ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES
A PROPOS
Comme dirait Reggiani, votre E.T. a 20 ans, que le temps passe vite...
Hier encore vous étiez si petit. Et ses nouveaux tourments sont vos
premières rides... Son corps crapoussin et ses bons gros yeux en forme
de « huit » couché, symbole de l'infini, n'ont pas changé, eux. Ils ont
même pris un léger coup de jeune, un petit lifting digital, en l'honneur
de son anniversaire. Scrutez bien, vous le pouvez : à présent, ce sont
vos enfants que les larmes aveuglent. Le plus gentil des aliens a
désormais acquis l'étrange fluidité des créatures virtuelles : mimiques
numériques, expressivité accrue, étirement télescopique du cou. On vous a
rebidouillé votre vieille marionnette, on a repeint de frais votre
nostalgie.
Votre E.T. a 20 ans donc, et vous jouez, presque malgré vous, au jeu des
sept erreurs. En 1982, les policiers fédéraux ne se gênaient pas pour
poursuivre E.T. et ses amis l'arme au poing. Trop violent pour notre
douce époque : ils serrent à présent d'inoffensifs talkie-walkies...
Disparues également les quelques injures bien senties et plutôt velues
que les jeunes héros s'envoyaient jadis à la figure, et le mot «
terroriste » dans la bouche de leur mère. Est-ce à dire qu'on est moins
libre, plus timoré aujourd'hui qu'au début des années 80 ? Ne nous
emballons pas. Cette ombre de « politiquement correct » ne saurait
ternir vraiment le charme du cher revenant. D'ailleurs, la version 2002
nous offre cinq minutes supplémentaires, une séquence plutôt marrante où
la bébête bulle au bain.
Vous avez joué avec vos souvenirs, puis vos souvenirs ont joué avec vous
: peu à peu, vous avez tout gobé comme il y a vingt ans, du temps où
les étoiles étaient vraiment loin, mais vraiment accessibles. Cette
histoire d'amour émouvante et drôle, que Spielberg osa filmer
éperdument, à hauteur d'enfant. Ce vélo en apesanteur devant la Lune,
comme chez Méliès. Cette scène de brume irréelle, dorée, où un petit
garçon, Elliott, rencontre son rêve dans la remise du jardin, et tente
coûte que coûte de le garder pour lui. Cette petite soeur, Drew
Barrymore, un bout de nez et deux bouts de couettes, vous avez oublié
qu'elle a grandi, beaucoup, depuis, et tourné des tas d'autres films.
Vous avez rigolé, un peu ivre, comme E.T. lorsqu'il vide la réserve de
bière du frigo. Et quand les hommes du gouvernement sont venus chercher
ce précieux spécimen, l'ont intubé, trituré, observé, emballé dans un
suaire de plastique aseptisé, vous avez vraiment cru qu'il allait mourir
pour de vrai, et avec lui le gamin qui l'aimait tant. Ce que ressent
l'un, l'autre l'éprouve aussi. Ce lien surnaturel, cette tendre empathie
entre deux êtres un peu paumés, l'extraterrestre en exil et l'enfant de
divorcés, vous a touché, encore une fois.
Mais, n'est-ce pas, votre E.T. a 20 ans et vous n'en avez plus dix. Si
votre éternel écolo d'outre-espace ressuscite toujours les fleurs en
pot, vous, comme dirait encore Reggiani, « il y a bien longtemps qu'on
vous a mis en gerbe ». L'adulte a fait prospérer la graine du mauvais
esprit. Vous vous êtes repris. Vous n'avez pas agité votre menotte
tremblante lorsqu'un vaisseau brillant est venu reprendre l'ami pour
toujours. Certes, en 1982, après des décennies de soucoupes volantes
belliqueuses, E.T. le premier, ou presque, apportait la paix. Spielberg
avait l'audace d'un cinéma sentimental et fringant, d'un merveilleux
scintillant. Mais c'était plus fort que vous, ça couvait depuis le
début, vous vous êtes demandé ce qu'il revenait faire ici-bas, cet alien
qui voulait tant rentrer chez lui ? Et puis les lumières se sont
rallumées, et vous avez regardé votre bambin. Lui contemplait d'un oeil
ensorcelé et encore humide les énormes E.T. en peluche exposés à
l'entrée de la salle. Téléphone, maison, pognon...
