CAFÉ SOCIETY - Woody Allen

A PROPOS

C'est presque un jeu pour ses fans : découvrir dans chaque nouveau Woody Allen des traces du passé. Un geste. Une réplique. Un gag. Car tous ses films, comme les pièces de celui qu'il admire le plus au monde, Anton Tchekhov, se ressemblent. Tchekhov croyait écrire des comédies et s'étonnait qu'on puisse y pleurer. Woody Allen a réalisé des drames et est surpris qu'on en sourie. Le Russe si russe et l'Américain si new-yorkais auront finalement toujours été des guetteurs, à l'affût des bizarreries du monde et de l'extravagance de leurs contemporains. Avec des pièces et des films où l'espoir, continuellement, caresse le désenchantement.

Café Society évoque irrésistiblement Radio Days (1987). On y voyait, en pleine guerre, un petit rouquin malingre comme Woody se passionner, dans la cuisine de ses parents juifs, pour des émissions radiophoniques qui enflammaient son imagination. C'est le cinéma qui fascine Bobby (Jesse Eisenberg, le clone le plus doué de Woody). En plein milieu des années 1930, il quitte l'appartement familial pour Hollywood où vit son oncle (Steve Carell). Celui-ci, pas vraiment heureux de voir débarquer ce parent pauvre, dirige une agence de stars où il côtoie Greta Garbo et tutoie Ginger Rogers.

Bien vite, Bobby s'éprend de Vonnie, la fascinante assistante de son oncle (Kristen Stewart), hélas amoureuse d'un homme marié. Deux univers, deux sociétés, deux tempéraments opposés : d'un côté, un jeune homme du Bronx qui ne se sent à l'aise que chez lui. De l'autre, une fille racée, saine comme on n'en trouve qu'en Californie. Contrée que Woody méprise presque autant que le romancier Truman Capote — il prétendait qu'y vivre faisait perdre un point de Q.I. par an. « Tout, jusqu'au café, ajoutait-il, a comme un goût de fraise Melba. »

Le brio de Joseph L. Mankiewicz, le cynisme de Billy Wilder

Voir le pauvre Bobby découvrir l'identité de son rival, contempler Vonnie s'empêtrer dans ses sentiments, hésitant entre raison et aventure, procure un plaisir d'autant plus délicieux que Woody — n'en déplaise à ses quelques détracteurs — invente et progresse de film en film (exception notoire, To Rome with love, son seul film poussif à l'humour forcé.) . L'égal, désormais, des grands réalisateurs hollywoodiens qu'il admire et dont il s'est toujours senti indigne. Récemment, Blue Jasmine rivalisait avec le brio de Joseph L. Mankiewicz. L'Homme irrationnel, avec le cynisme de Billy Wilder.

Dans Café Society, le voilà tout proche du Maître absolu, Ernst Lubitsch, l'auteur de Sérénade à trois et de Ninotchka, celui dont on n'a jamais totalement réussi à définir le charme. Qu'on puisse le comparer à Lubitsch rendrait probablement Woody rouge de confusion. « Vous sortez d'un film comme Haute pègre, a-t-il déclaré, et vous vous sentez bien, ragaillardi par l'esprit que Lubitsch vous a insufflé. Vous êtes relaxé, rafraîchi. Bien sûr, dès que vous sortez du cinéma, la vraie vie vous assaille, mais vous avez avalé une gorgée d'air et d'eau purs qui vont vous permettre de résister. »

Eh bien, chez Woody, aujourd'hui, comme chez Lubitsch hier, tout con­sole. Tout vivifie. Les dialogues fusent sans forcément se raccrocher à la facilité des jeux de mots. Les mouvements de caméra sophistiqués — Woody a ­appris à les maîtriser avec le temps — ne se remarquent pas : règle nº 1 de l'élégance. Dans ce film cruel et bril­lant, la subtilité et l'harmonie avancent masquées...

