LE TAMBOUR - Volker Schlöndorf

A PROPOS


Le cinéaste allemand Volker Schlöndorff, déjà auteur de l’excellent Honneur perdu de Katharina Blum (1975), se lance en 1979 dans l’adaptation du plus célèbre roman de Günter Grass publié vingt ans plus tôt et considéré comme une des œuvres majeures de la littérature allemande de l’après-guerre. Schlöndorff lui-même est alors salué comme étant un des artisans les plus sérieux du renouveau du cinéma allemand des années 70, avec notamment Wim Wenders. Cinéaste politique et généralement très engagé à gauche, Schlöndorff met ici de côté sa tendance au didactisme pour nous conter une histoire très étrange, dégageant un certain parfum de scandale. Métaphore de la situation particulière de la ville de Dantzig dans l’entre-deux-guerres, le film présente un personnage qui refuse de choisir entre deux géniteurs (l’un allemand et l’autre polonais), tout comme ce port hanséatique écartelé entre les deux nations.
Oscar, à l’instar de la majorité du peuple allemand, refuse de grandir et d’affronter la réalité, préfèrant se réfugier dans un monde chimérique (celui de l’enfance pour le gamin et celui du Reich de mille ans pour les Germains). De même qu’Hitler entraîne une nation entière vers sa ruine, Oscar ne fait que provoquer des catastrophes amenant la mort de ses géniteurs. Le parallèle est encore plus évident lors de l’attaque de la poste de Dantzig le 1er septembre 1939, événement majeur qui enclencha les hostilités plus connues sous le nom de Seconde Guerre mondiale : Oscar se trouve à l’intérieur du bâtiment et provoque la mort de son père polonais, métaphore non voilée de l’intégration forcée de la Pologne dans le grand Reich allemand. Enfin, lorsque la guerre se termine, Oscar décide de grandir à nouveau, comme si la nation allemande avait enfin tiré la leçon de ses erreurs et pouvait ainsi renaître de ses cendres.
Cette richesse thématique est renforcée par un magnifique travail du polonais Igor Luther sur la photographie, composant une suite ininterrompue de tableaux tous plus splendides les uns que les autres. La musique de Maurice Jarre accentue encore ce sentiment d’étrangeté qui naît durant la projection. Car Le tambour, loin de tomber dans l’académisme et le classicisme, est avant tout une œuvre profondément originale qui ne ressemble à rien d’autre qu’à elle-même. Dérangeant lors des séquences de sexe mettant en scène le très jeune David Bennent (à peine treize ans), vomitif lors des scènes avec les anguilles et le suicide progressif de la mère, Le tambour est un film complexe, riche d’une palette de sentiments opposés (du rire à l’émotion). Mais l’impact du métrage ne serait pas le même sans la découverte du gamin David Bennent : son corps à la limite de la difformité, son visage étonnamment mature et ses yeux globuleux ne permettent pas de lui donner un âge précis, ce qui le rend crédible à chaque étape du film. Son magnétisme - il dévore la caméra - irradie chaque plan et permet au spectateur d’être fasciné par ce destin fantastique et hors norme. Cette singularité fut payante puisque le film obtint en 1979 la Palme d’or, ex-aequo avec Apocalypse now de Francis Ford Coppola, ainsi que l’Oscar du meilleur film étranger en 1980. Récompenses amplement méritées pour ce qui reste à ce jour comme le chef-d’œuvre de Volker Schlöndorff.
Virgile Dumez (Avoiralire.com)

Ciné classique
dimanche 12 mars 2017 à 17h45

présenté par Christophe Dumas, maître de conférence à l'Université d'Angers

Soirée organisée en collaboration avec l'Université d'Angers, le CDDP 49 et Cinéma Parlant dans le cadre de la semaine de cinéma de langue allemande


LE TAMBOUR

de Volker Schlöndorf

avec Mario Adorf, Angela Winkler, David Bennent
ALLEMAGNE - POLOGNE - FRANCE - 1979 - 2h42 - VOST - Palme d'or Cannes 1979