Cécile Mury (Télérama)
Ciné légende
mardi 25 octobre
2016 à 13h30
Séance présentée par Gildas Jaffrennou, enseignant cinéma, spécialiste du cinéma d'animation
Séance organisée en collaboration avec l'association Cinélégende
E.T L'EXTRA TERRESTRE
de Steven Spielberg
Avec Dee Wallace-Stone, Henry Thomas, Peter Coyote
USA - 1982 - 2h00 - Version française
D'une petite navette spatiale, qui se pose au milieu d'une clairière en bordure de Los Angeles, descend un groupe d'extra-terrestres, envoyés sur terre. L'un d'eux est oublié au moment du départ et se retrouve seul sur cette planète qu'il ne connaît pas. Il va rencontrer un petit garçon et vivre une fabuleuse amitié...
http://www.et20.com/
A PROPOS
Comme dirait Reggiani, votre E.T. a 20 ans, que le temps passe vite...
Hier encore vous étiez si petit. Et ses nouveaux tourments sont vos
premières rides... Son corps crapoussin et ses bons gros yeux en forme
de « huit » couché, symbole de l'infini, n'ont pas changé, eux. Ils ont
même pris un léger coup de jeune, un petit lifting digital, en l'honneur
de son anniversaire. Scrutez bien, vous le pouvez : à présent, ce sont
vos enfants que les larmes aveuglent. Le plus gentil des aliens a
désormais acquis l'étrange fluidité des créatures virtuelles : mimiques
numériques, expressivité accrue, étirement télescopique du cou. On vous a
rebidouillé votre vieille marionnette, on a repeint de frais votre
nostalgie.
Votre E.T. a 20 ans donc, et vous jouez, presque malgré vous, au jeu des
sept erreurs. En 1982, les policiers fédéraux ne se gênaient pas pour
poursuivre E.T. et ses amis l'arme au poing. Trop violent pour notre
douce époque : ils serrent à présent d'inoffensifs talkie-walkies...
Disparues également les quelques injures bien senties et plutôt velues
que les jeunes héros s'envoyaient jadis à la figure, et le mot «
terroriste » dans la bouche de leur mère. Est-ce à dire qu'on est moins
libre, plus timoré aujourd'hui qu'au début des années 80 ? Ne nous
emballons pas. Cette ombre de « politiquement correct » ne saurait
ternir vraiment le charme du cher revenant. D'ailleurs, la version 2002
nous offre cinq minutes supplémentaires, une séquence plutôt marrante où
la bébête bulle au bain.
Vous avez joué avec vos souvenirs, puis vos souvenirs ont joué avec vous
: peu à peu, vous avez tout gobé comme il y a vingt ans, du temps où
les étoiles étaient vraiment loin, mais vraiment accessibles. Cette
histoire d'amour émouvante et drôle, que Spielberg osa filmer
éperdument, à hauteur d'enfant. Ce vélo en apesanteur devant la Lune,
comme chez Méliès. Cette scène de brume irréelle, dorée, où un petit
garçon, Elliott, rencontre son rêve dans la remise du jardin, et tente
coûte que coûte de le garder pour lui. Cette petite soeur, Drew
Barrymore, un bout de nez et deux bouts de couettes, vous avez oublié
qu'elle a grandi, beaucoup, depuis, et tourné des tas d'autres films.
Vous avez rigolé, un peu ivre, comme E.T. lorsqu'il vide la réserve de
bière du frigo. Et quand les hommes du gouvernement sont venus chercher
ce précieux spécimen, l'ont intubé, trituré, observé, emballé dans un
suaire de plastique aseptisé, vous avez vraiment cru qu'il allait mourir
pour de vrai, et avec lui le gamin qui l'aimait tant. Ce que ressent
l'un, l'autre l'éprouve aussi. Ce lien surnaturel, cette tendre empathie
entre deux êtres un peu paumés, l'extraterrestre en exil et l'enfant de
divorcés, vous a touché, encore une fois.
Mais, n'est-ce pas, votre E.T. a 20 ans et vous n'en avez plus dix. Si
votre éternel écolo d'outre-espace ressuscite toujours les fleurs en
pot, vous, comme dirait encore Reggiani, « il y a bien longtemps qu'on
vous a mis en gerbe ». L'adulte a fait prospérer la graine du mauvais
esprit. Vous vous êtes repris. Vous n'avez pas agité votre menotte
tremblante lorsqu'un vaisseau brillant est venu reprendre l'ami pour
toujours. Certes, en 1982, après des décennies de soucoupes volantes
belliqueuses, E.T. le premier, ou presque, apportait la paix. Spielberg
avait l'audace d'un cinéma sentimental et fringant, d'un merveilleux
scintillant. Mais c'était plus fort que vous, ça couvait depuis le
début, vous vous êtes demandé ce qu'il revenait faire ici-bas, cet alien
qui voulait tant rentrer chez lui ? Et puis les lumières se sont
rallumées, et vous avez regardé votre bambin. Lui contemplait d'un oeil
ensorcelé et encore humide les énormes E.T. en peluche exposés à
l'entrée de la salle. Téléphone, maison, pognon...
Cécile Mury (Télérama)