CITIZENFOUR - Laura Poitras

A PROPOS

Dès les premières secondes, le documentaire vire au film noir. Lumières dans un tunnel, sur une autoroute. Et voix off, comme dans un film adapté d'un roman de Raymond Chandler... La cinéaste est en route pour Hongkong. Avec Glenn Greenwald, journaliste au Guardian, elle doit y rencontrer un hurluberlu qui signe « Citizenfour » ses mails : un drôle de type qui veut dénoncer les manoeuvres de la NSA (National Security Agency). Un organisme d'Etat qui espionnerait, illégalement, les communications privées des citoyens du monde entier (on apprendra, bien plus tard, que le portable de la chancelière Angela Merkel elle-même avait été piraté). Comment reconnaître Citizenfour : dans le centre commercial qui jouxte son hôtel, il aura un Rubik's Cube dans la main...

Immédiatement, on est dans une ambiance à la John Le Carré. Dans un de ces polars paranoïaques des années 1970 — Les Hommes du Président, A cause d'un assassinat — où Alan J.Pakula dénonçait les névroses d'une Amérique malade, coincée entre suspicion (l'ennemi à l'intérieur) et détestation (l'adversaire à l'extérieur). Le physique de Citizenfour accentue le romanesque made in Hollywood. Car Edward Snowden — c'est son vrai nom — ressemble à un jeune premier, avec ses lunettes, sa barbe naissante et son sourire désarmant. Au fur et à mesure de ses déclarations contre la NSA et ses méthodes, une image quasi christique naît : un individu, dur comme un roc et pur comme le cristal, prêt à sacrifier sa vie et celle de ses proches, pour le droit et la justice... L'Amérique adore ses saints laïcs. Dans les années 1930, Frank Capra en avait célébré quelques-uns : Gary Cooper dans L'Extravagant Mr Deeds, James Stewart dans Mr Smith au Sénat. Sans jamais quitter le huis clos de la chambre d'hôtel, Laura Poitras suit le passage de l'ombre à la lumière de leur fils spirituel. Elle guette son regard qui, par moments, se perd. Elle traque un rare moment de coquetterie : du gel (un rien trop) avant d'affronter les caméras. Elle fait surtout de son film, qui vient de remporter l'oscar du documentaire, un suspense extra. Une simple alerte à l'incendie, dans la chambre, devient source d'angoisse : le danger rôde en permanence...

Quelque temps après le scandale causé par ses révélations, Snowden retrouve Laura Poitras et Glenn Greenwald à Moscou. Seule la Russie — et non la France — a accepté d'accueillir ce fugitif, accusé d'espionnage, de vol et d'utilisation illégale de biens gouvernementaux. On parle à mots couverts, on déchire soigneusement les notes, griffonnées sur une feuille de papier. Sur un fragment, on devine, pourtant, un nom de code qui renvoie aux plus hautes instances du gouvernement américain. Comme dans ces séries télé dont l'ultime épisode d'une saison annonce le début de la suivante, le cauchemar continue...
Pierre Murat (Télérama)

Ciné doc
lundi 24 avril 2017 à 20h15

 Membres du collectif pour la levée de l'état d'urgence .

Soirée organisée en collaboration avec Attac et la Ligue des droits de l'homme


CITIZENFOUR

de Laura Poitras

Documentaire
USA, ALLEMAGNE - 2014 - 1h53 - VOST - Oscar 2015 du meilleur documentaire

Ce documentaire se penche sur la surveillance mondiale généralisée et retrace notamment l'histoire d'Edward Snowden, de Hongkong à Moscou. En janvier 2013, Laura Poitras, la réalisatrice de ce film, a reçu pour la première fois un message électronique anonyme signé CitizenFour, le nom de code que s'était donné Edward Snowden. Cet ancien informaticien de la NSA et de la CIA vient alors de divulguer des documents secret-défense qui prouvent l'existence d'une surveillance de masse via des écoutes sur Internet. Dans un hôtel de Hongkong, Laura Poitras filme la rencontre entre Snowden et les deux journalistes du «Guardian» qui ont révélé l'affaire : Glenn Greenwald et Ewen MacAskill...
https://citizenfourfilm.com/

A PROPOS

Dès les premières secondes, le documentaire vire au film noir. Lumières dans un tunnel, sur une autoroute. Et voix off, comme dans un film adapté d'un roman de Raymond Chandler... La cinéaste est en route pour Hongkong. Avec Glenn Greenwald, journaliste au Guardian, elle doit y rencontrer un hurluberlu qui signe « Citizenfour » ses mails : un drôle de type qui veut dénoncer les manoeuvres de la NSA (National Security Agency). Un organisme d'Etat qui espionnerait, illégalement, les communications privées des citoyens du monde entier (on apprendra, bien plus tard, que le portable de la chancelière Angela Merkel elle-même avait été piraté). Comment reconnaître Citizenfour : dans le centre commercial qui jouxte son hôtel, il aura un Rubik's Cube dans la main...

Immédiatement, on est dans une ambiance à la John Le Carré. Dans un de ces polars paranoïaques des années 1970 — Les Hommes du Président, A cause d'un assassinat — où Alan J.Pakula dénonçait les névroses d'une Amérique malade, coincée entre suspicion (l'ennemi à l'intérieur) et détestation (l'adversaire à l'extérieur). Le physique de Citizenfour accentue le romanesque made in Hollywood. Car Edward Snowden — c'est son vrai nom — ressemble à un jeune premier, avec ses lunettes, sa barbe naissante et son sourire désarmant. Au fur et à mesure de ses déclarations contre la NSA et ses méthodes, une image quasi christique naît : un individu, dur comme un roc et pur comme le cristal, prêt à sacrifier sa vie et celle de ses proches, pour le droit et la justice... L'Amérique adore ses saints laïcs. Dans les années 1930, Frank Capra en avait célébré quelques-uns : Gary Cooper dans L'Extravagant Mr Deeds, James Stewart dans Mr Smith au Sénat. Sans jamais quitter le huis clos de la chambre d'hôtel, Laura Poitras suit le passage de l'ombre à la lumière de leur fils spirituel. Elle guette son regard qui, par moments, se perd. Elle traque un rare moment de coquetterie : du gel (un rien trop) avant d'affronter les caméras. Elle fait surtout de son film, qui vient de remporter l'oscar du documentaire, un suspense extra. Une simple alerte à l'incendie, dans la chambre, devient source d'angoisse : le danger rôde en permanence...

Quelque temps après le scandale causé par ses révélations, Snowden retrouve Laura Poitras et Glenn Greenwald à Moscou. Seule la Russie — et non la France — a accepté d'accueillir ce fugitif, accusé d'espionnage, de vol et d'utilisation illégale de biens gouvernementaux. On parle à mots couverts, on déchire soigneusement les notes, griffonnées sur une feuille de papier. Sur un fragment, on devine, pourtant, un nom de code qui renvoie aux plus hautes instances du gouvernement américain. Comme dans ces séries télé dont l'ultime épisode d'une saison annonce le début de la suivante, le cauchemar continue...
Pierre Murat (Télérama)