EN LIBERTÉ ! - Pierre Salvadori

A PROPOS

Rires en cascades et salves d’applaudissements lors de la projection du film de Pierre Salvadori. Avec une Adèle Haenel filmée comme jamais, sa comédie redonne toute sa place au genre.

Certes, il a parfois obtenu de francs succès — avec Hors de prix et Dans la cour par exemple. Mais il est discret, pas forcément connu du grand public. A tort. On s’obstine à le dire pourtant depuis pas mal d’années : Pierre Salvadori est le meilleur auteur de comédies en France. Entendons-nous bien : on ne parle pas de la comédie franchouillarde qui nivelle vers le bas. Mais de la comédie burlesque, sophistiquée, qui prend très au sérieux le genre, qui fait de l’humour, n’ayons par peur des mots, une philosophie de la vie. Pour preuve, En liberté !, qui a déclenché des rires en cascades dans la salle de la Quinzaine, avant une salve d’applaudissements qui faisait plaisir à entendre, tant cette fois elle ne signifiait pas « Merci de nous avoir donné de la joie » mais plutôt « Merci de croire à notre intelligence de spectateur. »
Jeu des vérités et des mensonges

Soit Yvonne, une jeune inspectrice de police impétueuse (Adèle Haenel, flamboyante, qui n’a jamais été si bien filmée) qui aime raconter des histoires à son fils, le soir avant de s’endormir. En fait, c’est souvent la même histoire, mais avec des variantes, focalisée sur le papa défunt (Vincent Elbaz), un flic héroïque. Lorsque la mère raconte, les images défilent à l’écran. On voit le père qui explose une porte, faire irruption arme au poings, neutraliser tous les méchants avec une dextérité digne à la fois de Belmondo, Mel Gibson et James Bond. Un mauvais film ? Disons un film d’action standard, mais déjà rehaussé d’humour. Dans la vraie vie, c’est moins drôle : le père est mort l’arme au poing, en grand professionnel. On a érigé une satue (d’un mauvais goût absolu) à sa mémoire, face au port de Marseille. Sa veuve l’a mauvaise. Mais le pire l’attend : elle apprend accidentellement que son mari était en fait un ripou doublé d’un salaud, qui s’est débrouillé pour qu’un innocent (Pio Marmaï, déchaîné) porte le chapeau dans l’une de ses combines et aille en prison.

L’idée forte, c’est qu’Yvonne, rongée par la culpabilité, se met en tête de retrouver le bel innocent, qui vient de sortir de prison. Leur rencontre provoque une escalade d’épisodes totalement rocambolesque, qui s’appuie sur des quiproquos, l’absurde, le simulacre, le jeu des vérités et des mensonges. Les enjeux sont multiples : être une mère juste (comment dire au fils que son père est un truqueur ?), échapper à la culpabilité, parvenir à dépasser la rancœur et la violence due à l’injustice… En liberté ! est le chassé-croisé ébouriffant de quatre personnages qui ne savent plus vraiment qui ils sont et se font toutes sortes de films. A l’inspectrice et à l’innocent qui parle tout seul et peut soudain se transformer en bête enragée, s’ajoutent un troisième flic distrait et affectueux (Damien Bonnard) ainsi qu’une amoureuse inquiète et profondément altruiste (Audrey Tautou).

Dans ce film un peu fou, un type mord les oreilles et les arrache, un couple s’ennivre de déclarations d’amour et de peur, un autre couple braque une bijouterie en tenue SM, un tueur en série tout penaud trimballe avec lui les têtes de ses victimes dans des sacs plastiques mais personne ne s’intéresse à lui... Mené tambour battant, servi par des dialogues poétiques qui glissent tout seul et fusent, En liberté ! est grisant comme du champagne et produit encore plus de magie que ce dernier. Car il nous tend un miroir sur ce que nous sommes : des spectateurs toujours assoiffés d’émotion.