Dantzig, 1924. Le petit Oskar porte un regard sévère sur sa famille et en particulier sur sa mère, dont on ne sait lequel de ses deux amants est le père de l'enfant. Le monde des adultes dégoûte Oskar qui décide, à l'âge de trois ans, de cesser de grandir. Une chute, délibérée, justifiera ce phénomène aux yeux de la famille et des médecins. De son tambour, il rythme les péripéties de son existence et de l'Histoire, de la montée du nazisme à la Seconde Guerre mondiale...
http://www.tamasadiffusion.com/Images/DP/tambour-dossierpedago-cndp.pdf

A PROPOS


Le cinéaste allemand Volker Schlöndorff, déjà auteur de l’excellent Honneur perdu de Katharina Blum (1975), se lance en 1979 dans l’adaptation du plus célèbre roman de Günter Grass publié vingt ans plus tôt et considéré comme une des œuvres majeures de la littérature allemande de l’après-guerre. Schlöndorff lui-même est alors salué comme étant un des artisans les plus sérieux du renouveau du cinéma allemand des années 70, avec notamment Wim Wenders. Cinéaste politique et généralement très engagé à gauche, Schlöndorff met ici de côté sa tendance au didactisme pour nous conter une histoire très étrange, dégageant un certain parfum de scandale. Métaphore de la situation particulière de la ville de Dantzig dans l’entre-deux-guerres, le film présente un personnage qui refuse de choisir entre deux géniteurs (l’un allemand et l’autre polonais), tout comme ce port hanséatique écartelé entre les deux nations.
Oscar, à l’instar de la majorité du peuple allemand, refuse de grandir et d’affronter la réalité, préfèrant se réfugier dans un monde chimérique (celui de l’enfance pour le gamin et celui du Reich de mille ans pour les Germains). De même qu’Hitler entraîne une nation entière vers sa ruine, Oscar ne fait que provoquer des catastrophes amenant la mort de ses géniteurs. Le parallèle est encore plus évident lors de l’attaque de la poste de Dantzig le 1er septembre 1939, événement majeur qui enclencha les hostilités plus connues sous le nom de Seconde Guerre mondiale : Oscar se trouve à l’intérieur du bâtiment et provoque la mort de son père polonais, métaphore non voilée de l’intégration forcée de la Pologne dans le grand Reich allemand. Enfin, lorsque la guerre se termine, Oscar décide de grandir à nouveau, comme si la nation allemande avait enfin tiré la leçon de ses erreurs et pouvait ainsi renaître de ses cendres.
Cette richesse thématique est renforcée par un magnifique travail du polonais Igor Luther sur la photographie, composant une suite ininterrompue de tableaux tous plus splendides les uns que les autres. La musique de Maurice Jarre accentue encore ce sentiment d’étrangeté qui naît durant la projection. Car Le tambour, loin de tomber dans l’académisme et le classicisme, est avant tout une œuvre profondément originale qui ne ressemble à rien d’autre qu’à elle-même. Dérangeant lors des séquences de sexe mettant en scène le très jeune David Bennent (à peine treize ans), vomitif lors des scènes avec les anguilles et le suicide progressif de la mère, Le tambour est un film complexe, riche d’une palette de sentiments opposés (du rire à l’émotion). Mais l’impact du métrage ne serait pas le même sans la découverte du gamin David Bennent : son corps à la limite de la difformité, son visage étonnamment mature et ses yeux globuleux ne permettent pas de lui donner un âge précis, ce qui le rend crédible à chaque étape du film. Son magnétisme - il dévore la caméra - irradie chaque plan et permet au spectateur d’être fasciné par ce destin fantastique et hors norme. Cette singularité fut payante puisque le film obtint en 1979 la Palme d’or, ex-aequo avec Apocalypse now de Francis Ford Coppola, ainsi que l’Oscar du meilleur film étranger en 1980. Récompenses amplement méritées pour ce qui reste à ce jour comme le chef-d’œuvre de Volker Schlöndorff.
Virgile Dumez (Avoiralire.com)