THE THING - John Carpenter

A PROPOS

Invisible dans les salles françaises depuis sa sortie en 1982, The Thing revient dans une copie remasterisée! L’occasion de prendre conscience de la très grande modernité du chef-d’œuvre de Big John, dont le fond paranoïaque résonne encore fortement aujourd’hui. Sa force est de tendre un miroir à nos peurs les plus universelles et viscérales. Et en maître de l’horreur, John Carpenter le fait avec une maestria inégalée. Tiré du roman de science-fiction Le Ciel est mort (Who Goes There ?) de John W. Campbell, publié en 1938, The Thing apparaît aujourd’hui comme la pièce maîtresse de la filmographie du réalisateur de New York 1997, Assaut et Halloween. Pourtant, à l’époque de sa sortie en salles, il essuie un échec cuisant, éclipsé par le succès de E.T. de Spielberg et son gentil extra-terrestre, aux antipodes de l’entité belliqueuse qui hante le huis clos de Carpenter… Ce remake de La Chose d’un autre monde (1951) va plus loin sur la forme en livrant une œuvre de terreur pure, où tout est menace ; une simple porte fermée en arrière-plan se révèle inquiétante. Alors que l’original de Christian Nyby et Howard Hawks, véritable classique de la science-fiction, abordait en creux le péril communiste de l’époque, à l’instar de Don Siegel pour L’Invasion des Profanateurs de Sépultures (1956), la version de Carpenter préfère quitter la parabole politique pour un thème plus vaste. En effet, « la chose » a le pouvoir de prendre n’importe quelle apparence vivante – devenant ainsi indétectable – pour mieux « avaler » d’autres victimes, se reproduire et proliférer. À l’instar d’Alien (1979) de Ridley Scott, The Thing montre la lutte d’un groupe d’hommes contre une entité extra-terrestre. Là où le thriller horrifique spatial de Scott jouait sur les ombres et la traque de la créature créée par Giger, le survival glacial de Carpenter montre la créature dans ses moments de transition et de transformation, sans révéler de qui la chose a pris l’apparence.
omposé d’un agrégat à la fois humain et animal, l’entité évoque les représentations littéraires terrifiantes de H.P. Lovecraft. Une référence évidemment assumée par le réalisateur de L’Antre de la Folie. Carpenter utilise habilement le montage, conçu par Todd C. Ramsay, pour véhiculer le sentiment de peur. Ainsi, lorsqu’un personnage disparaît du champ et réapparaît plus tard, on ignore s’il est encore humain ou assimilé. L’inconnu situé dans le hors-champ s’avère dès lors vecteur de crainte et de la folie paranoïaque qui s’empare peu à peu des personnages. L’intrigue prend place dans un environnement clos et oppressant où souffle un blizzard permanent, porté par la très belle photographie de Dean Cundey ; la séquence d’ouverture de la poursuite du husky par l’hélicoptère est mémorable. Le spectateur est ensuite happé par l’ambiance d’isolement qui s’ajoute à la dimension déjà terrifiante de la menace.
Bénéficiant d’un budget confortable, John Carpenter n’est alors plus un débutant et bénéficie de la collaboration avec un grand studio de production (Universal). Celle-ci s’étale sur une année ; de l’adaptation du roman de Campbell, écrite par Bill Lancaster (fils de Burt), jusqu’à la préparation des effets spéciaux à l’aide de story-boards. Ceux-ci sont confiés à un jeune maquilleur de 22 ans, Rob Bottin, remarqué par John Carpenter pour ses fascinants effets de transformation des loups-garous de Hurlements de Joe Dante, l’année précédente. La réussite de The Thing doit d’ailleurs autant à son réalisateur qu’à Rob Bottin qui se surpasse littéralement, au point d’être victime de surmenage et de finir dans un lit d’hôpital à la fin du tournage. Il invente ici des maquillages animés sidérants et inédits pour l’époque, qui restent aujourd’hui encore impressionnants malgré les avancées numériques. Notons à ce titre que Stan Winston, autre grand artisan dans ce domaine, est intervenu pour créer une créature animatronique lors de la séquence de transformation des chiens dans le chenil. Si les maquillages et les effets spéciaux sont soignés, les décors et les maquettes le sont tout autant. En témoigne la magnifique scène de la découverte du vaisseau dans la glace avec les superbes matte paintings du vétéran Albert Whitlock, ou encore le plan d’ouverture avec l’arrivée sur Terre de l’ovni, qui préfigure celui de Predator (1987).
Kurt Russell retrouve ici le réalisateur pour la troisième fois, après le téléfilm Le Roman d’Elvis (1979) et New York 1997 (1981). Le comédien s’avère parfait dans le rôle de MacReady, « cow-boy » solitaire anticonformiste (Snake Plissken n’est pas loin) qui va devoir prendre, malgré lui, les commandes du groupe des douze scientifiques pour lutter contre cette… chose. Le reste du casting est à la hauteur, avec des personnages bien caractérisés, comme le biologiste Blair (Wilford Brimley) ou le mécanicien Childs (Keith David), lequel joue un rôle très ambigu au moment du final apocalyptique. L’acteur retrouvera d’ailleurs, six ans plus tard, Carpenter pour Invasion Los Angeles. Quant à la magnifique partition de Ennio Morricone (à qui Carpenter voue une admiration depuis toujours), elle permet de lier intelligemment le début et la fin par un tempo lourd et syncopé immédiatement identifiable, comme le thème de La Chose. Avec ses quelques notes, on devine rapidement que tout espoir de secours est vain pour les survivants, et par extension l’humanité. Quentin Tarantino a d’ailleurs récupéré certains des morceaux inutilisés de Morricone pour LES HUIT SALOPARDS, livrant comme de coutume ses clins d’œil cinéphiliques au long métrage, qui apparaît aujourd’hui comme le plus abouti et maîtrisé de John Carpenter.
Une œuvre qui aurait dû en outre lui ouvrir grand les portes d’Hollywood et qui lui a hélas laissé un goût amer suite aux faibles retombées financières. Heureusement, le marché de la vidéo et les multiples rediffusions télévisées ont permis à The Thing d’acquérir une renommée grandissante et méritée. Certaines séquences et répliques (« Now I’ll show you what I already know ») sont restées dans la mémoire des cinéphiles, à l’instar de la scène culte de la tentative de réanimation de Norris (Charles Hallahan). Sa ressortie offre une expérience à (re)vivre, tant la tension et le sentiment d’oppression s’avèrent décuplés par la salle de cinéma. Et ceux qui ne l’ont jamais vu peuvent s’attendre à découvrir un véritable classique de l’horreur et de la science-fiction qui conserve aujourd’hui tout son impact.
Thierry Carteret (Cinécronicle.com)

