LA SOLITUDE DU COUREUR DE FOND - Tony Richardson

A PROPOS

Deux ans après la réussite et le succès d’Un goût de miel, Tony Richardson poursuit dans l’adaptation littéraire en transposant à l’écran un roman d’Alan Sillitoe, à qui il confie le soin d’écrire le scénario. L’ouvrage avait déjà une forte connotation de dénonciation sociale que l’on retrouve ici à travers cette histoire de jeune inadapté refusant d’être récupéré par un système responsable de ses échecs. Pour incarner Colin, Richardson a fait appel à Tom Courtenay, futur interprète du déserteur dans Pour l’exemple (J. Losey, 1964), et qui devint après Laurence Harvey dans Les chemins de la haute ville (Jack Clayton, 1959), Albert Finney dans Samedi soir, dimanche matin (Karel Reisz, 1960), et avant Richard Harris dans Le prix d’un homme (Lindsay Anderson, 1963), l’un des acteurs emblématiques du Free cinema. Le cinéaste retrouve par ailleurs son chef opérateur Walter Lasselly dont le travail sur la photo est ici remarquable, alternant les prises de vue esthétiques (l’échappée sur la plage, les courses dans la forêt) et les compositions plus réalistes, sans céder aux sirènes du naturalisme appuyé ou du maniérisme onirique. Le film est en fait une synthèse entre un cinéma classique et un art plus contestataire et novateur, sur le fond comme la forme.
Du premier, Richardson retient la solidité d’un matériau littéraire, le recours à une psychologie explicative (la figure du père) et le recours à des comédiens chevronnés comme Michael Redgrave, grand nom de la scène et vedette des années 30/50, impeccable dans le rôle du directeur coach. À un cinéma nouveau, Richardson emprunte le récit éclaté (le télescopage des scènes dans le centre et du flash back), l’exploration de l’inconscient du protagoniste (dans une veine certaine plus didactique et moins conceptuelle que L’année dernière à Marienbad), et surtout des innovations techniques et thématiques : une caméra légère, destinée alors uniquement aux reportages télévisés, cerne au plus près un antihéros épris de liberté mais étouffant dans le carcan d’une société conservatrice, inégalitaire et stigmatisante, ne pardonnant pas le moindre écart à ses éléments déviants. C’est par cet aspect que le film de Richardson trouve sa force, sans que jamais le cinéaste ne verse dans la lourdeur démonstrative du film à thèse ; on sera ainsi reconnaissant aux auteurs de ne pas être tombés dans les clichés de la rédemption et de la réintégration par un sport salvateur, Colin finissant par choisir son libre arbitre, fidèle à sa rébellion. En ce sens, il est bien le cousin anglais d’Antoine Doinel dans Les 400 coups et annonce les personnages déshérités des œuvres de Frears, Lee et Loach, bien avant les ravages sociaux du thatchérisme. Poétique par son écriture cinématographique et politique par sa rage dénonciatrice, La solitude du coureur de fond est donc bien une date clef dans l’histoire du cinéma anglais.

Gérard Crespo (avoiralire.com)

Ciné découverte
dimanche 10 décembre 2017 à 11h00

Tarif unique  : 4.80€

Séance organisée en collaboration avec Cinéma Parlant


LA SOLITUDE DU COUREUR DE FOND

de Tony Richardson

avec Michael Redgrave, Tom Courtenay, Alec McCowen
GRANDE BRETAGNE - 1962 - 1h45 - VOST

Par un soir d’hiver, à Nottingham, Colin Smith et son comparse cambriolent une boulangerie et s’enfuient avec la caisse. Le jeune Colin est arrêté et envoyé aussitôt en maison de redressement. Là, le directeur va vite découvrir ses talents de coureur de fond. Il en fait son favori et le soumet à un entraînement intensif. C’est pendant ses longues courses solitaires que le jeune homme s’évade en rêveries, déroule le film de sa vie passée, avec ses douleurs familiales et ses joies amoureuses. Ses prouesses font espérer qu’il gagnera le cross-country opposant les garçons du centre à de jeunes privilégiés d’une école voisine.
http://solaris-distrib.com/la-solitude-du-coureur-de-fond

A PROPOS

Deux ans après la réussite et le succès d’Un goût de miel, Tony Richardson poursuit dans l’adaptation littéraire en transposant à l’écran un roman d’Alan Sillitoe, à qui il confie le soin d’écrire le scénario. L’ouvrage avait déjà une forte connotation de dénonciation sociale que l’on retrouve ici à travers cette histoire de jeune inadapté refusant d’être récupéré par un système responsable de ses échecs. Pour incarner Colin, Richardson a fait appel à Tom Courtenay, futur interprète du déserteur dans Pour l’exemple (J. Losey, 1964), et qui devint après Laurence Harvey dans Les chemins de la haute ville (Jack Clayton, 1959), Albert Finney dans Samedi soir, dimanche matin (Karel Reisz, 1960), et avant Richard Harris dans Le prix d’un homme (Lindsay Anderson, 1963), l’un des acteurs emblématiques du Free cinema. Le cinéaste retrouve par ailleurs son chef opérateur Walter Lasselly dont le travail sur la photo est ici remarquable, alternant les prises de vue esthétiques (l’échappée sur la plage, les courses dans la forêt) et les compositions plus réalistes, sans céder aux sirènes du naturalisme appuyé ou du maniérisme onirique. Le film est en fait une synthèse entre un cinéma classique et un art plus contestataire et novateur, sur le fond comme la forme.
Du premier, Richardson retient la solidité d’un matériau littéraire, le recours à une psychologie explicative (la figure du père) et le recours à des comédiens chevronnés comme Michael Redgrave, grand nom de la scène et vedette des années 30/50, impeccable dans le rôle du directeur coach. À un cinéma nouveau, Richardson emprunte le récit éclaté (le télescopage des scènes dans le centre et du flash back), l’exploration de l’inconscient du protagoniste (dans une veine certaine plus didactique et moins conceptuelle que L’année dernière à Marienbad), et surtout des innovations techniques et thématiques : une caméra légère, destinée alors uniquement aux reportages télévisés, cerne au plus près un antihéros épris de liberté mais étouffant dans le carcan d’une société conservatrice, inégalitaire et stigmatisante, ne pardonnant pas le moindre écart à ses éléments déviants. C’est par cet aspect que le film de Richardson trouve sa force, sans que jamais le cinéaste ne verse dans la lourdeur démonstrative du film à thèse ; on sera ainsi reconnaissant aux auteurs de ne pas être tombés dans les clichés de la rédemption et de la réintégration par un sport salvateur, Colin finissant par choisir son libre arbitre, fidèle à sa rébellion. En ce sens, il est bien le cousin anglais d’Antoine Doinel dans Les 400 coups et annonce les personnages déshérités des œuvres de Frears, Lee et Loach, bien avant les ravages sociaux du thatchérisme. Poétique par son écriture cinématographique et politique par sa rage dénonciatrice, La solitude du coureur de fond est donc bien une date clef dans l’histoire du cinéma anglais.

Gérard Crespo (avoiralire.com)