CON LA PATA QUEBRADA - Diego Galán

A PROPOS

Le titre de ce documentaire divertissant et effrayant est un fragment d'expression populaire : « La mujer honrada y casada en casa con la pata quebrada » : la femme honorable et mariée se trouve à la maison, avec la jambe cassée (pour qu'elle ne puisse en sortir). Le général Franco, qui dirigea l'Espagne de 1939 à 1975, était un adepte forcené de la sagesse populaire, dans les dictons de laquelle il trouvait toutes les justifications à la politique réactionnaire et répressive qui était la sienne.
Diego Galan, grand cinéphile d'Espagne (journaliste, directeur du festival de Saint-Sébastien, réalisateur...) a réuni sous ce titre des extraits de films réalisés en un demi-siècle, des premiers jours de l'éphémère Seconde République (celle qui fut mise à bas par les putschistes emmenés par Francisco Franco) à la démocratisation qui suivit la mort du caudillo.
Il ne s'agit pas d'une étude approfondie – le film dure moins d'une heure et demie – ni d'une entreprise de dénonciation militante. Simplement de montrer, par la juxtaposition de matériaux hétérogènes (films de fiction, en majorité, et bandes d'actualité) comment le cinéma a trouvé sa place dans l'idéologie franquiste, et y a joué un rôle actif et peu ragoûtant.
Les premières séquences, qui rassemblent des extraits du cinéma républicain, laissent deviner un pays parcouru de tendances contradictoires, entre hédonisme et militantisme, comédies lestes, dans lesquelles des prédatrices cherchent un beau parti, ou exaltation de la femme au travail. La victoire fasciste relègue les Espagnoles à la maison et les personnages féminins du cinéma aux conditions de femmes perdues (qui ne trouveront la rédemption que par la mort), de ménagère ou, à la rigueur, de ravissante idiote.
On peut reprocher à Diego Galan de ne pas creuser davantage certains thèmes, d'être chiche en informations sur les films, sur leur vie dans la société espagnole de l'époque. Mais en offrant plus, il courait le risque d'offrir un spectacle littéralement insupportable. En procédant par petites touches, on passe des années de plomb qui ont suivi la guerre à la modernisation des années 1960, avec l'irruption d'un humour égrillard, inspiré du cinéma coquin italien. Mine de rien, Con la pata quebrada montre comment le totalitarisme mou du franquisme finissant a procuré au pays l'illusion de la modernité, tout en empêchant les évolutions qui transformaient le reste de l'Europe.
Tout naturellement, une bonne partie de la conclusion de ce petit film brillant est occupée par le cinéma de Pedro Almodovar. Le cinéaste manchego est ainsi élevé au rang de redresseur de torts, faisant jaillir des personnages féminins hors de leur foyer, qui répondent aux vieux proverbes que non, elles n'ont rien fait pour mériter ça, et qu'elles ne le toléreront plus.   Thomas Sotinel (Le Monde)

Soirée Exitos
jeudi 5 mars 2015 à 19h30

Tarif soirée 9.40 euros les 2 films


19h30 CON LA PATA QUEBRADA de Diego Galán
22h00 LES HOMMES! DE QUOI PARLENT-ILS? de Cesc Gay

Soirée organisée en collaboration avec Colombie Sans Frontières , l'Université d'Angers, le CDDP 49 et Cinéma Parlant dans le cadre de la semaine de cinéma de langue espagnole


CON LA PATA QUEBRADA

de Diego Galán

Film documentaire
Espagne - 2013 - 1h22 - Version originale sous titrée - Cannes 2013

Des années 30 à nos jours, une chronique sur la représentation de la femme dans le cinéma espagnol. Une manière aussi de revisiter l'Histoire de l'Espagne et plus particulièrement celle de l'évolution féminine.