Plans Cultes
vendredi 16 septembre 2016 à 20h15

En présence de Xavier Leherpeur, journaliste et critique de cinéma au Masque et la Plume à France Inter, au Cercle de Canal+ et dans la revue 7éme Obsession.


THE THING

de John Carpenter

avec Kurt Russell, T.K. Carter, Wilford Brimley
USA - 1982 -1h44 - VOST - Réédition - Version restaurée

Hiver 1982 au cœur de l’Antarctique. Une équipe de chercheurs composée de 12 hommes, découvre un corps enfoui sous la neige depuis plus de 100 000 ans. Décongelée, la créature retourne à la vie en prenant la forme de celui qu’elle veut ; dès lors, le soupçon s’installe entre les hommes de l’équipe. Où se cache la créature ? Qui habite-t-elle ? Un véritable combat s’engage. 
https://www.facebook.com/thethingmovie

A PROPOS

Invisible dans les salles françaises depuis sa sortie en 1982, The Thing revient dans une copie remasterisée! L’occasion de prendre conscience de la très grande modernité du chef-d’œuvre de Big John, dont le fond paranoïaque résonne encore fortement aujourd’hui. Sa force est de tendre un miroir à nos peurs les plus universelles et viscérales. Et en maître de l’horreur, John Carpenter le fait avec une maestria inégalée. Tiré du roman de science-fiction Le Ciel est mort (Who Goes There ?) de John W. Campbell, publié en 1938, The Thing apparaît aujourd’hui comme la pièce maîtresse de la filmographie du réalisateur de New York 1997, Assaut et Halloween. Pourtant, à l’époque de sa sortie en salles, il essuie un échec cuisant, éclipsé par le succès de E.T. de Spielberg et son gentil extra-terrestre, aux antipodes de l’entité belliqueuse qui hante le huis clos de Carpenter… Ce remake de La Chose d’un autre monde (1951) va plus loin sur la forme en livrant une œuvre de terreur pure, où tout est menace ; une simple porte fermée en arrière-plan se révèle inquiétante. Alors que l’original de Christian Nyby et Howard Hawks, véritable classique de la science-fiction, abordait en creux le péril communiste de l’époque, à l’instar de Don Siegel pour L’Invasion des Profanateurs de Sépultures (1956), la version de Carpenter préfère quitter la parabole politique pour un thème plus vaste. En effet, « la chose » a le pouvoir de prendre n’importe quelle apparence vivante – devenant ainsi indétectable – pour mieux « avaler » d’autres victimes, se reproduire et proliférer. À l’instar d’Alien (1979) de Ridley Scott, The Thing montre la lutte d’un groupe d’hommes contre une entité extra-terrestre. Là où le thriller horrifique spatial de Scott jouait sur les ombres et la traque de la créature créée par Giger, le survival glacial de Carpenter montre la créature dans ses moments de transition et de transformation, sans révéler de qui la chose a pris l’apparence.
omposé d’un agrégat à la fois humain et animal, l’entité évoque les représentations littéraires terrifiantes de H.P. Lovecraft. Une référence évidemment assumée par le réalisateur de L’Antre de la Folie. Carpenter utilise habilement le montage, conçu par Todd C. Ramsay, pour véhiculer le sentiment de peur. Ainsi, lorsqu’un personnage disparaît du champ et réapparaît plus tard, on ignore s’il est encore humain ou assimilé. L’inconnu situé dans le hors-champ s’avère dès lors vecteur de crainte et de la folie paranoïaque qui s’empare peu à peu des personnages. L’intrigue prend place dans un environnement clos et oppressant où souffle un blizzard permanent, porté par la très belle photographie de Dean Cundey ; la séquence d’ouverture de la poursuite du husky par l’hélicoptère est mémorable. Le spectateur est ensuite happé par l’ambiance d’isolement qui s’ajoute à la dimension déjà terrifiante de la menace.
