SANDRA - Luchino Visconti

A PROPOS

Après la fresque historique du Guépard, débauche de couleurs et de figurants, Luchino Visconti enchaîna, en 1965, avec ce tableau intimiste en noir et blanc : une façon pour lui de contrer sa réputation de démiurge dépensier. Dans une grande propriété décatie et isolée de Volterra (en Toscane), Sandra, riche héritière juive, revient après des années d'absence, en compagnie de son mari américain. Une cérémonie doit être organisée en hommage à son père, mort à Auschwitz, à la suite de la délation probable de sa mère et de son amant, qui vivent toujours. Les retrouvailles avec ces derniers et surtout avec son frère, Gianni (le rare Jean Sorel, qui a fait son grand retour dans Drôles d'oiseaux, d'Elise Girard), objet d'un amour interdit naguère, vont provoquer des déchirements. Cette tragédie familiale aux accents funèbres, qui revisite le mythe d'Electre, est restée un film mal aimé. La faute peut-être à une certaine grandiloquence. Les thèmes chers à Visconti - la famille comme refuge et piège, le paradis perdu de l'enfance, la décadence - sont pourtant finement traités, dans une ambiance délétère à souhait. Sur la perversion et le vertige du lien incestueux, le film s'avère très audacieux autant qu'élégant. Pour ses nuits anxieuses, ses paysages accidentés et balayés par le vent, son prélude obsédant de César Franck (leitmotiv jouant le même rôle que la Sonate de Vinteuil chez Proust), Sandra vaut le détour. Sans oublier l'essentiel : Claudia Cardinale qui, coiffe d'Etrusque, beauté sensuelle, « un peu lourde, animale » (d'après Visconti), donne beaucoup de puissance à son personnage de messagère implacable, d'héroïne blessée et blessante.
Jacques Morice (Télérama)

Ciné classique
dimanche 12 novembre 2017 à 17h45

présenté par Jean Pierre Bleys, spécialiste en histoire du cinéma

Soirée organisée en collaboration avec l'Université d'Angers et Cinéma Parlant dans le cadre de la semaine de cinéma de langue italienne


SANDRA

de Luchino Visconti

avec Claudia Cardinale, Michael Craig, Jean Sorel
ITALIE - 1965 - 1h45 - VOST - Lion d’Or Venise 1965

Après des années d'absence, Sandra revient à Volterra, sa ville natale pour assister à une cérémonie en la mémoire de son père. Elle est accompagnée de son mari, follement amoureux d'elle et désireux de connaître le lieu où son épouse a passé sa jeunesse. Dans cette immense maison, Sandra est envahie par les souvenirs du passé. Elle retrouve surtout son frère Gianni, jeune écrivain avec lequel elle entretient une relation ambiguë et sa mère, pianiste, qui souffre de graves troubles psychiatriques...

A PROPOS

Après la fresque historique du Guépard, débauche de couleurs et de figurants, Luchino Visconti enchaîna, en 1965, avec ce tableau intimiste en noir et blanc : une façon pour lui de contrer sa réputation de démiurge dépensier. Dans une grande propriété décatie et isolée de Volterra (en Toscane), Sandra, riche héritière juive, revient après des années d'absence, en compagnie de son mari américain. Une cérémonie doit être organisée en hommage à son père, mort à Auschwitz, à la suite de la délation probable de sa mère et de son amant, qui vivent toujours. Les retrouvailles avec ces derniers et surtout avec son frère, Gianni (le rare Jean Sorel, qui a fait son grand retour dans Drôles d'oiseaux, d'Elise Girard), objet d'un amour interdit naguère, vont provoquer des déchirements. Cette tragédie familiale aux accents funèbres, qui revisite le mythe d'Electre, est restée un film mal aimé. La faute peut-être à une certaine grandiloquence. Les thèmes chers à Visconti - la famille comme refuge et piège, le paradis perdu de l'enfance, la décadence - sont pourtant finement traités, dans une ambiance délétère à souhait. Sur la perversion et le vertige du lien incestueux, le film s'avère très audacieux autant qu'élégant. Pour ses nuits anxieuses, ses paysages accidentés et balayés par le vent, son prélude obsédant de César Franck (leitmotiv jouant le même rôle que la Sonate de Vinteuil chez Proust), Sandra vaut le détour. Sans oublier l'essentiel : Claudia Cardinale qui, coiffe d'Etrusque, beauté sensuelle, « un peu lourde, animale » (d'après Visconti), donne beaucoup de puissance à son personnage de messagère implacable, d'héroïne blessée et blessante.
Jacques Morice (Télérama)