Les irresistibles personnages inventés par Woody Allen

Spectaculaires, en revanche, sont les irrésistibles silhouettes que le cinéaste semble inventer avec une facilité déconcertante. Dans la famille de Bobby, essentiellement : le père, en perpétuelle colère contre le silence de Dieu (mais « pas de réponse, c'est déjà une réponse », lui rétorque, à chaque fois, son épouse). Et surtout, les deux beaux-frères : l'un se sent responsable de son prochain, tandis que l'autre l'exécute froidement dès lors qu'il se met sur sa route. Le plus fascinant des deux, celui que Woody ne peut s'empêcher d'admirer, c'est évidemment Ben (Corey Stoll) qui, par son amour du meurtre bien fait, rappelle le gangster doué pour le théâtre de Coups de feu sur Broadway.

Mais revenons à Bobby et Vonnie. Ils se sont aimés, ils se sont quittés. Ils se retrouvent changés : elle, snob, et lui, riche. Sur eux, Woody mesure le délice et l'angoisse du sentiment amoureux. Mais aussi l'inexorable fuite du temps et le désespoir de le voir se dérober de plus en plus vite. Dans Radio Days, des mondains, réunis sur le toit d'un immeuble de New York un 31 décembre, se demandaient, comme chez Tchekhov, quelles traces ils ­lais­seraient sur terre. Probablement ­aucune, constataient-ils avec effroi... Dans Café Society, lors d'une Saint-Sylvestre de plus, Bobby et Vonnie, loin l'un de l'autre désormais, s'interrogent. Et si, à force d'hésiter à se perdre, ils s'étaient vraiment perdus ? Et s'ils n'étaient plus, eux aussi, que des fantômes sur un toit, fragiles, cristallins et si tristement heureux ?

Pierre Murat (Télérama)

pIERRE mURAT

La soirée des ambassadeurs
mardi 7 février 2017 à 20h00

20h00 : CAFE SOCIETY de Woody Allen
22h00 : JUSTE LA FIN DU MONDE de Xavier Dolan

Tarif spécial soirée : 7€ les 2 films sinon tarifs habituels

Séance organisée en collaboration avec Cinéma Parlant


CAFÉ SOCIETY

de Woody Allen

avec Kristen Stewart, Jesse Eisenberg, Steve Carell
USA - 1h36 - 2016 - VOST

C'est l'histoire d'un jeune homme qui se rend à Hollywood dans les années 1930 dans l'espoir de travailler dans l'industrie du cinéma, tombe amoureux et se retrouve plongé dans l'effervescence de la Café Society qui a marqué cette époque. 

A PROPOS

C'est presque un jeu pour ses fans : découvrir dans chaque nouveau Woody Allen des traces du passé. Un geste. Une réplique. Un gag. Car tous ses films, comme les pièces de celui qu'il admire le plus au monde, Anton Tchekhov, se ressemblent. Tchekhov croyait écrire des comédies et s'étonnait qu'on puisse y pleurer. Woody Allen a réalisé des drames et est surpris qu'on en sourie. Le Russe si russe et l'Américain si new-yorkais auront finalement toujours été des guetteurs, à l'affût des bizarreries du monde et de l'extravagance de leurs contemporains. Avec des pièces et des films où l'espoir, continuellement, caresse le désenchantement.

Café Society évoque irrésistiblement Radio Days (1987). On y voyait, en pleine guerre, un petit rouquin malingre comme Woody se passionner, dans la cuisine de ses parents juifs, pour des émissions radiophoniques qui enflammaient son imagination. C'est le cinéma qui fascine Bobby (Jesse Eisenberg, le clone le plus doué de Woody). En plein milieu des années 1930, il quitte l'appartement familial pour Hollywood où vit son oncle (Steve Carell). Celui-ci, pas vraiment heureux de voir débarquer ce parent pauvre, dirige une agence de stars où il côtoie Greta Garbo et tutoie Ginger Rogers.