Bénéficiant d’un budget confortable, John Carpenter n’est alors plus un débutant et bénéficie de la collaboration avec un grand studio de production (Universal). Celle-ci s’étale sur une année ; de l’adaptation du roman de Campbell, écrite par Bill Lancaster (fils de Burt), jusqu’à la préparation des effets spéciaux à l’aide de story-boards. Ceux-ci sont confiés à un jeune maquilleur de 22 ans, Rob Bottin, remarqué par John Carpenter pour ses fascinants effets de transformation des loups-garous de Hurlements de Joe Dante, l’année précédente. La réussite de The Thing doit d’ailleurs autant à son réalisateur qu’à Rob Bottin qui se surpasse littéralement, au point d’être victime de surmenage et de finir dans un lit d’hôpital à la fin du tournage. Il invente ici des maquillages animés sidérants et inédits pour l’époque, qui restent aujourd’hui encore impressionnants malgré les avancées numériques. Notons à ce titre que Stan Winston, autre grand artisan dans ce domaine, est intervenu pour créer une créature animatronique lors de la séquence de transformation des chiens dans le chenil. Si les maquillages et les effets spéciaux sont soignés, les décors et les maquettes le sont tout autant. En témoigne la magnifique scène de la découverte du vaisseau dans la glace avec les superbes matte paintings du vétéran Albert Whitlock, ou encore le plan d’ouverture avec l’arrivée sur Terre de l’ovni, qui préfigure celui de Predator (1987).
Kurt Russell retrouve ici le réalisateur pour la troisième fois, après le téléfilm Le Roman d’Elvis (1979) et New York 1997 (1981). Le comédien s’avère parfait dans le rôle de MacReady, « cow-boy » solitaire anticonformiste (Snake Plissken n’est pas loin) qui va devoir prendre, malgré lui, les commandes du groupe des douze scientifiques pour lutter contre cette… chose. Le reste du casting est à la hauteur, avec des personnages bien caractérisés, comme le biologiste Blair (Wilford Brimley) ou le mécanicien Childs (Keith David), lequel joue un rôle très ambigu au moment du final apocalyptique. L’acteur retrouvera d’ailleurs, six ans plus tard, Carpenter pour Invasion Los Angeles. Quant à la magnifique partition de Ennio Morricone (à qui Carpenter voue une admiration depuis toujours), elle permet de lier intelligemment le début et la fin par un tempo lourd et syncopé immédiatement identifiable, comme le thème de La Chose. Avec ses quelques notes, on devine rapidement que tout espoir de secours est vain pour les survivants, et par extension l’humanité. Quentin Tarantino a d’ailleurs récupéré certains des morceaux inutilisés de Morricone pour LES HUIT SALOPARDS, livrant comme de coutume ses clins d’œil cinéphiliques au long métrage, qui apparaît aujourd’hui comme le plus abouti et maîtrisé de John Carpenter.
Une œuvre qui aurait dû en outre lui ouvrir grand les portes d’Hollywood et qui lui a hélas laissé un goût amer suite aux faibles retombées financières. Heureusement, le marché de la vidéo et les multiples rediffusions télévisées ont permis à The Thing d’acquérir une renommée grandissante et méritée. Certaines séquences et répliques (« Now I’ll show you what I already know ») sont restées dans la mémoire des cinéphiles, à l’instar de la scène culte de la tentative de réanimation de Norris (Charles Hallahan). Sa ressortie offre une expérience à (re)vivre, tant la tension et le sentiment d’oppression s’avèrent décuplés par la salle de cinéma. Et ceux qui ne l’ont jamais vu peuvent s’attendre à découvrir un véritable classique de l’horreur et de la science-fiction qui conserve aujourd’hui tout son impact.
Thierry Carteret (Cinécronicle.com)



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