WE BLEW IT - Jean-Baptiste Thoret

A PROPOS

Critique et spécialiste du cinéma, Jean Baptiste Thoret est une référence en la matière. Le voir réaliser We Blew It, un documentaire sur l’Amérique des années 1960 et 1970 à travers le regard de ses cinéastes de chevet (Michael Mann, Peter Hyams, Peter Bogdanovich, Tobe Hooper, Paul Schrader, Charles Burnett, James, Larry Cohen, etc.) n’a rien de bien étonnant tant ses ouvrages nous invitaient déjà à ce type de road-trip. Ce qui est plus surprenant par contre, c’est le voir tenter le portrait de l’Amérique d’aujourd’hui, celle qui vient d’élire le président Donald Trump. De donner ainsi la parole à ces américains persuadés que le sulfureux milliardaire fera mieux que ses prédécesseurs. Là où le documentaire, présenté à Deauville, fait très fort, c’est de confronter l’idyllique période, celle que fantasme Thoret depuis longtemps, des années 60, de 1968 à 1975 pour être précis, à savoir la révolution culturelle et festive symbolisée par Woodstock, avec la fin des années 1970 portée par la guerre du Vietnam et son rejet. La fin de l’innocence pour certains, le réveil pour d’autres, du moins celle où la simplicité du monde (de la Constitution par exemple) va peu à peu se complexifier jusqu’à devenir inaudible pour un très grand nombre. L’Amérique « rock, drogue, rock, drogue et sexe » s’en est allé. Elle s’est renfermée sur elle-même, son peuple sur soi, le Moi sur lui. Le Burning Man ne fera pas oublier le très politisé Woodstock. Le quartier de Needle Park, si cher à Jerry Schatzberg, est complètement « nettoyé » de ses drogues tandis que la route 66 doit apprendre à renouveler sa mythologie. Les Watts Tower sont derrières des grillages. Les artistes ont disparu de Venice Beach suite au couvre-feu. L’Amérique a peur et ce n’est pas près de s’améliorer. Et l’art dans tout ça. Paul Schrader remarque que les films des années 1960 et 1970 mettaient en scène ces interrogations et tentaient d’y apporter des réponses, et c’est en cela qu’ils étaient essentiels pour les Américains. Si les interviews des cinéastes sont succinctes et leurs interventions un peu généralistes, les portraits de citoyens apparaissent beaucoup plus (im)pertinents (les vétérans du Vietnam, le barbier de Seligman, les habitants de Goldfield, le fan des Rolling Stones). On pourra néanmoins reprocher à Thoret certains choix de plans de coupe, certaines longueurs, le fait de ne pas montrer d’extraits de films alors qu’il les nomme. Heureusement, sa bande originale bien présente, d’Otis Taylor à Bruce Springsteen en passant par Bob Dylan – le meilleur des États-Unis -, relève l’ensemble et c’est tant mieux.

Antoine Gaudé (cinechronicle.com)

Ciné doc / rencontre
jeudi 14 décembre 2017 à 19h45

En présence de Jean-Baptiste Thoret, réalisateur

Séance organisée en collaboration avec Cinéma Parlant 


WE BLEW IT

de Jean-Baptiste Thoret

Documentaire
FRANCE - 2017 - 2h17 - VOST - Deauville 2017

Comment l’Amérique est-elle passée d’Easy Rider à Donald Trump ? 
Que sont devenus les rêves et les utopies des années 1960 et 1970 ? 
Qu’en pensent, aujourd’hui, ceux qui ont vécu cet âge d’or ? 
Ont-ils vraiment tout foutu en l’air ?

Tourné en Cinémascope, du New Jersey à la Californie, ce road-movie mélancolique et élégiaque dresse le portrait d’une Amérique déboussolée, complexe, et chauffée à blanc par une année de campagne électorale. Inconsolable d’un âge d’or devenu sa dernière frontière romantique, elle s’apprête pourtant à appuyer sur la gâchette Trump.

http://www.lostfilmsdistribution.com/fiche_film/descriptif.php?id_fiche_film=10

A PROPOS

Critique et spécialiste du cinéma, Jean Baptiste Thoret est une référence en la matière. Le voir réaliser We Blew It, un documentaire sur l’Amérique des années 1960 et 1970 à travers le regard de ses cinéastes de chevet (Michael Mann, Peter Hyams, Peter Bogdanovich, Tobe Hooper, Paul Schrader, Charles Burnett, James, Larry Cohen, etc.) n’a rien de bien étonnant tant ses ouvrages nous invitaient déjà à ce type de road-trip. Ce qui est plus surprenant par contre, c’est le voir tenter le portrait de l’Amérique d’aujourd’hui, celle qui vient d’élire le président Donald Trump. De donner ainsi la parole à ces américains persuadés que le sulfureux milliardaire fera mieux que ses prédécesseurs. Là où le documentaire, présenté à Deauville, fait très fort, c’est de confronter l’idyllique période, celle que fantasme Thoret depuis longtemps, des années 60, de 1968 à 1975 pour être précis, à savoir la révolution culturelle et festive symbolisée par Woodstock, avec la fin des années 1970 portée par la guerre du Vietnam et son rejet. La fin de l’innocence pour certains, le réveil pour d’autres, du moins celle où la simplicité du monde (de la Constitution par exemple) va peu à peu se complexifier jusqu’à devenir inaudible pour un très grand nombre. L’Amérique « rock, drogue, rock, drogue et sexe » s’en est allé. Elle s’est renfermée sur elle-même, son peuple sur soi, le Moi sur lui. Le Burning Man ne fera pas oublier le très politisé Woodstock. Le quartier de Needle Park, si cher à Jerry Schatzberg, est complètement « nettoyé » de ses drogues tandis que la route 66 doit apprendre à renouveler sa mythologie. Les Watts Tower sont derrières des grillages. Les artistes ont disparu de Venice Beach suite au couvre-feu. L’Amérique a peur et ce n’est pas près de s’améliorer. Et l’art dans tout ça. Paul Schrader remarque que les films des années 1960 et 1970 mettaient en scène ces interrogations et tentaient d’y apporter des réponses, et c’est en cela qu’ils étaient essentiels pour les Américains. Si les interviews des cinéastes sont succinctes et leurs interventions un peu généralistes, les portraits de citoyens apparaissent beaucoup plus (im)pertinents (les vétérans du Vietnam, le barbier de Seligman, les habitants de Goldfield, le fan des Rolling Stones). On pourra néanmoins reprocher à Thoret certains choix de plans de coupe, certaines longueurs, le fait de ne pas montrer d’extraits de films alors qu’il les nomme. Heureusement, sa bande originale bien présente, d’Otis Taylor à Bruce Springsteen en passant par Bob Dylan – le meilleur des États-Unis -, relève l’ensemble et c’est tant mieux.

Antoine Gaudé (cinechronicle.com)