Bien vite, Bobby s'éprend de Vonnie, la fascinante assistante de son oncle (Kristen Stewart), hélas amoureuse d'un homme marié. Deux univers, deux sociétés, deux tempéraments opposés : d'un côté, un jeune homme du Bronx qui ne se sent à l'aise que chez lui. De l'autre, une fille racée, saine comme on n'en trouve qu'en Californie. Contrée que Woody méprise presque autant que le romancier Truman Capote — il prétendait qu'y vivre faisait perdre un point de Q.I. par an. « Tout, jusqu'au café, ajoutait-il, a comme un goût de fraise Melba. »

Le brio de Joseph L. Mankiewicz, le cynisme de Billy Wilder

Voir le pauvre Bobby découvrir l'identité de son rival, contempler Vonnie s'empêtrer dans ses sentiments, hésitant entre raison et aventure, procure un plaisir d'autant plus délicieux que Woody — n'en déplaise à ses quelques détracteurs — invente et progresse de film en film (exception notoire, To Rome with love, son seul film poussif à l'humour forcé.) . L'égal, désormais, des grands réalisateurs hollywoodiens qu'il admire et dont il s'est toujours senti indigne. Récemment, Blue Jasmine rivalisait avec le brio de Joseph L. Mankiewicz. L'Homme irrationnel, avec le cynisme de Billy Wilder.

Dans Café Society, le voilà tout proche du Maître absolu, Ernst Lubitsch, l'auteur de Sérénade à trois et de Ninotchka, celui dont on n'a jamais totalement réussi à définir le charme. Qu'on puisse le comparer à Lubitsch rendrait probablement Woody rouge de confusion. « Vous sortez d'un film comme Haute pègre, a-t-il déclaré, et vous vous sentez bien, ragaillardi par l'esprit que Lubitsch vous a insufflé. Vous êtes relaxé, rafraîchi. Bien sûr, dès que vous sortez du cinéma, la vraie vie vous assaille, mais vous avez avalé une gorgée d'air et d'eau purs qui vont vous permettre de résister. »

Eh bien, chez Woody, aujourd'hui, comme chez Lubitsch hier, tout con­sole. Tout vivifie. Les dialogues fusent sans forcément se raccrocher à la facilité des jeux de mots. Les mouvements de caméra sophistiqués — Woody a ­appris à les maîtriser avec le temps — ne se remarquent pas : règle nº 1 de l'élégance. Dans ce film cruel et bril­lant, la subtilité et l'harmonie avancent masquées...

Les irresistibles personnages inventés par Woody Allen

Spectaculaires, en revanche, sont les irrésistibles silhouettes que le cinéaste semble inventer avec une facilité déconcertante. Dans la famille de Bobby, essentiellement : le père, en perpétuelle colère contre le silence de Dieu (mais « pas de réponse, c'est déjà une réponse », lui rétorque, à chaque fois, son épouse). Et surtout, les deux beaux-frères : l'un se sent responsable de son prochain, tandis que l'autre l'exécute froidement dès lors qu'il se met sur sa route. Le plus fascinant des deux, celui que Woody ne peut s'empêcher d'admirer, c'est évidemment Ben (Corey Stoll) qui, par son amour du meurtre bien fait, rappelle le gangster doué pour le théâtre de Coups de feu sur Broadway.

Mais revenons à Bobby et Vonnie. Ils se sont aimés, ils se sont quittés. Ils se retrouvent changés : elle, snob, et lui, riche. Sur eux, Woody mesure le délice et l'angoisse du sentiment amoureux. Mais aussi l'inexorable fuite du temps et le désespoir de le voir se dérober de plus en plus vite. Dans Radio Days, des mondains, réunis sur le toit d'un immeuble de New York un 31 décembre, se demandaient, comme chez Tchekhov, quelles traces ils ­lais­seraient sur terre. Probablement ­aucune, constataient-ils avec effroi... Dans Café Society, lors d'une Saint-Sylvestre de plus, Bobby et Vonnie, loin l'un de l'autre désormais, s'interrogent. Et si, à force d'hésiter à se perdre, ils s'étaient vraiment perdus ? Et s'ils n'étaient plus, eux aussi, que des fantômes sur un toit, fragiles, cristallins et si tristement heureux ?

