PAS DE PRINTEMPS POUR MARNIE - Alfred Hitchcock

A PROPOS

Longtemps considéré comme un Hitchcock mineur, Marnie est une splendeur malade, le chant du cygne douloureux du grand Alfred.

Marnie est une voleuse. Issue d'un milieu modeste, rejetée par sa mère, elle se fait embaucher dans des banques ou des compagnies d'assurances, dévalise ses employeurs puis change d'identité et disparaît. Son nouveau patron, qui se doute de ses intentions malhonnêtes, tente de la séduire. Elle le cambriole, il la rattrape et l'épouse au lieu de la livrer à la police, dans l'espoir de percer le secret de la jeune femme. Si la kleptomanie de l'héroïne est un substitut à sa frigidité, Marnie resta pour Hitchcock une expérience douloureuse. Le cinéaste souhaitait réaliser Marnie après Psychose. Le succès de ce film terrifiant l'avait sans doute conforté dans l'idée selon laquelle le public était prêt pour un nouveau type de divertissement policier, plus adulte et choquant. L'histoire de Marnie lui permettait d'aborder de façon concrète le thème de la psychanalyse et des névroses sexuelles de ses personnages, qui le fascinaient tant. Le désistement de Grace Kelly fut le premier obstacle à la réalisation de son projet : la blonde préférée d'Hitchcock (et son amour malheureux) avait décidé d'abandonner sa carrière d'actrice pour se consacrer à ses obligations princières. Hitchcock se rabat sur Les Oiseaux, un film qui traite lui aussi de la sexualité féminine et de la frigidité, mais sur un mode moins explicite. Il reporte par la même occasion son désir, et son choix de cinéaste, sur Tippi Hedren, actrice débutante, pour interpréter Marnie.  Pas de printemps pour Marnie propose une utilisation de la psychanalyse beaucoup plus subtile que dans La Maison du docteur Edwards, relayée par une beauté plastique qui représente l'aboutissement du travail hitchcockien sur la couleur, la construction géométrique des plans et l'utilisation de la musique. Les premières scènes du film, qui montrent une silhouette de dos s'éloignant sur un quai de gare, ou des gros plans de chevelure, rivalisent de perfection. C'est aussi dans Marnie qu'Hitchcock intègre avec le plus de bonheur des compositions picturales proches de la peinture futuriste ou surréaliste. Le plan du quai ressemble à un tableau de De Chirico, et la fameuse toile peinte représentant le port de Baltimore évoque Magritte. Malgré ou à cause de sa vénéneuse beauté, Marnie fut un échec critique et public. Contrairement aux prédictions du Maître, personne ne souhaitait assister à un spectacle aussi désespéré et sombre, traversé par la tristesse et la souffrance, où la névrose contamine non seulement les actes de l'héroïne mais également le film tout entier. Cette œuvre ambitieuse fut la dernière que le cinéaste réalisa avec ses principaux collaborateurs. Le directeur de la photographie Robert Burks, auteur des sublimes images couleur de sa période dorée, et son monteur George Tomasini décédèrent après le tournage ; et Hitchcock se fâcha définitivement avec son compositeur Bernard Herrmann au moment de la préparation du Rideau déchiré. Une impression de déclin se fait sentir dans le choix des acteurs. La séduction de Cary Grant et Grace Kelly cède la place à la bestialité terne de Sean Connery et à la fragilité de Tippi Hedren sadisée par le Maître devant et derrière la caméra. "Grand film malade", effritement de l'édifice hitchcockien, début de la fin ou fin de partie sublime... Les qualificatifs ne manquent pas pour désigner Marnie, longtemps considéré comme un film raté et qui siège désormais parmi les préférés des cinéphiles, aux côtés des Enchaînés et de Sueurs froides.

