LA FILLE DU DÉSERT - Raoul Walsh

A PROPOS

La fille du désert est d'abord un western parfait comprenant quelques-unes des figures obligées du genre (l'attaque de la diligence, le hold-up du train) filmées avec une rigueur visuelle, une économie de moyens, une perfection dans l'architecture et le mouvement des plans.

Remake et transposition en western de High Sierra réalisé huit ans plus tôt. Deuxième volet de ce qu'on peut considérer comme une trilogie de westerns tragiques (La vallée de la peur, la fille du désert, Une corde pour te pendre) basés sur le thème de la résurgence du passé. Ce thème est fondamental chez Walsh et a été traité par lui dans toutes sortes de tonalités. L'unité de cette trilogie est avant tout d'ordre stylistique : il s'agit de trois épures au classicisme parfait, baignant dans une atmosphère plastique âpre et contrastée, proche du fantastique dans le style des meilleurs Tourneur (La griffe du passé). Walsh qui s'est révélé ailleurs un maître du picaresque ou de l'épopée, témoigne dans cette autre série de films d'une variété de tons et de dons à peu près unique dans l'histoire du cinéma. De ces trois œuvres, la fille du désert est assurément la plus pessimiste. Le personnage central, assez réservé et lointain, vit comme uen tragédie l'impossibilité de changer de destin et d'identité. Walsh dédaigne dans son récit tout attendrissement et tout pathos humaniste, de même que tout exposé des circonstances atténuantes. Il décrit la trajectoire de son personnage dans un style sec et tranchant qui se révèle en même temps riche d'une infinité d'harmoniques insolites et poétiques. Elles tiennent pour une part à la densité humaine du couple formé par Wes et Colorado. A travers eux, Walsh exprime, avec un sens de la litote qu'il lui plaît parfois de cultiver ses préférences les plus profondes. Il s'est toujours senti en affinité avec les êtres en marge, avec les individualistes à l'étroit dans une classe sociale, une profession, un style de vie, voire même une race ou un destin moins riches que ne le sont leur personnalité et leur goût de l'aventure. Le héros walshien, homme ou femme, vit par excellence dans l'illimité, et parfois il en meurt. Ces harmoniques naissent aussi du choix des lieux (Le Canyon de la mort, La Cité de la lune) où s'inscrit l'action : leur puissance cosmique, leur magie inquiétante et fantomatique en appelant constamment à un ailleurs, à un autre monde peuplé d'apparitions et de réminiscences. Les tragédies de Walsh sont en effet trop vastes pour se situer uniquement sur terre.

Jacques Lourcelles 

Le 7ème Art & la Manière
jeudi 6 avril 2017 à 20h00

Suivi d'une rencontre avec Jean Charles Fitoussi, cinéaste et critique


LA FILLE DU DÉSERT

de Raoul Walsh

avec Virginia Mayo, Joel McCrea, Dorothy Malone
USA - 1949 - 1h34 - VOST

En 1870, dans une Amérique en voie de pacification, le hors-la-loi Wes McQueen parvient à s'évader de prison. Il rejoint difficilement ses complices avec qui il projette de braquer un train et fait la rencontre de la belle et mystérieuse Colorado Carson. Mais avec ses deux acolytes, McQueen ne se sent pas à l'abri d'une trahison.

A PROPOS

La fille du désert est d'abord un western parfait comprenant quelques-unes des figures obligées du genre (l'attaque de la diligence, le hold-up du train) filmées avec une rigueur visuelle, une économie de moyens, une perfection dans l'architecture et le mouvement des plans.

Remake et transposition en western de High Sierra réalisé huit ans plus tôt. Deuxième volet de ce qu'on peut considérer comme une trilogie de westerns tragiques (La vallée de la peur, la fille du désert, Une corde pour te pendre) basés sur le thème de la résurgence du passé. Ce thème est fondamental chez Walsh et a été traité par lui dans toutes sortes de tonalités. L'unité de cette trilogie est avant tout d'ordre stylistique : il s'agit de trois épures au classicisme parfait, baignant dans une atmosphère plastique âpre et contrastée, proche du fantastique dans le style des meilleurs Tourneur (La griffe du passé). Walsh qui s'est révélé ailleurs un maître du picaresque ou de l'épopée, témoigne dans cette autre série de films d'une variété de tons et de dons à peu près unique dans l'histoire du cinéma. De ces trois œuvres, la fille du désert est assurément la plus pessimiste. Le personnage central, assez réservé et lointain, vit comme uen tragédie l'impossibilité de changer de destin et d'identité. Walsh dédaigne dans son récit tout attendrissement et tout pathos humaniste, de même que tout exposé des circonstances atténuantes. Il décrit la trajectoire de son personnage dans un style sec et tranchant qui se révèle en même temps riche d'une infinité d'harmoniques insolites et poétiques. Elles tiennent pour une part à la densité humaine du couple formé par Wes et Colorado. A travers eux, Walsh exprime, avec un sens de la litote qu'il lui plaît parfois de cultiver ses préférences les plus profondes. Il s'est toujours senti en affinité avec les êtres en marge, avec les individualistes à l'étroit dans une classe sociale, une profession, un style de vie, voire même une race ou un destin moins riches que ne le sont leur personnalité et leur goût de l'aventure. Le héros walshien, homme ou femme, vit par excellence dans l'illimité, et parfois il en meurt. Ces harmoniques naissent aussi du choix des lieux (Le Canyon de la mort, La Cité de la lune) où s'inscrit l'action : leur puissance cosmique, leur magie inquiétante et fantomatique en appelant constamment à un ailleurs, à un autre monde peuplé d'apparitions et de réminiscences. Les tragédies de Walsh sont en effet trop vastes pour se situer uniquement sur terre.

Jacques Lourcelles