Pierre Murat (Télérama)

pIERRE mURAT

JUSTE LA FIN DU MONDE - Xavier Dolan

A PROPOS

Ce sixième long métrage de Xavier Dolan est aussi le premier où nul accent québécois ne retentit — les acteurs sont tous français. Il y a déjà un petit miracle dans la préservation du style du cinéaste sans sa signature sonore la plus repérable. L'équilibre, plutôt le déséquilibre, entre outrance et acuité, entre drame et comédie, qui a fait l'éclat des films précédents, est bien là, tout de suite, mais dans une autre « musique ». Presque une langue différente.

D'emblée, il y a aussi la force de la pièce de Jean-Luc Lagarce que Xavier Dolan adapte, en la modifiant beaucoup. Avec ce texte reviennent, en filigrane, les douleurs d'une époque déjà lointaine, où il était fréquent de mourir du sida — comme Lagarce, en 1995. Et où l'homophobie, plus virulente encore qu'aujourd'hui, déchirait les familles concernées. Même gommé (l'action se situe « quelque part, il y a quelque temps »), ce contexte infuse le film.

Le héros (Gaspard Ulliel, doux et fantomatique), 34 ans, revient dans sa modeste famille provinciale, avec le projet d'annoncer sa mort prochaine. Il n'a pas vu sa mère, son frère aîné ni sa petite soeur depuis douze ans. Il n'a jamais rencontré sa belle-soeur, même à l'occasion de la naissance de ses neveux. Il écrit pour le théâtre, dans la capitale.

Dès le retour du jeune homme à la maison, Juste la fin du monde suggère l'impossibilité de la moindre communication entre ces êtres. Plus rien (ni personne) n'est comme avant. Ecrasé par la mélancolie, le revenant n'arrive pas à dire. Les autres ne veulent pas, ne peuvent pas entendre ce qu'ils devinent sans doute. C'est un moment de gêne absolue et de diversions hystériques. Un moment où toutes les névroses familiales, les jalousies, les frustrations, mais aussi les adorations, encore plus inavouables, se rejouent une dernière fois, dans le chaos. Depuis J'ai tué ma mère jusqu'à Mommy, c'est la honte de soi qui sépare les membres d'une famille dans les films de Xavier Dolan. L'affinité avec la pièce de Lagarce paraît donc totale.

D'autant que le réalisateur ne commet pas l'erreur de fuir le théâtre : il le revendique, comme pour Tom à la ferme. Hormis une violente scène en voiture entre les deux frères (et encore, on reste dans l'habitacle, avec eux), le huis clos est assumé. Mais des bouffées de lyrisme impromptues, sans ­parole, viennent régulièrement suspendre la dispute familiale. Tout se joue alors sur les visages en gros plan, dans les échanges de regards, d'une ­intensité magnifique.

A chaque comédien Xavier Dolan donne le temps de livrer de l'inédit. Il ose étirer les scènes plus que de raison, pour faire surgir des nuances et des intonations bouleversantes. Le grand frère prolo et ordurier (Vincent Cassel) semble d'abord un faire-valoir comique, jusqu'à ce que ses fêlures, hurlées, envahissent l'espace. La nervosité fofolle de la mère peinturlurée (Nathalie Baye) dévoile peu à peu une folie plus profonde, peut-être proche de la sagesse. La belle-soeur effacée et bafouillante (Marion Cotillard) devient une belle figure de la compassion, en même temps qu'une vestale de la vie qui doit continuer... Faire jouer à ces acteurs-là (sans oublier Léa Seydoux), tous célèbres et rayonnants, une partition aussi noire, radicale et minoritaire, d'un dramaturge plutôt méconnu, voilà un geste artistique fort et ambitieux. Une manière exemplaire d'entretenir la flamme de la cinéphilie. 

