DE BON MATIN - Jean-Marc Moutout

A PROPOS

Jean-Marc Moutout renoue avec le sujet qui avait fait tout l’intérêt de Violence des échanges en milieu tempéré, la difficulté qu’a l’individu à trouver sa place dans un monde du travail impitoyable qui le nie.

De bon matin, de Jean-Marc Moutout.  France. 1 h 31. On se souvient peut-être d’un célèbre discours de Staline au Kremlin qui s’appelait « L’homme, le capital le plus précieux ». L’histoire a pu transformer en ironie le propos, mais il n’empêche. Tout ce que fait Jean-Marc Moutout depuis que, comme Laurent Cantet et quelques autres, il ausculte les purulences de la société contemporaine nous renvoie à cette phrase. Cette fois encore. L’histoire est celle de Paul Wertret, cadre sur la cinquantaine, qui se rend comme d’habitude le matin à la Banque internationale de commerce et de financement, où il est chargé d’affaires. Sinon que, ce jour-là, il est armé et, aussitôt arrivé, descend froidement et sans prétexte immédiat deux collègues. Comment a-t-il pu en arriver là ? 
L’histoire, tirée d’un fait divers, est authentique. Elle fait penser par ailleurs à cette épidémie de mal-être à l’entreprise qui trouva son apogée lors des suicides en série qui eurent pour cadre France Télécom.

Renonçant à toute approche linéaire, le réalisateur profite du temps de latence qui suit les meurtres pour faire plonger son personnage dans ses souvenirs, eux-mêmes traités dans le non-respect d’une chronologie stricte, avant qu’un final, au sens musical, réconcilie temps de l’affect et temps de la narration. Paul était un des espoirs de l’entreprise, on lui confiait les gros dossiers et un bel avenir lui était promis. Mais l’encadrement a changé, d’autres sont venus avec leurs rivalités et avec leurs méthodes encore plus impitoyables. Il s’est senti évincé. Son rendement a baissé, et par rapport aux collègues et par rapport à son propre chiffre d’affaires. La crise des subprimes est arrivée, obligeant la direction à tenter de compenser ses propres choix économiques hasardeux par une pression encore renforcée sur ses collaborateurs, les obligeant de surcroît à expliquer au client, afin de le retenir, que la maison a les reins solides alors qu’ils sont les premiers à savoir en interne qu’il n’en est rien.

Tout cela, Jean-Marc Moutout le raconte sans trémolos, dans les couleurs métallisées d’un certain immobilier de bureau contemporain. Il a su trouver en Jean-Pierre Daroussin l’interprète taciturne et introverti qui convient au rôle. Daroussin est remarquable de sobriété, comme n’est pas mal non plus Xavier Beauvois en faire-valoir maléfique, le nouveau chef qui croit qu’il suffit de tutoyer son équipe pour que les barrières du stress disparaissent. Le cinéma, à la suite du livre, nous avait donné On achève bien les chevaux. Nous en avons là une version qui reste d’actualité, même si elle se déroule chez les cadres.

Jean Roy
Mercredi, 5 Octobre, 2011
L'Humanité

Soirée rencontre
lundi 20 mars 2017 à 20h15

en présence de Christine Fourage, sociologue, chargée de mission pour des enquêtes de santé au travail, Rudy Ozelle, médecin interne et Aurore Le Nail, psychologue.


Soirée organisée dans le cadre de la semaine internationale de la santé mentale


DE BON MATIN

de Jean-Marc Moutout

avec Jean-Pierre Darroussin, Valérie Dréville, Xavier Beauvois
FRANCE - 2011 - 1h31

Lundi matin, Paul Wertret, cinquante ans, se rend à la Banque Internationale de Commerce et de Financement, où il est chargé d'affaires. Il arrive, comme à son habitude, à huit heures. Il s'introduit dans une salle de réunion, sort un revolver et abat deux de ses supérieurs. Puis il s'enferme dans son bureau. Dans l'attente des forces de l'ordre, cet homme, jusque là sans histoire, revoit des pans de sa vie et les événements qui l'ont conduit à commettre son acte.
http://www.filmsdulosange.fr/fr/film/16/de-bon-matin

A PROPOS

Jean-Marc Moutout renoue avec le sujet qui avait fait tout l’intérêt de Violence des échanges en milieu tempéré, la difficulté qu’a l’individu à trouver sa place dans un monde du travail impitoyable qui le nie.

De bon matin, de Jean-Marc Moutout.  France. 1 h 31. On se souvient peut-être d’un célèbre discours de Staline au Kremlin qui s’appelait « L’homme, le capital le plus précieux ». L’histoire a pu transformer en ironie le propos, mais il n’empêche. Tout ce que fait Jean-Marc Moutout depuis que, comme Laurent Cantet et quelques autres, il ausculte les purulences de la société contemporaine nous renvoie à cette phrase. Cette fois encore. L’histoire est celle de Paul Wertret, cadre sur la cinquantaine, qui se rend comme d’habitude le matin à la Banque internationale de commerce et de financement, où il est chargé d’affaires. Sinon que, ce jour-là, il est armé et, aussitôt arrivé, descend froidement et sans prétexte immédiat deux collègues. Comment a-t-il pu en arriver là ? 
L’histoire, tirée d’un fait divers, est authentique. Elle fait penser par ailleurs à cette épidémie de mal-être à l’entreprise qui trouva son apogée lors des suicides en série qui eurent pour cadre France Télécom.

Renonçant à toute approche linéaire, le réalisateur profite du temps de latence qui suit les meurtres pour faire plonger son personnage dans ses souvenirs, eux-mêmes traités dans le non-respect d’une chronologie stricte, avant qu’un final, au sens musical, réconcilie temps de l’affect et temps de la narration. Paul était un des espoirs de l’entreprise, on lui confiait les gros dossiers et un bel avenir lui était promis. Mais l’encadrement a changé, d’autres sont venus avec leurs rivalités et avec leurs méthodes encore plus impitoyables. Il s’est senti évincé. Son rendement a baissé, et par rapport aux collègues et par rapport à son propre chiffre d’affaires. La crise des subprimes est arrivée, obligeant la direction à tenter de compenser ses propres choix économiques hasardeux par une pression encore renforcée sur ses collaborateurs, les obligeant de surcroît à expliquer au client, afin de le retenir, que la maison a les reins solides alors qu’ils sont les premiers à savoir en interne qu’il n’en est rien.

Tout cela, Jean-Marc Moutout le raconte sans trémolos, dans les couleurs métallisées d’un certain immobilier de bureau contemporain. Il a su trouver en Jean-Pierre Daroussin l’interprète taciturne et introverti qui convient au rôle. Daroussin est remarquable de sobriété, comme n’est pas mal non plus Xavier Beauvois en faire-valoir maléfique, le nouveau chef qui croit qu’il suffit de tutoyer son équipe pour que les barrières du stress disparaissent. Le cinéma, à la suite du livre, nous avait donné On achève bien les chevaux. Nous en avons là une version qui reste d’actualité, même si elle se déroule chez les cadres.

Jean Roy
Mercredi, 5 Octobre, 2011
L'Humanité