http://www.zerodeconduite.net/dp/zdc_conlapataquebrada.pdf

A PROPOS

Le titre de ce documentaire divertissant et effrayant est un fragment d'expression populaire : « La mujer honrada y casada en casa con la pata quebrada » : la femme honorable et mariée se trouve à la maison, avec la jambe cassée (pour qu'elle ne puisse en sortir). Le général Franco, qui dirigea l'Espagne de 1939 à 1975, était un adepte forcené de la sagesse populaire, dans les dictons de laquelle il trouvait toutes les justifications à la politique réactionnaire et répressive qui était la sienne.
Diego Galan, grand cinéphile d'Espagne (journaliste, directeur du festival de Saint-Sébastien, réalisateur...) a réuni sous ce titre des extraits de films réalisés en un demi-siècle, des premiers jours de l'éphémère Seconde République (celle qui fut mise à bas par les putschistes emmenés par Francisco Franco) à la démocratisation qui suivit la mort du caudillo.
Il ne s'agit pas d'une étude approfondie – le film dure moins d'une heure et demie – ni d'une entreprise de dénonciation militante. Simplement de montrer, par la juxtaposition de matériaux hétérogènes (films de fiction, en majorité, et bandes d'actualité) comment le cinéma a trouvé sa place dans l'idéologie franquiste, et y a joué un rôle actif et peu ragoûtant.
Les premières séquences, qui rassemblent des extraits du cinéma républicain, laissent deviner un pays parcouru de tendances contradictoires, entre hédonisme et militantisme, comédies lestes, dans lesquelles des prédatrices cherchent un beau parti, ou exaltation de la femme au travail. La victoire fasciste relègue les Espagnoles à la maison et les personnages féminins du cinéma aux conditions de femmes perdues (qui ne trouveront la rédemption que par la mort), de ménagère ou, à la rigueur, de ravissante idiote.
On peut reprocher à Diego Galan de ne pas creuser davantage certains thèmes, d'être chiche en informations sur les films, sur leur vie dans la société espagnole de l'époque. Mais en offrant plus, il courait le risque d'offrir un spectacle littéralement insupportable. En procédant par petites touches, on passe des années de plomb qui ont suivi la guerre à la modernisation des années 1960, avec l'irruption d'un humour égrillard, inspiré du cinéma coquin italien. Mine de rien, Con la pata quebrada montre comment le totalitarisme mou du franquisme finissant a procuré au pays l'illusion de la modernité, tout en empêchant les évolutions qui transformaient le reste de l'Europe.
Tout naturellement, une bonne partie de la conclusion de ce petit film brillant est occupée par le cinéma de Pedro Almodovar. Le cinéaste manchego est ainsi élevé au rang de redresseur de torts, faisant jaillir des personnages féminins hors de leur foyer, qui répondent aux vieux proverbes que non, elles n'ont rien fait pour mériter ça, et qu'elles ne le toléreront plus.   Thomas Sotinel (Le Monde)

LES HOMMES ! DE QUOI PARLENT-ILS ? - Cesc Gay

A PROPOS

Le titre français du nouveau film de Cesc Gay ( Krámpack, En la ciudad) est probablement un peu trompeur car ce "les hommes, de quoi parlent-ils ?" évoque une comédie pas forcément très subtile sur les rapports hommes/femmes et les clichés qui s'y rapportent. Curieusement, en version originale, on est plus du côté du western : Una pistola en cada mano, une arme dans chaque main, qui donne l'impression d'un règlement de comptes. La réalité est quelque part entre les deux, avec un film à sketches plus bienveillant qu'acide qui dresse un savoureux portrait générationnel.
Les personnages masculins, assez stéréotypés, sont rarement à leur avantage, sans pour autant se départir d’un certain capital sympathie. D'ailleurs, comme par un curieux retournement des clichés, ils sont presque tous perçus à travers leur rapport aux femmes. Il y a le loser magnifique, le mari trompé, le dragueur impénitent, le divorcé qui a des remords... Chaque situation donne lieu à des séquences douces amères plus que franchement comiques, qui sont souvent bien vues. Ainsi, le malheureux dragueur d'open space en prend pour son matricule et finit par remercier la femme qui l'a (gentiment) ridiculisé. Un peu didactique, mais plutôt jouissif. Même chose avec ce mari volage tout contrit qui essaie maladroitement de reconquérir sa femme.
Mis en perspective de Con la patata quebrada, qui revenait sur l'histoire de la femme espagnole à travers 80 ans de cinéma, Les hommes, de quoi parlent-ils ? fait l'effet d'une petite vengeance. Ici, les compagnes et épouses prennent leur vie en mains, sous le regard globalement dépassé de leurs conjoints. On sent dans ce tableau quelque chose d'une société patriarcale qui se réveille avec la gueule de bois, et réalise qu'elle a perdu une partie de ses pouvoirs. Une impuissance symbolisée par celle, littérale ou symbolique, des différents personnages. Même chose pour la violence conjugale, neutralisée à grand renfort de rituels fétichistes et de jeux de domination.
Derrière la légèreté apparente du propos se cache ainsi un regard acerbe sur les difficultés rencontrées par les hommes pour faire face aux bouleversements de la société. Comme coincés dans le passé, ils se retrouvent en décalage avec les femmes qu'ils côtoient, qui, elles, sont totalement entrées dans le 21e siècle. De ce déséquilibre involontaire naît un humour qui vire parfois à l’étude sociologique, le manichéisme et les bonnes intentions en plus. Sans prétention, le film oscille plutôt efficacement entre critique sociale allégée et divertissement réussi.
MpM (Ecran Noir)