Olivier Père (Les inrocks)

Ciné Classique
dimanche 10 décembre 2017 à 17h45

présenté par Louis Mathieu, président de Cinéma Parlant

Soirée organisée en collaboration avec Cinéma Parlant


PAS DE PRINTEMPS POUR MARNIE

de Alfred Hitchcock

avec Tippi Hedren, Sean Connery, Diane Baker
USA - 1964 - 2h10 - VOST - Réédition - Version restaurée

Mark Rutland sait qu'à chaque nouvel emploi Marnie Edgar déleste ses employeurs. Intrigué par son comportement et attiré par sa fascinante beauté, il l'engage tout de même comme secrétaire-comptable dans sa maison d'édition. Un jour, la jeune femme s'enfuit avec la caisse. Mark s'aperçoit du vol et donne le choix à Marnie entre le mariage ou la dénonciation à la police. 
http://www.lafilmotheque.fr/films/pas-de-printemps-pour-marnie/

A PROPOS

Longtemps considéré comme un Hitchcock mineur, Marnie est une splendeur malade, le chant du cygne douloureux du grand Alfred.

Marnie est une voleuse. Issue d'un milieu modeste, rejetée par sa mère, elle se fait embaucher dans des banques ou des compagnies d'assurances, dévalise ses employeurs puis change d'identité et disparaît. Son nouveau patron, qui se doute de ses intentions malhonnêtes, tente de la séduire. Elle le cambriole, il la rattrape et l'épouse au lieu de la livrer à la police, dans l'espoir de percer le secret de la jeune femme. Si la kleptomanie de l'héroïne est un substitut à sa frigidité, Marnie resta pour Hitchcock une expérience douloureuse. Le cinéaste souhaitait réaliser Marnie après Psychose. Le succès de ce film terrifiant l'avait sans doute conforté dans l'idée selon laquelle le public était prêt pour un nouveau type de divertissement policier, plus adulte et choquant. L'histoire de Marnie lui permettait d'aborder de façon concrète le thème de la psychanalyse et des névroses sexuelles de ses personnages, qui le fascinaient tant. Le désistement de Grace Kelly fut le premier obstacle à la réalisation de son projet : la blonde préférée d'Hitchcock (et son amour malheureux) avait décidé d'abandonner sa carrière d'actrice pour se consacrer à ses obligations princières. Hitchcock se rabat sur Les Oiseaux, un film qui traite lui aussi de la sexualité féminine et de la frigidité, mais sur un mode moins explicite. Il reporte par la même occasion son désir, et son choix de cinéaste, sur Tippi Hedren, actrice débutante, pour interpréter Marnie.  Pas de printemps pour Marnie propose une utilisation de la psychanalyse beaucoup plus subtile que dans La Maison du docteur Edwards, relayée par une beauté plastique qui représente l'aboutissement du travail hitchcockien sur la couleur, la construction géométrique des plans et l'utilisation de la musique. Les premières scènes du film, qui montrent une silhouette de dos s'éloignant sur un quai de gare, ou des gros plans de chevelure, rivalisent de perfection. C'est aussi dans Marnie qu'Hitchcock intègre avec le plus de bonheur des compositions picturales proches de la peinture futuriste ou surréaliste. Le plan du quai ressemble à un tableau de De Chirico, et la fameuse toile peinte représentant le port de Baltimore évoque Magritte. Malgré ou à cause de sa vénéneuse beauté, Marnie fut un échec critique et public. Contrairement aux prédictions du Maître, personne ne souhaitait assister à un spectacle aussi désespéré et sombre, traversé par la tristesse et la souffrance, où la névrose contamine non seulement les actes de l'héroïne mais également le film tout entier. Cette œuvre ambitieuse fut la dernière que le cinéaste réalisa avec ses principaux collaborateurs. Le directeur de la photographie Robert Burks, auteur des sublimes images couleur de sa période dorée, et son monteur George Tomasini décédèrent après le tournage ; et Hitchcock se fâcha définitivement avec son compositeur Bernard Herrmann au moment de la préparation du Rideau déchiré. Une impression de déclin se fait sentir dans le choix des acteurs. La séduction de Cary Grant et Grace Kelly cède la place à la bestialité terne de Sean Connery et à la fragilité de Tippi Hedren sadisée par le Maître devant et derrière la caméra. "Grand film malade", effritement de l'édifice hitchcockien, début de la fin ou fin de partie sublime... Les qualificatifs ne manquent pas pour désigner Marnie, longtemps considéré comme un film raté et qui siège désormais parmi les préférés des cinéphiles, aux côtés des Enchaînés et de Sueurs froides.

Olivier Père (Les inrocks)