Jacques Morice (Télérama)

Avant première
vendredi 26 octobre 2018 à 19h45


EN LIBERTÉ !

de Pierre Salvadori

avec Adèle Haenel, Pio Marmai, Audrey Tautou
FRANCE - 2018 - 1h47

Yvonne jeune inspectrice de police, découvre que son mari, le capitaine Santi, héros local tombé au combat, n'était pas le flic courageux et intègre qu'elle croyait mais un véritable ripou. Déterminée à réparer les torts commis par ce dernier, elle va croiser le chemin d'Antoine injustement incarcéré par Santi pendant huit longues années. Une rencontre inattendue et folle qui va dynamiter leurs vies à tous les deux.

A PROPOS

Rires en cascades et salves d’applaudissements lors de la projection du film de Pierre Salvadori. Avec une Adèle Haenel filmée comme jamais, sa comédie redonne toute sa place au genre.

Certes, il a parfois obtenu de francs succès — avec Hors de prix et Dans la cour par exemple. Mais il est discret, pas forcément connu du grand public. A tort. On s’obstine à le dire pourtant depuis pas mal d’années : Pierre Salvadori est le meilleur auteur de comédies en France. Entendons-nous bien : on ne parle pas de la comédie franchouillarde qui nivelle vers le bas. Mais de la comédie burlesque, sophistiquée, qui prend très au sérieux le genre, qui fait de l’humour, n’ayons par peur des mots, une philosophie de la vie. Pour preuve, En liberté !, qui a déclenché des rires en cascades dans la salle de la Quinzaine, avant une salve d’applaudissements qui faisait plaisir à entendre, tant cette fois elle ne signifiait pas « Merci de nous avoir donné de la joie » mais plutôt « Merci de croire à notre intelligence de spectateur. »
Jeu des vérités et des mensonges

Soit Yvonne, une jeune inspectrice de police impétueuse (Adèle Haenel, flamboyante, qui n’a jamais été si bien filmée) qui aime raconter des histoires à son fils, le soir avant de s’endormir. En fait, c’est souvent la même histoire, mais avec des variantes, focalisée sur le papa défunt (Vincent Elbaz), un flic héroïque. Lorsque la mère raconte, les images défilent à l’écran. On voit le père qui explose une porte, faire irruption arme au poings, neutraliser tous les méchants avec une dextérité digne à la fois de Belmondo, Mel Gibson et James Bond. Un mauvais film ? Disons un film d’action standard, mais déjà rehaussé d’humour. Dans la vraie vie, c’est moins drôle : le père est mort l’arme au poing, en grand professionnel. On a érigé une satue (d’un mauvais goût absolu) à sa mémoire, face au port de Marseille. Sa veuve l’a mauvaise. Mais le pire l’attend : elle apprend accidentellement que son mari était en fait un ripou doublé d’un salaud, qui s’est débrouillé pour qu’un innocent (Pio Marmaï, déchaîné) porte le chapeau dans l’une de ses combines et aille en prison.

L’idée forte, c’est qu’Yvonne, rongée par la culpabilité, se met en tête de retrouver le bel innocent, qui vient de sortir de prison. Leur rencontre provoque une escalade d’épisodes totalement rocambolesque, qui s’appuie sur des quiproquos, l’absurde, le simulacre, le jeu des vérités et des mensonges. Les enjeux sont multiples : être une mère juste (comment dire au fils que son père est un truqueur ?), échapper à la culpabilité, parvenir à dépasser la rancœur et la violence due à l’injustice… En liberté ! est le chassé-croisé ébouriffant de quatre personnages qui ne savent plus vraiment qui ils sont et se font toutes sortes de films. A l’inspectrice et à l’innocent qui parle tout seul et peut soudain se transformer en bête enragée, s’ajoutent un troisième flic distrait et affectueux (Damien Bonnard) ainsi qu’une amoureuse inquiète et profondément altruiste (Audrey Tautou).

Dans ce film un peu fou, un type mord les oreilles et les arrache, un couple s’ennivre de déclarations d’amour et de peur, un autre couple braque une bijouterie en tenue SM, un tueur en série tout penaud trimballe avec lui les têtes de ses victimes dans des sacs plastiques mais personne ne s’intéresse à lui... Mené tambour battant, servi par des dialogues poétiques qui glissent tout seul et fusent, En liberté ! est grisant comme du champagne et produit encore plus de magie que ce dernier. Car il nous tend un miroir sur ce que nous sommes : des spectateurs toujours assoiffés d’émotion.

Jacques Morice (Télérama)