Louis Guichard (Télérama)

JUSTE LA FIN DU MONDE

de Xavier Dolan

avec Marion Cotillard, Gaspard Ulliel, Léa Seydoux
CANADA - FRANCE - 2016 - 1h35

Après douze ans d'absence, un écrivain retourne dans son village natal pour annoncer à sa famille sa mort prochaine. Ce sont les retrouvailles avec le cercle familial où l'on se dit l'amour que l'on se porte à travers les éternelles querelles, et où l'on dit malgré nous les rancoeurs qui parlent au nom du doute et de la solitude.
https://www.facebook.com/Justelafindumonde/

A PROPOS

Ce sixième long métrage de Xavier Dolan est aussi le premier où nul accent québécois ne retentit — les acteurs sont tous français. Il y a déjà un petit miracle dans la préservation du style du cinéaste sans sa signature sonore la plus repérable. L'équilibre, plutôt le déséquilibre, entre outrance et acuité, entre drame et comédie, qui a fait l'éclat des films précédents, est bien là, tout de suite, mais dans une autre « musique ». Presque une langue différente.

D'emblée, il y a aussi la force de la pièce de Jean-Luc Lagarce que Xavier Dolan adapte, en la modifiant beaucoup. Avec ce texte reviennent, en filigrane, les douleurs d'une époque déjà lointaine, où il était fréquent de mourir du sida — comme Lagarce, en 1995. Et où l'homophobie, plus virulente encore qu'aujourd'hui, déchirait les familles concernées. Même gommé (l'action se situe « quelque part, il y a quelque temps »), ce contexte infuse le film.

Le héros (Gaspard Ulliel, doux et fantomatique), 34 ans, revient dans sa modeste famille provinciale, avec le projet d'annoncer sa mort prochaine. Il n'a pas vu sa mère, son frère aîné ni sa petite soeur depuis douze ans. Il n'a jamais rencontré sa belle-soeur, même à l'occasion de la naissance de ses neveux. Il écrit pour le théâtre, dans la capitale.

Dès le retour du jeune homme à la maison, Juste la fin du monde suggère l'impossibilité de la moindre communication entre ces êtres. Plus rien (ni personne) n'est comme avant. Ecrasé par la mélancolie, le revenant n'arrive pas à dire. Les autres ne veulent pas, ne peuvent pas entendre ce qu'ils devinent sans doute. C'est un moment de gêne absolue et de diversions hystériques. Un moment où toutes les névroses familiales, les jalousies, les frustrations, mais aussi les adorations, encore plus inavouables, se rejouent une dernière fois, dans le chaos. Depuis J'ai tué ma mère jusqu'à Mommy, c'est la honte de soi qui sépare les membres d'une famille dans les films de Xavier Dolan. L'affinité avec la pièce de Lagarce paraît donc totale.

D'autant que le réalisateur ne commet pas l'erreur de fuir le théâtre : il le revendique, comme pour Tom à la ferme. Hormis une violente scène en voiture entre les deux frères (et encore, on reste dans l'habitacle, avec eux), le huis clos est assumé. Mais des bouffées de lyrisme impromptues, sans ­parole, viennent régulièrement suspendre la dispute familiale. Tout se joue alors sur les visages en gros plan, dans les échanges de regards, d'une ­intensité magnifique.

A chaque comédien Xavier Dolan donne le temps de livrer de l'inédit. Il ose étirer les scènes plus que de raison, pour faire surgir des nuances et des intonations bouleversantes. Le grand frère prolo et ordurier (Vincent Cassel) semble d'abord un faire-valoir comique, jusqu'à ce que ses fêlures, hurlées, envahissent l'espace. La nervosité fofolle de la mère peinturlurée (Nathalie Baye) dévoile peu à peu une folie plus profonde, peut-être proche de la sagesse. La belle-soeur effacée et bafouillante (Marion Cotillard) devient une belle figure de la compassion, en même temps qu'une vestale de la vie qui doit continuer... Faire jouer à ces acteurs-là (sans oublier Léa Seydoux), tous célèbres et rayonnants, une partition aussi noire, radicale et minoritaire, d'un dramaturge plutôt méconnu, voilà un geste artistique fort et ambitieux. Une manière exemplaire d'entretenir la flamme de la cinéphilie. 

Louis Guichard (Télérama)