LES HOMMES ! DE QUOI PARLENT-ILS ?

de Cesc Gay

avec Ricardo Darín, Javier Cámara, Luis Tosar
Espagne - 2012 - 1h35 - Version originale sous titrée

Le portrait de huit quadragénaires dépassés et déconcertés par leur vie. Incapables d'exprimer leurs émotions, ils se retrouvent projetés dans des situations à la fois comiques et pathétiques, révélant leur conflit majeur : la crise d'identité masculine. Entre déprime, séduction, amour, infidélité et solitude, une radiographie de la vie amoureuse des hommes aujour'hui qui dépeint sans concession leurs faiblesses et leur quête d'une nouvelle identité. 
https://www.facebook.com/pages/UNA-PISTOLA-EN-CADA-MANO/164978736928897?fref=ts

A PROPOS

Le titre français du nouveau film de Cesc Gay ( Krámpack, En la ciudad) est probablement un peu trompeur car ce "les hommes, de quoi parlent-ils ?" évoque une comédie pas forcément très subtile sur les rapports hommes/femmes et les clichés qui s'y rapportent. Curieusement, en version originale, on est plus du côté du western : Una pistola en cada mano, une arme dans chaque main, qui donne l'impression d'un règlement de comptes. La réalité est quelque part entre les deux, avec un film à sketches plus bienveillant qu'acide qui dresse un savoureux portrait générationnel.
Les personnages masculins, assez stéréotypés, sont rarement à leur avantage, sans pour autant se départir d’un certain capital sympathie. D'ailleurs, comme par un curieux retournement des clichés, ils sont presque tous perçus à travers leur rapport aux femmes. Il y a le loser magnifique, le mari trompé, le dragueur impénitent, le divorcé qui a des remords... Chaque situation donne lieu à des séquences douces amères plus que franchement comiques, qui sont souvent bien vues. Ainsi, le malheureux dragueur d'open space en prend pour son matricule et finit par remercier la femme qui l'a (gentiment) ridiculisé. Un peu didactique, mais plutôt jouissif. Même chose avec ce mari volage tout contrit qui essaie maladroitement de reconquérir sa femme.
Mis en perspective de Con la patata quebrada, qui revenait sur l'histoire de la femme espagnole à travers 80 ans de cinéma, Les hommes, de quoi parlent-ils ? fait l'effet d'une petite vengeance. Ici, les compagnes et épouses prennent leur vie en mains, sous le regard globalement dépassé de leurs conjoints. On sent dans ce tableau quelque chose d'une société patriarcale qui se réveille avec la gueule de bois, et réalise qu'elle a perdu une partie de ses pouvoirs. Une impuissance symbolisée par celle, littérale ou symbolique, des différents personnages. Même chose pour la violence conjugale, neutralisée à grand renfort de rituels fétichistes et de jeux de domination.
Derrière la légèreté apparente du propos se cache ainsi un regard acerbe sur les difficultés rencontrées par les hommes pour faire face aux bouleversements de la société. Comme coincés dans le passé, ils se retrouvent en décalage avec les femmes qu'ils côtoient, qui, elles, sont totalement entrées dans le 21e siècle. De ce déséquilibre involontaire naît un humour qui vire parfois à l’étude sociologique, le manichéisme et les bonnes intentions en plus. Sans prétention, le film oscille plutôt efficacement entre critique sociale allégée et divertissement réussi.
MpM (Ecran Noir)