, il mène son existence opulente et survoltée bien loin de la ville de province et du milieu petit-bourgeois où il a grandi. Ettore, lui, est resté. C’est le grand frère taiseux, bourru, mélancolique et père de famille, devenu presque un étranger. Mais le jour où Matteo apprend, après avoir montré des radios à un ami médecin, que son rugueux aîné a une tumeur fatale au cerveau, il prend deux décisions majeures : celle d’accueillir le malade chez lui, à Rome, pour le rapprocher du meilleur hôpital. Et celle de taire la gravité de la situation à toute la famille, y compris au principal intéressé. Et peut-être de se mentir aussi, un peu, à lui-même…

Pour son deuxième long métrage en tant que réalisatrice (après Miele, en 2013, qui brassait déjà les thèmes de la maladie et de la mort), Valeria Golino développe l’histoire d’un adieu lancinant mais étrangement chaleureux, d’un deuil anticipé, mais aussi d’une relation fraternelle bien vivante : de ce côté-là, rien n’est incurable, ni les tensions, ni les différences, ni l’usure du temps. C’est le constat doux-amer et émouvant qui équilibre le film, un fragile contrepoids à la mort qui vient.

C’est aussi l’occasion, pour la cinéaste, de construire deux beaux personnages masculins, subtils négatifs l’un de l’autre, dont la cohabitation fonctionne comme un bain révélateur : à chacun ses fêlures, ses contradictions sous la surface. Ettore (Valerio Mastandrea, tout en détresse hérissée) n’est pas dupe : il sait qu’il va mourir, bientôt. Et les efforts de son encombrant frangin, tout ce désespoir déguisé en déni coloré, l’agacent d’autant plus qu’ils le touchent. Le malade, grand gaillard pâle et renfrogné, semble incongru, déplacé, dans l’appartement de Matteo. Il fait tâche, avec ses vêtements ordinaires, ses cernes, sa mauvaise humeur et ses regrets muets. Sa présence révèle une discordance, parmi les œuvres d’art et les équipements high tech, et jusqu’au toit-terrasse sous le ciel.
Ultime dialogue

Ce décor de catalogue pour millionnaires, Valeria Golino ne s’y attarde pas gratuitement : elle le filme pour ce qu’il est, un trompe-l’œil, un prolongement du masque exubérant et charmeur que porte Matteo. Un artifice parmi d’autre pour donner le change, échapper à l’angoisse qui guette, à une noirceur diffuse.

Matteo, c’est Riccardo Scarmacio (Romanzo Criminale), magnifique, qui lui offre un charisme fébrile, une énergie fanfaronne et blessée. D’abord très entourée – un brouhaha moins convaincant de collègues, amant-ami, compagnons de fête, épouse, gamin et mère – la fratrie se resserre, s’évade peu à peu et renoue, le temps d’une belle scène, sous des nuées d’oiseaux, un ultime dialogue avant le silence.

Cécile Mury (Télérama)

Avant-première
lundi 19 novembre 2018 à 19h45

nSoirée organisée en collaboration avec l'Université d'Angers et Cinéma Parlant dans le cadre de la semaine de cinéma de langue italienne


EUFORIA

de Valeria Golino

avec Riccardo Scamarcio, Valerio Mastandrea, Isabella Ferrari
ITALIE - 2018 - 1h55 - VOST - Cannes 2018

Une situation difficile donne à deux frères éloignés l'occasion de se connaître davantage. Matteo est un jeune entrepreneur prospère, ouvert d'esprit, charmant et dynamique. Son frère Ettore vit toujours dans la petite ville de province où ils sont nés et enseigne au collège local. C'est un homme prudent et honnête. Tous les deux vont découvrir qu'un lien très étroit les rapproche.

A PROPOS

Flamboyant : c’est sans doute l’adjectif qui convient le mieux à Matteo, quand on le découvre, pressé de vivre et de jouir. Organisateur d’événement chics et culturels, amateur d’art, d’hommes, d’excès, de luxe et de fêtes, il mène son existence opulente et survoltée bien loin de la ville de province et du milieu petit-bourgeois où il a grandi. Ettore, lui, est resté. C’est le grand frère taiseux, bourru, mélancolique et père de famille, devenu presque un étranger. Mais le jour où Matteo apprend, après avoir montré des radios à un ami médecin, que son rugueux aîné a une tumeur fatale au cerveau, il prend deux décisions majeures : celle d’accueillir le malade chez lui, à Rome, pour le rapprocher du meilleur hôpital. Et celle de taire la gravité de la situation à toute la famille, y compris au principal intéressé. Et peut-être de se mentir aussi, un peu, à lui-même…

Pour son deuxième long métrage en tant que réalisatrice (après Miele, en 2013, qui brassait déjà les thèmes de la maladie et de la mort), Valeria Golino développe l’histoire d’un adieu lancinant mais étrangement chaleureux, d’un deuil anticipé, mais aussi d’une relation fraternelle bien vivante : de ce côté-là, rien n’est incurable, ni les tensions, ni les différences, ni l’usure du temps. C’est le constat doux-amer et émouvant qui équilibre le film, un fragile contrepoids à la mort qui vient.

C’est aussi l’occasion, pour la cinéaste, de construire deux beaux personnages masculins, subtils négatifs l’un de l’autre, dont la cohabitation fonctionne comme un bain révélateur : à chacun ses fêlures, ses contradictions sous la surface. Ettore (Valerio Mastandrea, tout en détresse hérissée) n’est pas dupe : il sait qu’il va mourir, bientôt. Et les efforts de son encombrant frangin, tout ce désespoir déguisé en déni coloré, l’agacent d’autant plus qu’ils le touchent. Le malade, grand gaillard pâle et renfrogné, semble incongru, déplacé, dans l’appartement de Matteo. Il fait tâche, avec ses vêtements ordinaires, ses cernes, sa mauvaise humeur et ses regrets muets. Sa présence révèle une discordance, parmi les œuvres d’art et les équipements high tech, et jusqu’au toit-terrasse sous le ciel.
Ultime dialogue

Ce décor de catalogue pour millionnaires, Valeria Golino ne s’y attarde pas gratuitement : elle le filme pour ce qu’il est, un trompe-l’œil, un prolongement du masque exubérant et charmeur que porte Matteo. Un artifice parmi d’autre pour donner le change, échapper à l’angoisse qui guette, à une noirceur diffuse.

Matteo, c’est Riccardo Scarmacio (Romanzo Criminale), magnifique, qui lui offre un charisme fébrile, une énergie fanfaronne et blessée. D’abord très entourée – un brouhaha moins convaincant de collègues, amant-ami, compagnons de fête, épouse, gamin et mère – la fratrie se resserre, s’évade peu à peu et renoue, le temps d’une belle scène, sous des nuées d’oiseaux, un ultime dialogue avant le silence.

Cécile Mury (Télérama)